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#MaBaddaPlastic

Une matière dont le danger pour la santé est désormais prouvé

Le bisphénol A et les phtalates contenus dans les conteneurs en plastique sont loin d’être inoffensifs.*

Au Liban, le plastique utilisé dans l’agroalimentaire ne porte pas de label sur sa composition ni sur sa durée de vie. Photo Bigstock

Pratique, léger, facile à manipuler et abordable sur le plan financier, le plastique est l’une des matières largement utilisées dans l’industrie agroalimentaire et à une échelle plus individuelle à la maison pour conserver les aliments ou les emporter. Cette matière n’est toutefois pas inoffensive et ses effets néfastes sur la santé sont de plus en plus palpables.

Hassan Dheini, toxicologue, professeur à la faculté de santé publique de l’Université américaine de Beyrouth, est convaincu que dans une décennie, une nouvelle vague viendra contrecarrer l’usage du plastique. « Nous chercherons des moyens pour éliminer cette matière parce qu’on est de plus en plus conscients du danger qu’elle représente pour l’environnement et la santé », insiste-t-il, notant que sur le plan de la santé, le plastique le plus dangereux reste celui utilisé dans les emballages des aliments, de l’eau et des boissons.

Deux genres sont le plus utilisés à cet effet. « Le PET (polytéréphtalate d’éthylène), tendre et malléable, est surtout utile pour fabriquer les bouteilles d’eau et d’eau gazeuse, explique M. Dhaini. Le PVC (polychlorure de vinyle) est notamment utilisé pour les tuyaux. Le PET et le PVC contiennent des phtalates, qui sont des substances chimiques utilisées pour assouplir le plastique. En toxicologie, on sait que les phtalates font partie des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des substances chimiques qui peuvent interférer dans le système endocrinien de l’organisme. Ces matières sont d’autant plus dangereuses qu’elles peuvent avoir des effets sur l’organisme, même à des doses minimes. »

À l’échelle mondiale, « plusieurs études continuent d’être menées sur l’exposition aux phtalates et sur leur toxicité », souligne May Jurdi, professeure de santé environnementale à l’AUB. « De plus en plus, on connaît leurs effets », poursuit-elle. Elle note ainsi qu’un taux élevé de ces matières dans l’eau peut avoir « des effets sur le système de reproduction, chez l’homme plus que chez la femme ». « Même si on y est exposé durant l’enfance, les effets de ces matières persistent à l’âge adulte, constate-t-elle. De plus, les études ont montré que le système digestif n’absorbe pas les phtalates de la même façon chez les rats et chez l’homme, et que ces matières pourraient avoir aussi un effet sur la fonction hépatique. Sur le long terme, elles pourraient même être attribuées à certains cancers. »

Mme Jurdi explique que l’Association pour la protection de l’environnement aux États-Unis (EPA) et le Libnor (Institut libanais pour les standards) ont fixé à 0,6 microgramme par litre le taux maximal de phtalates accepté dans l’eau. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le taux maximal accepté est de 0,8 microgramme par litre.

M. Dheini souligne de son côté que « chez les femmes enceintes, une exposition aux phtalates n’est pas sans effets sur le système reproductif du fœtus, surtout mâle ». « D’autres études montrent que chez les femelles, ces matières pourraient avoir un impact sur les glandes mammaires », ajoute-t-il.

Le bisphénol A

Le plastique polycarbonate a la propriété d’être dur et résistant aux chocs. Utilisé pour fabriquer à titre d’exemple les bonbonnes d’eau de vingt litres, il est essentiellement composé de bisphénol A, une matière chimique qui entre aussi dans la composition des résines qui tapissent l’intérieur des boîtes de conserve, des cannettes de boissons, dans l’emballage des aliments pour micro-onde ainsi que plusieurs autres produits. Cette matière est controversée à l’échelle mondiale. Et pour cause, « puisque les études ont montré que le bisphénol A, également un perturbateur endocrinien, est une molécule œstrogénique, c’est-à-dire qui est proche de l’œstrogène », avance M. Dheini. De ce fait, « il pourrait augmenter les risques des cancers du sein et de la prostate, comme il pourrait perturber la fonction de la glande thyroïdienne, notamment chez la femme enceinte », précise-t-il, soulignant qu’il a aussi un impact sur la fertilité chez l’homme. « Le bisphénol A est également antiandrogénique, c’est-à-dire qu’il diminue l’activité des hormones androgènes », fait remarquer le toxicologue.

