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Lifestyle - Musée

Black-out autour de la mise à l’écart de Hala Wardé, lauréate du concours BeMA

Invitée à donner une conférence à la Résidence des Pins, l’architecte Hala Wardé est revenue sur sa magnifique aventure au Louvre Abou Dhabi. Mais aussi sur l’éviction, sans explication, de son projet pour le Beirut Museum of Art.


« La première œuvre d’un musée est son architecture », dit Hala Wardé. Photo D.R.

Lundi dernier, lors d’une conférence donnée à la Résidence des Pins, l’architecte franco-libanaise Hala Wardé relatait son aventure au Louvre Abou Dhabi, dont elle a piloté la réalisation de A à Z. Cela avant d’enchaîner sur son expérience avec le projet de BeMa (Beirut Museum of Art) sur lequel elle a travaillé pendant deux ans. Avant d’en être inexplicablement évincée en août dernier... L’Orient-Le Jour a tenté de comprendre pourquoi la lauréate du concours Beirut Museum of Art a été écartée du projet.

En matière de compétence, Mme Wardé a largement fait ses preuves. Distinguée parmi les cinquante personnalités françaises les plus influentes du monde au classement du magazine Vanity Fair, elle est l’architecte partenaire privilégiée du Louvre d’Abou Dhabi, un projet « pharaonique » qu’elle a conduit de bout en bout pendant dix ans. Avec la star française de l’architecture la plus célèbre au monde, Jean Nouvel, elle a collaboré sur de nombreux projets à travers le monde, dont l’audacieux complexe One New Change à Londres. Sa propre agence, HW Architecture, créée indépendamment des Ateliers Jean Nouvel en 2008, a été sélectionnée pour la conception de la nouvelle tour de la compagnie maritime CMA CGM à Marseille : le Mirabeau. L’édifice sera planté entre l’œuvre de Zaha Hadid et la tour marseillaise de Jean Nouvel.

Hélas, nul n’est prophète en son pays, comme le dit l’adage, puisque la lauréate de BeMa a été informée au bout de deux ans de travail que son projet avait été annulé. En 2016, ce projet ambitieux avait pourtant été sélectionné par un jury international comprenant de grands noms de l’architecture et des arts, notamment Rem Koolhaas et Richard Rogers, Rodolphe el-Khoury, doyen de la faculté d’architecture de l’Université de Miami, et Georges Arbid, président de l’Arab Center for Architecture (ACA). La construction devait être érigée rue de Damas, sur une parcelle de 12 000 m² appartenant à l’Université Saint-Joseph. Avec le musée national de Beyrouth et le musée des minéraux (MIM), le BeMa devait former le triangle d’or d’Achrafieh.

Pendant deux ans, Hala Wardé a mis son savoir-faire architectural et muséal à contribution ; son équipe d’architectes et des experts de la profession se sont investis sans compter pour concevoir le BeMA. « J’ai travaillé avec passion sur ce projet. J’ai impliqué des artistes libanais de renommée internationale, notamment Etel Adnan, rendant mon projet unique. » Enfin son projet a bel et bien contribué à la promotion du BeMA et à la levée de fonds pour sa réalisation.


(Pour mémoire : Le BeMa, autre phare de Beyrouth, s’élancera sur 120 mètres)


Les intempéries de la culture
Pourquoi, dès lors, écarter le projet ? Contactée au téléphone, Sandra Abou Nader, vice-présidente d’Apeal, l’association à l’origine du projet, affirme ne pas connaître les raisons de cette rupture. « La décision a été prise par le Board of Trustees du BeMa », assure-t-elle. L’Orient-Le Jour a essayé à plusieurs reprises de joindre son président Joe Saddi. En vain.

Finalement de passage à Beyrouth, Hala Wardé a bien voulu parler lors de sa conférence. « Je continue à chercher les raisons de cette décision, qui a surgi de manière inattendue et violente et qui reste incompréhensible », dit-elle.

En août dernier, l’architecte a reçu une lettre laconique de Maher Mikati, membre du Board, lui signifiant sans aucune explication l’interruption de leur collaboration avec elle. « J’ai essayé de le rencontrer pour comprendre, mais sans succès », raconte Mme Wardé.

Des mésententes ou des litiges associés à l’exécution de ce projet pourraient-ils être à l’origine de la rupture ? « Je ne trouve aucune raison rationnelle à cette décision. Si j’ai accepté d’offrir mon concept et mon temps à ce projet, il fallait en assumer au minimum les frais de production et d’exécution. »

On croit aussi comprendre que rien n’a réussi à modifier la décision de BeMA, ni les tentatives de dialogue, celles notamment du président de l’ordre des ingénieurs et architectes Jad Tabet, ni les mots indignés de la poétesse et peintre Etel Adnan adressés au président Saddi, via L’Orient-Le Jour. « De même qu’il y a des intempéries de la nature, il y a des intempéries de la culture », lâche Hala Wardé, empruntant la citation à son professeur, le philosophe et urbaniste Paul Virilio. C’est bien dommage ! Car le projet proposé pour le BeMA est fondamentalement contextuel, au sens étymologique, physique et métaphysique, culturel et social. À l’opposé de nombreux bâtiments plagiés et qui colonisent le paysage beyrouthin, la spécialiste a tenté, sans compromis ni concession, de porter cette œuvre au niveau de son ambition, « dans un pays où l’on se plaint que les normes et éthiques professionnelles ne sont plus, et depuis bien longtemps, respectées ». Mais comme elle le dit, pour conclure son entretien avec L’Orient-Le Jour, « personne n’a compris que la première œuvre d’un musée est son architecture ».


