Saad Hariri, Ali Hassan Khalil et Riad Salamé réunis hier à la Maison du Centre. Photo Dalati et Nohra
Pas de gouvernement avant Noël. C’est cette sinistre conclusion que l’on peut tirer de l’insistance du Hezbollah à inclure les députés sunnites prosyriens dans la future équipe ministérielle. Une attitude qu’il ne faudrait bien évidemment pas isoler d’un contexte régional et international particulièrement « chaud », marqué notamment par l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions américaines contre l’Iran. Perçue sous cet angle, la léthargie gouvernementale ne serait donc autre qu’une des conséquences graves du bras de fer opposant Téhéran à l’administration Trump, déterminée à réduire l’influence de la République islamique au Moyen-Orient. D’ailleurs, le président américain ne mâche pas ses mots. Dans les premières lignes d’un réquisitoire tonitruant contre l’Iran mardi, Donald Trump a ouvertement accusé Téhéran « de soutenir l’organisation terroriste qu’est le Hezbollah au Liban », estimant que, ce faisant, il rendait le monde « extrêmement dangereux ».
À la faveur de cette logique de confrontation entre la République islamique et les États-Unis, des milieux politiques informés interprètent l’appui indéfectible du parti de Hassan Nasrallah aux députés sunnites du 8 Mars comme une réponse au veto qu’oppose la communauté internationale à des ministrables affiliés à la formation de Hassan Nasrallah. Il s’agit donc d’une tentative du parti chiite d’affirmer que le Liban gravite toujours dans l’orbite syro-iranienne, envers et contre tous les efforts du Premier ministre Saad Hariri et en dépit du forcing occidental pour la mise sur pied d’un cabinet dans les plus brefs délais.
Un analyste politique interrogé par L’Orient-Le Jour ajoute à la querelle entre le Premier ministre désigné et le Hezbollah une dimension strictement locale. Le parti chiite veut affirmer que le courant du Futur ne monopolise plus la représentation des sunnites, et que la résistance existe désormais même dans les rangs de ceux-ci.
C’est dans le cadre de cette épreuve de force qu’il conviendrait d’inscrire les propos tenus hier par le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem. « Nous sommes convaincus que la question gouvernementale relève du Premier ministre. Et la meilleure et seule façon de régler ce problème est d’intégrer un des six députés sunnites (du 8 Mars) à l’équipe ministérielle ou de nommer une personnalité qui bénéficierait de leur approbation, et qui relèverait de la quote-part consacrée aux sunnites », a-t-il lancé, dans une allusion à peine voilée au lot de Saad Hariri.
(Lire aussi : Gouvernement : la médiation de Bassil menacée d’enlisement)
Plus tôt dans la journée, le groupe parlementaire du Hezbollah avait tenu sa réunion hebdomadaire. L’occasion pour ce groupe de renouveler le soutien du parti aux demandes des parlementaires sunnites, mais aussi et surtout de renvoyer une fois de plus la balle dans le camp de Saad Hariri.
Dans un communiqué publié à l’issue de la réunion, le bloc de la Fidélité à la résistance a exhorté le Premier ministre à « œuvrer sérieusement pour former le cabinet », estimant que « cela exige un pragmatisme, et non le blocage des solutions ». Le groupe a en outre estimé que « le refus d’intégrer ces députés au cabinet est injustifiable, ni dans la forme ni dans le fond ».
Les parlementaires concernés par le nœud sunnite, quant à eux, se sont entendus pour solliciter un rendez-vous auprès de Saad Hariri. À en croire une source proche de la Rencontre consultative sunnite, ces députés entendent profiter de cette rencontre pour renouveler leur demande de prendre part au cabinet par le biais d’un des leurs.
En face, les milieux de la Maison du Centre assurent à L’OLJ que le Premier ministre campe sur sa position : il refuse toujours de s’entretenir avec ses concurrents. Une attitude à même de porter un coup sévère à l’initiative menée par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, en sa qualité de médiateur présidentiel. Et pour cause : le chef de la diplomatie déploie des efforts pour assurer un climat favorable à une telle rencontre.
Mais il n’en reste pas moins que les proches de M. Bassil continuent de distiller un climat d’optimisme quant à un possible règlement de l’obstacle sunnite. Citées par l’agence locale al-Markaziya, des sources qui suivent les tractations gouvernementales font valoir que si le Premier ministre désigné refuse de se réunir avec les sunnites prosyriens, plusieurs « idées » de solutions seront examinées en temps voulu.
(Lire aussi : Nœud sunnite : Bassil renvoie la balle dans le camp de Hariri)
Le danger économique
Mais, alors que les protagonistes n’en finissent pas de se disputer les postes ministériels, le Liban semble faire face à un sérieux danger de faillite. Il risque même de perdre les aides internationales approuvées lors de la conférence dite CEDRE tenue à Paris le 6 avril dernier, selon le vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord Farid Belhadj. Mardi, le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt avait posté un tweet particulièrement important à cet égard : « Quand les autres vont-ils comprendre l’importance de la stabilité politique en facilitant la formation d’un gouvernement ? » s’était-il interrogé. Et de poursuivre : « Ou alors nous devons voir le pays s’effondrer et s’appauvrir, et ses citoyens le quitter, à cause des convoitises des pays de la moumanaa ? » Une allusion à peine voilée au Hezbollah et à l’Iran.
Notons enfin que la (dangereuse) situation économique et financière était au menu d’une réunion tenue hier entre le Premier ministre désigné, le ministre sortant des Finances Ali Hassan Khalil et le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, à la Maison du Centre. Selon la LBCI, les trois hommes ont évoqué les moyens de combler le déficit budgétaire.
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commentaires (14)
Mais c'est ce que le Hezbollah veut pas de gouvernement pour appauvrir le pays et faire ce qu'ils veulent avec les Perses , où est tu Alexandre le Grand? Peut être Trump...
Eleni Caridopoulou
17 h 54, le 23 novembre 2018