Il note qu’au Liban, deux études ont été menées sur les taux de bisphénol A dans l’eau des bonbonnes vendues par les compagnies légales. « Il s’est avéré que, selon la source et la conservation des bonbonnes, le taux de bisphénol A dans l’eau variait et atteignait souvent des taux alarmants, surtout si celles-ci ont été exposées au soleil et à la chaleur. Une seconde étude a été menée sur l’huile d’olive dans la région de Hasbaya. L’huile conservée dans des conteneurs en plastique a été contaminée, avec le temps, par le bisphénol A.

M. Dheini explique que le bisphénol A, qui est une matière organique, a une interaction avec des produits contenant de la graisse, comme les viandes, l’huile, la margarine… « De ce fait, les aliments gras conservés dans des conteneurs formés de bisphénol A seront forcément contaminés par cette matière, insiste-t-il. De plus, une fois passé au micro-onde, la migration du bisphénol A vers les aliments devient importante. »

Les précautions à prendre

La prévention des effets du plastique sur la santé se fait à plusieurs niveaux. Mme Jurdi explique ainsi que les bonbonnes d’eau ont en général une date d’expiration. « Tant que ces produits sont transportés et conservés selon les normes, c’est-à-dire à l’abri de la lumière, du soleil et de la chaleur, ils sont inoffensifs si la date de leur durée de vie n’est pas dépassée, affirme-t-elle. Ils deviennent dangereux lorsqu’ils sont utilisés au-delà de cette date et s’ils sont mal conservés. De plus, il ne faut pas mettre des aliments acides dans les conteneurs de plastique, au risque de provoquer une contamination aux phtalates. »

 M. Dheini renchérit : « Les femmes enceintes doivent éviter de s’exposer à des boissons, de l’eau et de la nourriture contenues dans du plastique. Tout un chacun doit aussi éviter de chauffer la nourriture dans des conteneurs en plastique. »

Et de déplorer : « Le problème au Liban, c’est que le plastique utilisé dans l’agroalimentaire ne porte pas de label sur sa composition ni sur sa durée de vie. Les autorités concernées ont la responsabilité de classer le plastique de qualité alimentaire et de publier des normes pour mettre un terme à l’anarchie observée actuellement dans ce secteur. « 

Pour les deux spécialistes, il faudrait également que l’État contrôle le secteur de l’eau minérale depuis la source jusqu’à la mise en vente de l’eau, en passant par le transport, la conservation des bonbonnes, leur réutilisation… Pour ce qui est des petites bouteilles, il est conseillé de les utiliser une seule fois si elles ont été exposées au soleil et à la chaleur, et pas plus de quinze fois si elles sont bien conservées.

Tant May Jurdi que Hassan Dheini expliquent que les études sont menées sur les conteneurs en plastique dont la composition est connue. « Vous pouvez imaginer le danger que peuvent représenter pour la santé les conteneurs fabriqués localement dont ignore tout de la composition », lancent-ils.

*Article paru dans l’édition du 24 octobre 2018.

Pratique, léger, facile à manipuler et abordable sur le plan financier, le plastique est l’une des matières largement utilisées dans l’industrie agroalimentaire et à une échelle plus individuelle à la maison pour conserver les aliments ou les emporter. Cette matière n’est toutefois pas inoffensive et ses effets néfastes sur la santé sont de plus en plus palpables.Hassan Dheini,...

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