Il y a près de deux mois, les dirigeants israéliens, Benjamin Netanyahu en tête, menaient une campagne sans précédent contre le Hezbollah en l’accusant d’avoir installé des missiles en plein quartier résidentiel dans la banlieue sud de Beyrouth et le long de la route de l’aéroport. Le Premier ministre israélien avait même exhibé à la tribune des Nations unies des photos aériennes des prétendus missiles. Le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil avait immédiatement réagi en organisant une tournée pour les diplomates étrangers accrédités au Liban sur les sites supposés abriter les missiles du Hezbollah. Cette diplomatie agressive, tout à fait inédite, avait marqué les esprits, certains considérant qu’elle a été efficace, d’autres qu’il s’agit plus d’une démarche théâtrale que d’une véritable preuve que les allégations de Netanyahu sont fausses. Après cette initiative, les habitants de la banlieue sud ont reçu des SMS en provenance d’Israël pour les alerter sur des caches de missiles dans les rues de leurs quartiers. Le secrétaire général du Hezbollah avait alors pris la parole pour dénoncer la guerre psychologique israélienne contre les habitants de la banlieue sud et tous ceux qui appuient la résistance. Malgré cela, « l’affaire des missiles du Hezbollah » a continué à faire son effet. Comme s’il s’agissait de préparer le terrain à une agression israélienne pour détruire ces missiles.
Pour compléter le tableau, et en marge des négociations pour la formation du gouvernement, des rumeurs de plus en plus précises ont commencé à circuler sur l’imminence d’une attaque israélienne prochaine contre les missiles du Hezbollah. Des émissaires occidentaux sont même venus au Liban pour alerter les responsables du pays sur le fait que les menaces israéliennes devraient être prises au sérieux.
(Repère : Invasions, offensives... : retour sur les opérations israéliennes contre le Liban depuis 1978)
De fait, les responsables libanais n’ont pas pris ces déclarations à la légère. Ils estiment que la volonté israélienne de frapper le Hezbollah est une constante. Par conséquent, ils sont convaincus que les Israéliens seraient prêts à saisir la moindre occasion pour agir, faisant fi comme d’habitude des règles internationales. Mais malgré tout, ils n’étaient pas très inquiets. D’abord, le Liban considère que depuis la chute d’un avion russe à Lattaquié en septembre, dont la responsabilité a été attribuée aux Israéliens, les Russes ont adressé à ces derniers un message ferme consistant à leur interdire d’utiliser l’espace aérien syrien sans leur autorisation. En même temps, ils ont remis à l’armée syrienne des missiles S-300, considérés comme un système de défense antiaérien efficace. Or, une partie de l’espace aérien libanais est couverte par ces missiles désormais entre les mains de l’armée syrienne. Par conséquent, en envoyant ses avions pour bombarder les positions du Hezbollah, Israël devrait éviter la zone contrôlée par les Russes et par l’armée syrienne. De plus, si une attaque devait avoir lieu, le Liban pourrait aussi demander aux autorités russes d’étendre leur influence au-dessus de l’espace aérien libanais, chose que les Américains veulent éviter à tout prix. Dans ce contexte, il apparaît donc que les développements de la guerre en Syrie ont considérablement modifié les rapports de forces régionaux, et l’espace aérien libano-syrien qui jusque-là était contrôlé par les Américains et leurs alliés israéliens est désormais en grande partie sous le contrôle de l’aviation et des radars russes. Ce qui limite la liberté d’action israélienne. D’ailleurs, depuis l’incident de la chute de l’avion russe à Lattaquié, les avions israéliens n’ont plus mené de raid en Syrie, alors qu’auparavant, ils en effectuaient régulièrement, visant même directement des positions iraniennes ou prétendues telles.
Pour cette raison, les responsables libanais sont restés prudents face aux messages qui leur ont été transmis. En même temps, ils ont mené des contacts régionaux et étrangers pour tenter à la fois d’en savoir plus et d’obtenir un appui à la protection du Liban et une condamnation de toute tentative de le déstabiliser.
Toutefois, un événement s’est produit récemment et a poussé les dirigeants libanais à se sentir plus rassurés. La miniconfrontation qui a récemment opposé les Israéliens à la résistance palestinienne à Gaza a montré les limites des menaces israéliennes. Pour la première fois dans l’histoire du conflit palestino-israélien, et alors que le contexte arabe était plutôt favorable aux Israéliens – dans le sens où les dirigeants des pays du Golfe et les autres pays arabes étaient trop occupés par leurs propres problèmes pour songer à aider les Palestiniens –, ceux-ci se sont empressés d’accepter une trêve après 48 heures de bombardements réciproques. Dans le cadre de cette confrontation, les Israéliens ont reçu un grand coup en découvrant que non seulement les Palestiniens disposent désormais de missiles plus sophistiqués qu’ils ne le prévoyaient, mais de plus, le fameux bouclier d’acier destiné à protéger le territoire israélien de l’impact des missiles ennemis n’a eu qu’une efficacité limitée de près de 25 %. Si dans la petite bande de Gaza, soumise à un blocus depuis des années, alors que les satellites israéliens et américains surveillent son espace aérien en permanence, les Israéliens n’ont pas pu porter un coup déterminant à la résistance palestinienne, comment dans ce cas pourraient-ils le faire contre le Hezbollah au Liban ?
Le dernier épisode militaire à Gaza a de plus provoqué une crise ministérielle en Israël. Certes, les Israéliens pourraient malgré tout décider de lancer une attaque contre le Liban dans une sorte de fuite en avant et afin de détourner l’attention de leur population de ce qui s’est passé à Gaza, mais ils savent que les menaces de riposte proférées par le secrétaire général du Hezbollah ne sont pas des paroles en l’air.
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commentaires (8)
N est. Pas intelligent celui qui croit tout savoir ou se pense instruit ... l intelligent est celui qui demande a savoir et qui sait qu il ne connaît pas tout A bon liseur salue
Bery tus
20 h 11, le 20 novembre 2018