Le président de la République Michel Aoun, mercredi 21 novembre 2018, lors d'une cérémonie au ministère de la Défense, à Yarzé, au cours de laquelle a été inaugurée une statue en mémoire de l'Indépendance. Phot Dalati et Nohra
Le président libanais, Michel Aoun, a mis en garde mercredi, à la veille du 75e anniversaire de l'Indépendance du Liban, contre "l’ingérence étrangère (qui) nous prive de la liberté de prise de décision" et a appelé à "asseoir l’entente au sein du gouvernement (….) pour sauver notre pays sur les plans économique, social, environnemental et moral", tout en soulignant que "le Liban n'a plus le luxe de prendre son temps".
Affirmant qu’une "nation indépendante signifie une liberté de décision", M. Aoun a appelé les Libanais, dans un discours télévisé retransmis à 20h sur toutes les chaînes locales, à "préserver en priorité l’unité nationale et la volonté de vivre ensemble". "Tout manquement à la cohésion nationale ouvrirait la voie aux dangers, a-t-il mis en garde. L’ingérence étrangère nous prive de la liberté de prise de décision mettant notre souveraineté en péril et faisant perdre tout son sens à l’indépendance".
"L'indépendance et la souveraineté du pays doivent rester à l’écart du tandem partisans-opposants et à l’abri de toute lutte pour le pouvoir", a-t-il encore dit affirmant que son appel "s’adresse aujourd'hui à tous les responsables, à tous les partis et courants politiques ainsi qu’aux différentes communautés confessionnelles". "Les querelles doivent porter sur la politique et non pas sur la nation. Elles restent acceptables tant qu’elles ne portent pas atteinte à la nation", a poursuivi le président.
Il a ainsi appelé les responsables "à rejeter tous les différends, à mettre de côté tous les intérêts personnels pour faire preuve de responsabilité à l’égard de ceux qui nous ont confié leur destin". "Les Libanais n’en peuvent plus des promesses non tenues et des guerres d’intérêts, a-t-il lancé. Il est de notre devoir de les rassurer sur leur avenir, d’asseoir l’entente au sein du Parlement et du gouvernement, d’œuvrer et de planifier, de jour comme de nuit, pour sauver notre pays sur les plans économique, social, environnemental et moral"." Oui, moral, parce que les mots empoisonnés lancés comme des flèches par le biais des médias et des réseaux sociaux reflètent clairement une décadence morale et le déclin des valeurs qui sont des caractéristiques intrinsèques aux Libanais", a souligné le chef de l’Etat.
Ces derniers mois, les convocations par les autorités de journalistes et d'activistes se sont multipliées au Liban pour des écrits sur les réseaux sociaux critiquant certains responsables politiques ou tournant en dérision des symboles religieux. L'organisation internationale de défense des Droits de l'Homme, Human Rights Watch, a appelé début novembre le Liban à réformer ses lois en matière de diffamation.
Toujours au sujet de la crise du gouvernement, M. Aoun a affirmé que "le Liban en a vu d’autres" mais que "nous sommes en train de perdre un temps précieux et irrécupérable nous empêchant d’atteindre notre potentiel de production et de redresser notre économie". "Si vous voulez construire un État, rappelez-vous que le Liban n'a plus le luxe de prendre son temps", a-t-il ajouté.
Le Liban ne s'est toujours pas doté de gouvernement depuis mai dernier, date des dernières élections législatives. La mise sur pied du cabinet bute sur la revendication de six députés sunnites prosyriens, soutenus par le Hezbollah, qui réclament un portefeuille ministériel, ce que Saad Hariri refuse, accusant le parti chiite d'utiliser cette revendication pour bloquer la naissance du gouvernement.
(Pour mémoire : Aoun dénonce les agissements israéliens visant à "créer des tensions au Liban-Sud")
"Un plan économique national"
M. Aoun a ensuite indiqué qu’après avoir "apporté et maintenu la sécurité au Liban", son objectif est désormais de "redresser la situation économique". "A cet égard, un plan économique national a été finalisé et attend son adoption par le Conseil des ministres et le Parlement", a-t-il dit.
