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Moyen Orient et Monde - Reportage

Tenaillés par la faim et les combats, les Syriens fuient par milliers un fief de l’EI

Ces derniers jours, le camp al-Hol a accueilli plus de 1 700 déplacés.


Mohammad al-Hussein, un Syrien originaire de Deir el-Zor réfugié à al-Bab. AFP / Nazeer AL-KHATIB

Sous une tente dans un camp de déplacés, Kamela Fadel serre contre elle son nouveau-né Faraj. Elle a accouché sur la route en fuyant les bombardements meurtriers visant un ultime réduit du groupe État islamique (EI) dans l’Est syrien. Bravant la pluie et le froid du désert, des milliers de civils ont déserté ces derniers mois une poche tenue par l’EI dans la province orientale de Deir ez-Zor, où les jihadistes résistent farouchement depuis septembre à une offensive lancée par les combattants kurdes et arabes des Forces démocratiques syriennes (FDS). Dans ce secteur, les localités de Hajine, Soussa et al-Chaafa sont quasi-quotidiennement la cible de raids meurtriers menés par la coalition internationale antijihadiste dirigée par Washington, qui intervient en soutien aux FDS. « J’ai dû affronter la faim, le froid et la pluie, mais grâce à Dieu, on est arrivés ici », raconte Kamela Fadel dans le camp al-Hol, dans le nord-est de la Syrie. Alors qu’elle fuyait al-Chaafa avec des dizaines d’autres habitants, la jeune femme a donné naissance il y a quelques jours au petit Faraj en plein désert et sous la pluie. Elle a ensuite rejoint des centaines de déplacés ayant réussi comme elle à s’échapper du fief de l’EI et qui sont désormais massés sous de vastes tentes, dans un camp sous la supervision des autorités kurdes semi-autonomes. Dans un brouhaha permanent, les enfants jouent à escalader des matelas entassés les uns sur les autres, tandis qu’une vieille femme habillée de noir avance difficilement, aidée par une infirmière, vers la clinique du camp. Non loin, des familles assises en cercle mangent du pain et des boîtes de conserve. Emmitouflés dans des couvertures, près de leurs sacs pleins à craquer et sur des tapis posés à même la terre, ils ont ordre de ne pas quitter ces tentes jusqu’à ce que leur identité soit vérifiée par des autorités soucieuses d’empêcher toute infiltration jihadiste.

Faim et destruction

Pour échapper aux jihadistes de l’EI, les déplacés ont marché plusieurs jours d’affilée avant d’atteindre les positions des FDS. De là, ils ont été transportés dans des bus en direction d’al-Hol, situé à plusieurs dizaines de kilomètres de Hajine. « C’est la faim qui nous a poussés à partir, il n’y avait plus rien à manger », explique le mari de Mme Fadel, Abou Faraj, qui arbore encore l’épaisse barbe noire dont le port est imposé par les jihadistes. « Il y a des destructions partout (...), on avait peur pour les enfants », poursuit le trentenaire, un foulard traditionnel noir noué autour du crâne.

Ces derniers jours, le camp al-Hol a accueilli plus de 1 700 déplacés arrivés par vagues successives, selon Mohammad Ibrahim, un responsable local. Et depuis juillet, frappes aériennes et combats au sol ont poussé à la fuite quelque 16 500 personnes, contraintes d’abandonner leur maison, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). « En Syrie, les déplacements entraînent l’insécurité alimentaire puisque les gens abandonnent leurs biens derrière eux. C’est pourquoi il est essentiel de maintenir une aide alimentaire vitale aux familles vulnérables », souligne auprès de l’AFP une porte-parole du PAM à Damas, Marwa Awad.

Le dernier carré des cadres de l’EI

Près de 320 civils, dont 113 enfants, ont été tués dans les combats ayant lieu dans le bastion de l’EI, notamment lors de raids de la coalition internationale, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Mais malgré l’envoi de renforts, les FDS peinent à progresser sur le terrain. Depuis le lancement de leur offensive le 10 septembre, les combattants kurdes sont confrontés à de meurtrières contre-attaques jihadistes. « Il y a des mines enfouies sous toutes les routes », confie Abou Omar, qui s’exprime sous un pseudonyme et refuse d’être filmé, craignant les représailles contre ses proches restés à al-Chaafa. Dans ce dernier réduit de l’EI de l’Est syrien, « il y a encore de hauts dirigeants (de l’EI) et des étrangers, la plupart combattent au front », ajoute-t-il. « Ils ne vont pas se rendre facilement, ils lutteront jusqu’à la mort ». La coalition internationale estime à 2 000 le nombre de jihadistes encore présents dans cette poche de l’EI. « Le jour où on est sortis, il y avait un épais brouillard qui nous a permis d’avancer à couvert. S’ils nous avaient vus, ils (les jihadistes, NDLR) nous auraient exterminés », assure Ziba al-Ahmed, originaire de Soussa. « Les bombardements faisaient peur, on était tenaillés par la faim », poursuit cette quinquagénaire, mère de quatre enfants. Dans l’espoir de pouvoir emporter les machines agricoles de la famille, son mari et sa fille notamment sont restés à Soussa. « On est inquiets pour eux, on ne sait pas ce qui va leur arriver », confie-t-elle.

Delil SOULEIMAN/AFP

Sous une tente dans un camp de déplacés, Kamela Fadel serre contre elle son nouveau-né Faraj. Elle a accouché sur la route en fuyant les bombardements meurtriers visant un ultime réduit du groupe État islamique (EI) dans l’Est syrien. Bravant la pluie et le froid du désert, des milliers de civils ont déserté ces derniers mois une poche tenue par l’EI dans la province orientale de...

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