(Pour mémoire : Hala Wardé, étoile du dôme Nouvel)


Une prouesse architecturale
De musée, il était bien sûr question lors de la conférence organisée à la Résidence des Pins, où Hala Wardé a fait salle comble. La rencontre, organisée avec le soutien de la Banque libano-française, portait sur le thème : « D’un musée à l’autre, les éléments d’un contexte singulier. » Autrement dit, les deux approches contextuelles, à travers l’aventure architecturale et muséographique du Louvre émirati jusqu’au projet du Musée de l’Art de Beyrouth (BeMA).

Introduisant la conférencière, Véronique Aulagnon, directrice de l’Institut français du Liban et conseillère de coopération et d’action culturelle, a souligné que « l’architecture est au cœur d’enjeux de développement économique, social et environnemental, auxquels elle est en mesure d’apporter des réponses fondées sur une vision du bien commun qu’elle incarne, prolonge et rehausse. C’est pourquoi ce cycle de rencontres vise à faire entendre les grandes voix de l’architecture française qui par leur démarches, leurs projets aussi remarquables que divers inventent des solutions au service du vivre-ensemble et pensent les contours d’un avenir durable dans la ville de demain ». L’architecture de Hala Wardé est « une invitation au regard, à l’échange et au dialogue, à l’image de toute œuvre d’art », insiste Mme Aulagnon. Telle cette prouesse architecturale inédite qu’est le gigantesque dôme de résilles d’aluminium blanc qui se superposent et se croisent, jusqu’à former un lacis indescriptible de 8 000 étoiles déversant une pluie d’ombre et de lumière sur 180 mètres de diamètre et sept mètres d’épaisseur au Louvre d’Abou Dhabi. Posé sur quatre pieds uniquement, cette boîte à lumière semble flotter sur l’eau.

Hala Wardé a raconté la genèse du projet à partir du premier croquis que Jean Nouvel a dessiné dans un train qui les emmenait à Londres. « Le croquis primitif, dans tous les sens du terme, contenait déjà tout le projet, dans son essence et dans l’énoncé de son concept, appartenant au lieu, l’eau, le sable et la lumière. Ce dessin a été la partition que nous avons mise en musique », dit-elle. L’architecte qui dirigera ce projet monumental, depuis sa conception en 2006 jusqu’à sa livraison en 2017, souligne que le Louvre Abou Dhabi est « une ville musée protégée par un dôme ». Chaque salle, dont celles des galeries permanentes qui s’étalent sur 6 000 mètres carrés, a son propre bâtiment. De même, chaque sol a une pierre différente et les couches de verre sérigraphies qui revêtent les plafonds cachent tous les éléments techniques. La conférencière révèle également que tout un travail a été entrepris sur les détails et le mobilier : socles, vitrines encerclées de bronze, lustres et autres ont été dessinés par les architectes. Cinq mille ouvriers ont travaillé jour et nuit pendant cinq ans pour livrer le projet à la date prévue. Sur les plans, la superficie atteint 86 000 mètres carrés. Inauguré le 10 novembre 2017, l’établissement surnommé « Le Louvre des sables » est devenu l’emblème de la capitale des Émirats arabes unis.


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Lundi dernier, lors d’une conférence donnée à la Résidence des Pins, l’architecte franco-libanaise Hala Wardé relatait son aventure au Louvre Abou Dhabi, dont elle a piloté la réalisation de A à Z. Cela avant d’enchaîner sur son expérience avec le projet de BeMa (Beirut Museum of Art) sur lequel elle a travaillé pendant deux ans. Avant d’en être inexplicablement évincée en...

commentaires (4)

Inadmissible ces situations non justifiees ! Une grosse perte pour nous Hala..

katya traboulsi

10 h 25, le 27 novembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Inadmissible ces situations non justifiees ! Une grosse perte pour nous Hala..

    katya traboulsi

    10 h 25, le 27 novembre 2018

  • Bravo Hala!! Quelle belle reussite! Helas ces libanais ne connaissent pas ta valeur!

    Salamé Bassam

    23 h 34, le 26 novembre 2018

  • BALA LATTA MA FI BATTA... EH HONE LEBNEN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 24, le 26 novembre 2018

  • Vous vous demandez pourquoi? c'est le Liban a qui avez vous propose une commission sur le montant de ce projet? je suppose a personne DONC OUT

    LA VERITE

    15 h 19, le 26 novembre 2018

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