Une boîte de nuit de Beyrouth a décidé de se servir de sa notoriété afin de sensibiliser au recyclage et à la réduction du plastique dans la vie quotidienne. Et elle l’a fait en bannissant les pailles en plastique, ces objets à usage unique qui, comme les sacs ou les gobelets, font des ravages environnementaux, notamment dans les mers.
Quand on entre au Grand Factory, on remarque les installations artistiques à base de l’ancien stock inutilisé de pailles. Ces objets en plastique sont disposés sur les murs, puis employés pour former des mots, et répercutent la lumière des lampes qu’ils entourent. « C’est vraiment trop cool ce qu’ils font ici, c’est bien, j’aime trop le recyclage », s’enthousiasme Elena sur la piste de danse. Cette jeune femme est une habituée de la discothèque. Elle y vient pour s’amuser, mais surtout parce qu’elle est sensible à son engagement écologique.
En 2017, l’établissement décide d’abandonner complètement les pailles en plastique. Au-delà de leurs convictions personnelles, les propriétaires et les employés tentent de sensibiliser leurs clients et d’éduquer au recyclage. Ils veulent faire comprendre aux clients pourquoi les pailles en plastique ne feront plus partie du décor de la boîte et pourquoi il ne faut pas s’en servir. Les clients sont mis à contribution pour aider à résoudre par leurs propositions le problème du stock de pailles qui reste dans la boîte. Celle-ci a fait appel à eux dans une vidéo en ligne sur les réseaux sociaux, où le problème est expliqué en ces termes : « Il est impossible de recycler les pailles en plastique. Nous voulons nous en débarrasser en toute sécurité. Mais nous en avons 12 000 ! Que faire avec ces 12 000 pailles ? »
Parmi les réponses, beaucoup de clients ont suggéré l’upcycling, soit la création d’œuvres d’art à partir d’objets recyclés. C’est ainsi que quatre œuvres artistiques ont été créées par des artistes et des clients bénévoles et placées dans les escaliers.
L’initiative de la boîte de nuit s’inscrit dans une liste, déjà longue, d’actions indépendantes et privées en faveur de l’écologie au Liban. Assise sur les banquettes de cet établissement avec son groupe d’amis, Christelle se plaint de la mauvaise gestion des ordures au pays du Cèdre : « Il y a trop de déchets et personne ne fait le tri, c’est vraiment n’importe quoi. Mais on commence à s’améliorer un peu... »
Au Liban, la crise des déchets ménagers n’en finit pas. Depuis la crise de 2015-2016, au cours de laquelle les ordures se sont amoncelées dans les rues, les autorités ne trouvent toujours pas d’alternatives durables et respectueuses de l’environnement. « Les initiatives de cette boîte font réfléchir les clients. Je pense que les choses vont se faire petit à petit, mais pour l’instant, les Libanais ne sont pas éduqués au recyclage, ils ne savent pas comment réduire leurs déchets », explique Roger, un client, tout en attendant sa commande devant le bar.
Des partenariats avec d’autres associations
L’équipe de la boîte redouble de créativité pour atteindre ses objectifs : elle a décidé de vendre aux enchères la dernière paille utilisée dans l’établissement. Elle est désormais encadrée sur l’un des murs de la discothèque avec le nom de son propriétaire. L’argent récolté a été reversé à la Croix-Rouge libanaise. Et ce n’est pas la première initiative du genre, cela fait deux ans que l’établissement multiplie les mesures environnementales, non sans rencontrer nombre de difficultés. Les clients ont été encouragés, à l’hiver 2016, à apporter un vêtement dont ils ne se servent plus. « Cette première action n’a pas rencontré beaucoup de succès. On voulait rendre les choses amusantes pour inciter les clients à participer au recyclage », explique Nour Fayad, directrice de la communication.
« En 2017, nous nous rendons compte que nous sommes incapables de remplacer nos verres en plastique par d’autres en verre, pour des questions de sécurité », poursuit-elle. La discothèque met alors en place un partenariat avec l’association arcenciel pour recycler les gobelets en plastique. « On encourage les associations à entrer en contact avec nous », explique Nour Fayad.
Constatant que les gens ne sont pas habitués à trier leur plastique, ils ont décidé de transformer l’expérience en jeu. Le principe : une sorte de jeu d’arcade dans le club, avec trois consoles connectées à un grand compteur au-dessus du bar. Chaque week-end, les clients devaient jeter leur plastique dans les bons bacs. Quand le marqueur indiquait 2 000 gobelets en plastique, des pizzas étaient offertes à tout le monde. « Nous avons arrêté cette activité, parce que ça ne marchait pas vraiment, les gens prenaient ça pour une poubelle, jetaient leurs verres à moitié pleins et ne saisissaient pas totalement l’idée derrière cette démarche… » regrette Nour Fayad.
L’établissement reste en contact avec sa clientèle, via les réseaux sociaux, pour tenter de trouver de nouvelles idées et souhaite élargir le challenge à d’autres enseignes.
*Article paru dans l’édition du 3 juillet 2018.