Le leader druze Walid Joumblatt, ainsi que plusieurs responsables du courant du Futur, ont dénoncé mardi la campagne menée par des figures du 8 Mars contre le Premier ministre désigné, Saad Hariri, notamment relayée par l'ancien ministre druze Wi'am Wahhab et suscitant la colère de partisans du leader sunnite qui ont coupé plusieurs routes à travers le pays, notamment dans les régions sunnites.
Cette tension intervient alors que la formation du gouvernement, attendue depuis plus de six mois, est paralysée par la revendication de six députés sunnites pro-8 Mars qui réclament un portefeuille au sein du prochain cabinet, une revendication rejetée par M. Hariri.
Depuis quelques jours, le Premier ministre désigné est la cible de charges répétées, notamment de la part de Wi'am Wahhab. Lundi, ce dernier avait tenu des propos violents à l'encontre de Saad Hariri et de son père, l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, lors d'une émission télévisée.
Ces propos ont suscité la colère de partisans de M. Hariri qui ont brièvement coupé mardi en début de soirée la route dans le secteur de la Cité sportive, à Beyrouth, à l'aide de pneus brûlés, selon le Centre de gestion du trafic routier sur son compte Twitter. Les route au niveau du rond-point de Cola et de Corniche el-Mazraa ont aussi été brièvement coupées.
Un peu plus tôt, la route de Qasqas en direction de l'aéroport de Beyrouth a aussi été brièvement coupée. Dans la nuit de lundi à mardi, des partisans du Premier ministre désigné avaient brièvement coupé l'autoroute côtière à hauteur de Naamé et de Jiyé, dans le Chouf, à l'aide de pneus brûlés. Les protestataires ont été appelés par la formation de M. Hariri à s'abstenir de manifester leur colère dans la rue et de respecter la loi.
Réactions à la "campagne de diffamation" contre Hariri
Dans la matinée, M. Wahhab a poursuivi ses violentes attaques contre Saad Hariri, appelant ce dernier à "cesser de piller l'argent public". Ces propos ont conduit des militants du Futur à organiser un convoi de véhicules aux couleurs du courant du Futur à Tripoli, au Liban-Nord.
M. Joumblatt et plusieurs députés du Futur ont dénoncé les attaques contre le Premier ministre désigné. "Notre partenaire au sein de la nation et ses alliés sont comme des robots, sans émotion et n'ont malheureusement aucune estime pour quoi que ce soit, même si cela doit aboutir à une détérioration de l'économie du pays (...) Je réitère mon appel en faveur d'un compromis et je déplore la campagne de diffamation contre Saad Hariri. Le gouvernement est une priorité", a écrit le leader druze sur son compte Twitter.
De son côté, le député Futur de Zahlé, Assem Araji, a estimé que la campagne menée par le 8 Mars contre Saad Hariri exacerbait les tensions, affirmant que l'Iran a demandé au Hezbollah d'entraver la formation du gouvernement "dans le but de réduire les sanctions américaines contre Téhéran". Pour sa part, la députée de Beyrouth, Dima Jamali, a également condamné l'intensification de la campagne contre Saad Hariri.
Plus tard dans la soirée, le bloc parlementaire du Courant du Futur a répondu aux détracteurs de M. Hariri. "Ces atteintes (contre Saad Hariri) s'inscrivent dans le cadre de campagnes connues par les Libanais depuis le milieu des années 1990 et qui émanent de cerveaux malades qui veulent éradiquer la famille Hariri du paysage politique libanais", a indiqué le bloc à l'issue de sa réunion hebdomadaire. Ces gens "n'ont qu'un seul objectif, saboter la stabilité nationale et barrer la route à toute tentative de surmonter les obstacles qui empêchent la formation du gouvernement", a estimé le bloc. Il a condamné "les atteintes portées contre la présidence du gouvernement" et réaffirmé son attachement aux "principes constitutionnel dans la formation du cabinet".
L'ancien ministre druze Wi'am Wahab, et qui est clairement visé par le communiqué du bloc du Futur, n'a pas tardé à répondre : "Vous êtes les porte-voix de location, et Saad Hariri est votre porte-voix, mais il est muet", a-t-il lancé.
(Lire aussi : Aoun prend l’initiative en vue d’un déblocage du nœud sunnite)
Bassil a présenté "trois idées" à Berry
Sur le plan politique, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, mandaté par le chef de l'Etat pour régler le "noeud sunnite", a relancé son initiative en s'entretenant avec le président du Parlement, Nabih Berry, pour évoquer ce dossier.
"J'ai présenté à M. Berry trois idées, même s'il y en a beaucoup d'autres, pouvant aboutir à une solution mais tout reste ouvert car le principal, c'est que l'on soit d'accord sur les principes", a déclaré M. Bassil à l'issue de cette rencontre. "La solution doit être juste. On ne peut pas former un gouvernement d'union nationale par la force ou le refus, mais par l'acceptation et le compromis", a-t-il ajouté. Par ailleurs, le chef du CPL a indiqué qu'il n'était pas "convaincu qu'il y ait une décision venue de l'intérieur ou de l'étranger pour empêcher la formation du gouvernement".
Des sources affiliées à MM. Berry et Bassil, citées par notre correspondante Hoda Chedid, ont affirmé que le président du Parlement a dit espérer que le chef du CPL poursuive son initiative, lui assurant qu'il est prêt à aider à la formation du gouvernement, en accord avec toutes les composantes du futur cabinet, de sorte à ce qu'il soit productif et équilibré.
Cet entretien intervient en effet après un entretien du leader du CPL avec Abdel Rahim Mrad, l'un des six députés sunnites pro-8 Mars. "M. Bassil comptait sur une rencontre des députés sunnites indépendants avec le Premier ministre désigné, mais il a été surpris par le refus de ce dernier de nous fixer un rendez-vous", a indiqué M. Mrad lors d’un entretien à la radio, appelant M. Hariri à nommer l’un des six députés sunnites dans le prochain gouvernement et à faire des concessions "en vue de sauver la situation économique du pays".
Dans la soirée, le bloc parlementaire affilié au CPL a affirmé qu'il ne faisait pas partie du problème qui empêche la formation du gouvernement. "La médiation qu'entreprend Gebran Bassil a pour but de parvenir à une solution, et nous ne faisons pas partie du problème, nous cherchons à le résoudre", a déclaré le député Ibrahim Kanaan au nom du bloc. "La période de gestion des affaires courantes (par le gouvernement sortant) ne vas tarder à s'achever", a en outre assuré le bloc aouniste. "Toute personne ou formation qui a l'intention d'aider à parvenir à une solution est la bienvenue et nous sommes prêts à la soutenir", a affirmé le groupe parlementaire.
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12 h 39, le 28 novembre 2018