"L’économie libanaise souffre de problèmes structurels et financiers qui se sont exacerbés au cours des 28 dernières années et qui ont abouti aux résultats que nous subissons aujourd’hui, a indiqué le chef de l’Etat. La croissance réelle reste faible et incapable de créer des emplois adéquats pour les jeunes, qu’ils soient travailleurs ou entrepreneurs. Notre consommation privée et publique dépasse la valeur totale du PIB".
"En dépit des difficultés actuelles et du sentiment qu’éprouvent certains d’être dans l’impasse, trouvant l'avenir sombre et obscur, je leur affirme en toute confiance et responsabilité que nous ne laisserons pas le pays souffrir davantage, a promis M. Aoun. Nous stopperons la corruption et les corrompus, nous tiendrons nos promesses de réforme, de développement durable et de création d'emplois pour nos jeunes". "Je m’engage à poursuivre les dossiers de la corruption, qu’ils soient petits ou grands avec tous les responsables concernés : la justice, les organismes de contrôle, les responsables de sécurité, les administrations… ", a-t-il ajouté.
Le retour des réfugiés, un droit fondamental
Abordant le dossier des réfugiés, M. Aoun a indiqué que le Liban subit "un fardeau économique, social et sécuritaire important occasionné par la situation des déplacés syriens". "Leur retour dans leur pays constitue leur droit le plus fondamental", a-t-il affirmé en accusant "certains de continuer à entraver ce retour en utilisant tous les moyens d’intimidation pour pousser les déplacés à rester là où ils se trouvent, liant leur retour à une solution politique et exigeant qu’il soit volontaire". "Il s’agit là d’un grave préjudice porté au Liban, a-t-il dénoncé. La situation actuelle dépasse nos capacités à tous les niveaux".
Le Liban accueille quelque 1,3 million de réfugiés syriens ayant fui le conflit qui ravage leur pays depuis 2011, selon le directeur général de la SG, le général Abbas Ibrahim. Selon le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (UNHCR), un peu plus de 970.000 y sont enregistrés. Fin septembre, le général Ibrahim avait affirmé à l’agence Reuters que 50.000 Syriens avaient pu regagner leur pays depuis le début de l’année, estimant qu’à ce rythme, le nombre de rapatriements pourrait atteindre 200.000 d’ici à un an.
"Nous savons mieux que personne que l’indépendance peut devenir une commémoration et une célébration folklorique de façade, vide de sens. Faisons en sorte que notre priorité soit la sauvegarde et le maintien d’une véritable indépendance qui représente le pilier de la stabilité, de la liberté, de la sécurité, de la paix et de la prospérité de notre pays. Vive le Liban", a conclu le président.
Plus tôt dans la journée, le commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun, avait appelé les militaires à "rester en alerte" face à Israël et à être préparés à d'éventuelles répercussions de la situation régionale sur le pays. Le général Aoun s'est ensuite joint au ministère de la Défense, à Yarzé, au chef de l'Etat, au Premier ministre désigné, Saad Hariri, et au président de la Chambre, Nabih Berry, pour une cérémonie au cours de laquelle a été inaugurée une statue en hommage à l'Indépendance. A cette occasion, Joseph Aoun s'est adressé dans un discours au président de la République. "Votre mandat doit assumer de lourdes responsabilités, a-t-il déclaré. Malgré toutes les pressions sur notre Etat, il est parvenu à s'imposer comme un modèle social développé", a-t-il souligné.
Le directeur général de la Sûreté générale libanaise, Abbas Ibrahim, a, lui, affirmé aujourd'hui, dans son ordre du jour aux militaires, que la première priorité de la SG reste de "mettre en échec le terrorisme et lutter contre les cellules établies par Israël au Liban".
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commentaires (10)
Votre excellence alors montrez SVP votre liberté de décision en signant le décret de la formation du gouvernement !!!
Bery tus
20 h 38, le 22 novembre 2018