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Idées - Point de vue

Le message d’espoir de Bethléem

Anton Salman, maire de Bethléem.

Ce n’est qu’en parcourant les rues de Bethléem que l’on peut comprendre la richesse de son histoire. Chaque année, la ville entre dans des millions de foyers dans le monde entier à travers l’image de l’humble crèche où est né Jésus. Mais cette image n’a rien à voir avec une expérience directe de la vieille ville. Venir à Bethléem est une expérience unique que j’encourage chacun à faire.

Malheureusement, bien que les visiteurs de Bethléem aient été plus nombreux au cours de l’année écoulée, un grand nombre n’ont pas pu explorer la ville comme il se doit. Sous l’occupation israélienne, les obstacles qui entravent le développement normal du tourisme en Palestine empêchent des milliers de personnes de vivre ce que Bethléem a à offrir.

Par exemple, j’entends souvent les prêtres palestiniens dire : « Dans ce pays, nous accueillons de nombreux touristes, mais très peu de pèlerins. » En d’autres termes, il y a davantage de visiteurs qui souhaitent voir les pierres que rencontrer les pierres vivantes. Cela est une conséquence du monopole d’Israël sur le secteur d’activité du tourisme. Israël a peu d’intérêt à encourager les visiteurs à interagir avec les Palestiniens ou à se renseigner sur leur patrimoine.


(Lire aussi : Des pèlerins venus du monde entier se rassemblent à Bethléem pour Noël)

Patrimoine

Il est difficile d’imaginer que les visiteurs motivés par la foi ou par un sens de l’histoire ne souhaitent pas rencontrer les délégués des lieux saints qu’ils visitent. Le pape Jean-Paul II l’a très bien dit lors de son pèlerinage en 2000, quand il a dit aux Palestiniens lors d’une visite au camp de réfugiés de Dheisheh : « Les pasteurs et les bergers de Bethléem étaient probablement vos prédécesseurs, vos ancêtres. »

L’église de la Nativité est d’une importance fondamentale pour tous les chrétiens, quelle que soit leur confession. Pourtant, nous devons encore nous donner beaucoup de mal pour convaincre les gens de la visiter. Plus choquant encore, lorsque nous avons voulu inscrire l’église sur le site du patrimoine mondial de l’Unesco, certains pays, succombant aux pressions israéliennes et américaines, se sont opposés à cette désignation. Nous avons pourtant réussi et nous nous employons à présent à préserver ce site vénéré. Je suis fier de dire que ce sera le dernier Noël avant la restauration complète de l’église. Bientôt, les visiteurs pourront voir des mosaïques récemment découvertes et le plancher d’origine de l’église, qui remontent tous au IVe siècle. Après cela, ils pourront visiter d’autres monuments de la vieille ville, notamment la rue de l’Étoile, la route du pèlerinage suivie par Joseph et Marie, que nous transformons en un lieu animé.

En effet, le patrimoine culturel de Bethléem va bien au-delà des murs de l’église de la Nativité. La richesse de la ville est documentée de longue date, en particulier par les explorateurs européens qui s’y sont rendus au XIXe siècle. Dans l’ouvrage du Français Victor Guérin Description de la Palestine, publié en 1875, se trouve une ville pleine de vie, divisée en au moins huit quartiers. Les anciens visiteurs ont vu la splendide architecture du quartier Anatra et la plus ancienne école en fonction de la Palestine, le Terra Sancta College, qui remontait à l’année 1598. On ne peut pas en dire autant de la plupart des visiteurs actuels.

La gastronomie de Bethléem est également un trésor. Des pâtisseries fraîches, des falafels, de l’houmous, la table d’un chef garnie de produits des jardins de Battir : la richesse des plats de Bethléem est rare pour une petite ville. Les jardins de Battir, un autre site du patrimoine mondial à seulement 15 minutes du centre-ville, disposent de terrasses agricoles à couper le souffle, de sentiers de randonnée, de vignes et d’oliviers qui se démarquent de la laideur des colonies israéliennes et des murs qui encerclent la ville. En raison de ces colonies, le mandat du gouvernement palestinien s’applique à seulement 13 % de la superficie totale du district.


(Lire aussi : A Bethléem, naissance attendue d'une application pour faciliter les visites)


Foi sans fanatisme

Bethléem ne fait pas exception aux défis que doit relever la Palestine tout entière. La reconnaissance par l’administration Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël a encouragé le gouvernement israélien à augmenter la colonisation dans et autour de Jérusalem-Est, ce qui affecte gravement Bethléem. Avec les lois racistes qui divisent de plus en plus nos familles, certains ont perdu tout espoir en une solution politique et ont choisi l’immigration à la place. Mais les blessures de l’occupation ne disent pas tout. Les milliers de Palestiniens qui séjournent à Bethléem, malgré la lutte constante, composent une société civile florissante et créative, des artistes, des organisations de défense des droits de l’homme et des hommes d’affaires qui continuent leurs activités au nom de l’espoir. La réalité des Palestiniens d’aujourd’hui est parfaitement rendue par un passage tiré du livre de Jérémie : « “Paix, paix”, disent-ils, quand il n’y a pas de paix. » À quoi nous pourrions ajouter : « “Espoir, espoir” lorsqu’il n’y a aucun espoir », parce qu’il est de notre responsabilité d’entretenir l’espoir. L’esprit d’espoir est ce qui permet à Bethléem de briller de mille feux, même durant les heures noires de l’occupation.

Bien que les sionistes chrétiens comme le vice-président américain Mike Pence fassent un usage cynique de la Bible pour justifier l’oppression des Palestiniens, comme si nier nos droits était un mandat divin, nous sommes néanmoins déterminés à défendre le message du Christ de justice, d’amour et de paix. Il n’y a rien de divin dans le système d’apartheid qui nous entoure. Le mur illégal qui a été construit au cœur de notre ville est contraire à la justice et à la liberté. Son démantèlement serait une bénédiction.

Pour le reste du monde, Bethléem est et doit rester un symbole d’espoir. Abritant une architecture cosmopolite séculaire et des dizaines d’églises de différentes confessions, la ville est un bastion de l’inclusion. Le camp des bergers de Beit Sahour, l’église Saint-Nicolas et la vallée de Crémisan à Beit Jala, le monastère Saint-Georges à al-Khader et Mar Saba incarnent tous une foi sans fanatisme. Mais, ne l’oublions pas, Bethléem accueille également trois camps de réfugiés, qui nous rappellent l’injustice rendue aux Palestiniens durant la Nakba (catastrophe), lorsque des centaines de milliers de Palestiniens, expulsés de leurs maisons en 1948, ont cherché refuge ici.

Après plus de 2 000 ans, le message d’espoir de Bethléem dans le monde reste inchangé. Tous sont invités à venir en personne en faire l’expérience directe.

Copyright : Project Syndicate, 2018.

par Anton SALMAN

Avocat et maire de Bethléem.


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J’irai, je promets!

Punjabi

16 h 46, le 02 janvier 2019

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  • J’irai, je promets!

    Punjabi

    16 h 46, le 02 janvier 2019

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