Gebran Bassil et Abdel-Rahim Mrad, lors de leur rencontre, hier. Photo Dalati et Nohra
Contrairement à ce qu’auraient pu espérer les optimistes, la médiation menée par le chef du Courant patriotique libre et ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, ne semble pas faciliter la formation du gouvernement. Bien au contraire. Le médiateur présidentiel a replacé hier le Premier ministre désigné, Saad Hariri, en confrontation directe avec ses adversaires, en l’occurrence les députés sunnites prosyriens qui continuent d’insister pour prendre part au cabinet.
Dans le cadre de son initiative lancée il y a une semaine pour faciliter la mise sur pied de la future équipe ministérielle, M. Bassil aurait rencontré hier Saad Hariri et Waël Bou Faour, député joumblattiste de Rachaya (qui avait rencontré avec Ghazi Aridi, ancien député joumblattiste de Beyrouth, le chef du législatif Nabih Berry), et le ministre sortant des Finances Ali Hassan Khalil.
Mais il s’est surtout entretenu avec les députés sunnites gravitant dans l’orbite du 8 Mars au domicile de Abdel-Rahim Mrad (Békaa-Ouest). Étaient présents, outre M. Mrad, Fayçal Karamé (Tripoli), Walid Succariyé (Baalbeck-Hermel), Jihad Samad (Denniyé), Kassem Hachem (Marjeyoun) et Adnane Traboulsi (Beyrouth).
S’exprimant à l’issue de la réunion, le médiateur présidentiel a tenu des propos particulièrement importants. « À mon avis, il faut reconnaître que la Rencontre consultative représente une minorité sunnite », a-t-il souligné, précisant une fois de plus que les protagonistes concernés par le nœud sunnite sont le Premier ministre et les parlementaires sunnites (du 8 Mars). « Et c’est à eux de le défaire, d’où l’importance d’un entretien entre eux », a-t-il ajouté. Et de poursuivre : « Le président de la République n’est pas concerné par ce problème. Il n’a donc pas d’inconvénient à ce qu’un ministre sunnite (relevant de son lot) soit nommé conjointement avec M. Hariri ou la Rencontre consultative. » Allant encore plus loin, il a déclaré : « Il n’y a aucun problème à ce que le chef de l’État récupère le ministre chrétien, et le Premier ministre, le sunnite. » Prenant la parole, Abdel-Rahim Mrad s’est quant à lui félicité de la médiation menée par le chef de la diplomatie, soulignant que les députés sunnites (du 8 Mars) tiendront des réunions prochainement pour discuter de la question gouvernementale. « Le chef de l’État a fait des concessions. Il nous est demandé de faire de même, sans pour autant nous en préciser les modalités », a souligné M. Mrad, avant de poursuivre : « Nous insistons pour que l’un de nous prenne part au cabinet. »
Pour en revenir à M. Bassil, ses propos revêtent de l’importance dans la mesure où il s’est rétracté, une fois de plus, par rapport au chef de l’État, à l’heure où c’est à son nom qu’il mène son initiative.
Mieux encore : en rappelant que le président de la République n’est pas concerné par l’obstacle de la représentation des sunnites, et en évoquant un éventuel abandon de l’échange de ministres établi entre MM. Aoun et Hariri, Gebran Bassil renvoyait ouvertement la balle dans le camp de la Maison du Centre, dans la mesure où il aurait laissé entendre que le ministre sunnite du 8 Mars devrait faire partie de la quote-part haririenne.
Sauf que certains observateurs rappellent à cet égard que Saad Hariri persiste et signe : il n’est pas question d’intégrer les députés sunnites proches de l’axe syro-iranien à son équipe. D’autant que le Premier ministre a déjà fait des concessions significatives en accordant un ministre à Baabda et un autre à l’ancien chef de gouvernement Nagib Mikati, comme il l’a fait savoir lors de sa conférence de presse tenue il y a une semaine à la Maison du Centre.
À ce sujet, un proche du chef du gouvernement désigné assure à L’Orient-Le Jour que son camp n’envisage aucunement d’abandonner l’échange de ministres conclu avec Baabda, jugeant « inutile » une rencontre entre Saad Hariri et ses détracteurs sunnites. En face, une source au sein du groupe dit « Le Liban fort » parrainé par le CPL assure à son tour à L’OLJ que le président de la République de même que le parti qu’il a fondé refusent de voir le problème actuel réglé à leurs dépens. Une façon pour le CPL de refuser d’inclure le sunnite prosyrien à sa quote-part, encore moins à celle relevant de Michel Aoun.
(Lire aussi : Gouvernement : la médiation de Bassil menacée d’enlisement)
Le Futur s’en prend au Hezbollah… et à Bassil ?
Cela fait dire à certains observateurs que la journée d’hier prouve que le blocage gouvernemental est là pour durer. D’ailleurs, le groupe parlementaire du Futur a fait savoir que « la mouture ministérielle est prête, et inclut la plupart des formations politiques, exception faite de celles qui refusent toujours d’y prendre part, et qui insistent pour imposer leurs conditions, à savoir la représentation des six députés sunnites ». Une allusion à peine voilée au Hezbollah.
Dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire tenue à la Maison du Centre sous la présidence de Saad Hariri, le groupe parlementaire a estimé que les obstacles entravant la formation du gouvernement sont « injustifiés », affirmant que « le Premier ministre désigné a déployé tous les efforts à même de former le gouvernement ». « Le rôle du Premier ministre est au cœur de ses prérogatives qui lui permettent de définir les options convenables pour mettre sur pied un cabinet, et de protéger la présidence du Conseil », peut-on lire dans le communiqué qui ajoute : « Les tentatives de contourner ces prérogatives constituent une infraction aux us et coutumes, et une attitude visant à réduire le rôle du Premier ministre. » Une allusion à la médiation de Gebran Bassil, sachant que le texte se félicite « des efforts parrainés par le président Michel Aoun afin d’opérer des percées significatives ».
Autre signe de blocage : les chefs religieux poursuivent leur forcing pour la genèse du gouvernement. Ainsi, à l’heure où le patriarche maronite Mgr Béchara Raï espérait, depuis Rome, la formation de l’équipe Hariri avant la fête de l’Indépendance, le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, réitérait son appui à M. Hariri. « Nous sommes avec le Premier ministre qui lutte pour former un cabinet homogène », a-t-il lancé dans le cadre du message adressé aux musulmans à l’occasion de la naissance du Prophète. « Le nœud n’est pas sunnite, comme le pensent certains. Il est éminemment politique et devrait être réglé à la faveur de la coopération entre les protagonistes, notamment les chefs de l’État et du gouvernement. Mais nous craignons de voir de nouveaux obstacles faire leur apparition quand celui-ci sera réglé », a ajouté le dignitaire sunnite.
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commentaires (10)
le "contenu" de la lettre est a priorivisible de par son adresse " dit le diction. gb avait deja annonce la couleur - celle estamplillee gb, cpl etc & marque deposee aussi - il y a de cela qqs semaines deja - avant meme le lapin de hn vs les 6 deputes libres & independants
Gaby SIOUFI
10 h 22, le 22 novembre 2018