Rechercher
Rechercher

À La Une - Arabie saoudite

Meurtre de Khashoggi : la justice et la diplomatie saoudiennes dédouanent MBS

La France estime que l'enquête saoudienne va "dans le bon sens" tandis que la Turquie juge "insuffisantes" les explications fournies par Riyad.

Un manifestant portant un masque représentant le prince héritier Mohammad ben Salmane, d'autres brandissant le portrait du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi, lors d'une manifestation devant le consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, le 25 octobre 2018. REUTERS/Osman Orsal

Le procureur général saoudien a requis jeudi la peine de mort contre cinq accusés dans l'affaire Jamal Khashoggi, ce journaliste "drogué, tué et démembré" au consulat de son pays à Istanbul, le royaume dédouanant totalement le puissant prince héritier. Le meurtre le 2 octobre de ce journaliste, critique du pouvoir saoudien et collaborateur du Washington Post, s'est progressivement transformé en scandale planétaire.

Mohammad ben Salmane n'avait aucune connaissance du dossier, a affirmé jeudi lors d'une conférence de presse à Riyad le porte-parole du procureur général, Shalaan al-Shalaan. Selon lui, le chef-adjoint des services de renseignements saoudiens, le général Ahmed al-Assiri, a ordonné à des agents dépêchés à Istanbul de ramener de gré ou de force Khashoggi dans son pays. Mais le chef de l'équipe de "négociations" a ordonné de le tuer au consulat, a ajouté M. Shaalan, précisant que le journaliste avait alors été "drogué et démembré" dans la mission diplomatique. Les restes de l'éditorialiste - 59 ans au moment des faits - ont ensuite été remis à un "collaborateur" à l'extérieur du consulat, a-t-il ajouté, cité par l'agence officielle SPA. Sur un total de 21 suspects, le procureur général a inculpé à ce jour 11 personnes et requis la peine capitale pour cinq d'entre elles, d'après la même source, sans rendre publique leur identité.

Le chef de la diplomatie saoudienne Adel al-Jubeir a déclaré pour sa part que son pays refusait l'enquête internationale demandée mercredi par Ankara, et affirmé lui aussi que le prince héritier n'avait "rien à voir" avec le meurtre.

Le département d'Etat américain a estimé que ces premières inculpations allaient dans "la bonne direction", mais appelé les autorités de Riyad à poursuivre les investigations. La France a estimé que l'enquête saoudienne allait aussi "dans le bon sens".


(Lire aussi : Salmane en tournée dans le royaume, une opération-séduction qui tombe à pic)


"Qui a donné l'ordre ?"
La Turquie, en revanche, a jugé "insuffisantes" les explications fournies. "On nous dit que (Khashoggi) a été tué parce qu'il se serait opposé à ce qu'on le ramène dans son pays. Mais en réalité, ce meurtre (...) a été planifié", a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. "Le dépeçage du corps n'était pas spontané. Ils avaient d'abord ramené les personnes et les outils nécessaires pour le faire", a-t-il ajouté.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a, plusieurs fois, affirmé que l'ordre de tuer Khashoggi avait été donné "aux plus hauts niveaux de l'Etat" saoudien. Il a écarté la responsabilité du roi Salmane, mais n'a pas absous son fils, le prince Mohammad.

Avant de reconnaître que Khashoggi avait été tué, les autorités saoudiennes avaient démenti dans un premier temps sa mort, affirmant qu'il était entré au consulat et en était ressorti peu après. Plus de deux semaines plus tard, face à la pression internationale grandissante, Riyad limogeait notamment le général Assiri et Saoud al-Qahtani, tous deux membres de la garde rapprochée du prince héritier.

Pour HA Hellyer, chercheur non-résident à l'Atlantic Council de Washington et au Royal United Services Institute de Londres, Riyad cherche à "démontrer au monde qu'un semblant de justice sera appliqué". Mais, selon lui, la question que tout le monde se pose reste sans réponse. "Qui a donné l'ordre (de tuer Khashoggi) à ces hauts responsables ? Le prince hériter semble à présent écarté de l'enquête, malgré les multiples liens qu'il a avec ces responsables".

"Les Saoudiens vont continuer à mettre en avant le récit selon lequel ces (responsables) ont trahi la confiance du prince", avance de son côté Quentin de Pimodan, consultant à l'Institut de recherche pour les études européennes et américaines.


(Lire aussi : Après l’affaire Khashoggi, la revanche des ultrarigoristes saoudiens ?)


"Ils savent" 
Les Etats-Unis de Donald Trump, qui ont d'abord tenté de ménager leur allié saoudien, avaient fini ces derniers jours par durcir le ton, tout comme les autres pays occidentaux ayant des liens étroits avec la monarchie.
Jeudi, le Trésor américain a annoncé des sanctions financières contre 17 responsables saoudiens impliqués dans le meurtre de Khashoggi, dont M. Qahtani et son "subordonné" Maher Mutreb, ainsi que le consul général d'Arabie saoudite à Istanbul Mohammad al-Otaibi.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait prévenu dimanche, dans un entretien téléphonique avec Mohammad ben Salmane, que Washington allait "demander des comptes à toutes les personnes impliquées dans le meurtre".

M. Erdogan avait récemment affirmé avoir communiqué aux Américains des enregistrements supposément réalisés au consulat le jour du meurtre. "Ils ont écouté les conversations (...) Ils savent", avait-il assuré.

Le fils du journaliste, Salah Khashoggi, a annoncé jeudi sur Twitter que la famille recevrait les condoléances dans la maison du défunt à Jeddah (ouest), de vendredi à dimanche.

Cette affaire a considérablement terni l'image de l'Arabie saoudite, royaume ultra-conservateur engagé jusque-là - à l'initiative du prince héritier - dans une stratégie de modernisation et d'ouverture, via l'annonce de mesures de libéralisation économiques et sociétales. Elle a aussi affaibli la diplomatie saoudienne, Riyad étant sur la défensive notamment au Yémen, où son intervention militaire a fait de nombreuses victimes civiles. 


Lire aussi
Meurtre de Khashoggi : colère de la Turquie accusée de "jeu politique" par la France


Pour mémoire

Meurtre Khashoggi : des "nettoyeurs" envoyés à Istanbul pour effacer les preuves

Affaire Khashoggi : Riyad promet à l'ONU une enquête "impartiale"

Le corps de Khashoggi aurait été « dissous »

La fiancée de Khashoggi exige vérité et justice

Le procureur général saoudien a requis jeudi la peine de mort contre cinq accusés dans l'affaire Jamal Khashoggi, ce journaliste "drogué, tué et démembré" au consulat de son pays à Istanbul, le royaume dédouanant totalement le puissant prince héritier. Le meurtre le 2 octobre de ce journaliste, critique du pouvoir saoudien et collaborateur du Washington Post, s'est progressivement...

commentaires (12)

La Turquie ne vas jamais balancer les fameux enregistrement car ils savent que ça n’incrimne Pas MBS comme ils aiment à le chanter

Bery tus

21 h 24, le 15 novembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • La Turquie ne vas jamais balancer les fameux enregistrement car ils savent que ça n’incrimne Pas MBS comme ils aiment à le chanter

    Bery tus

    21 h 24, le 15 novembre 2018

  • La "vertu et la pudeur" turques les empêchent de balancer les enregistrements et les prétendues preuves (ils ont cru détenir la poule aux œufs d'or) devant le monde ... ? Le monde n'est pas dupe !

    Sarkis Serge Tateossian

    18 h 19, le 15 novembre 2018

  • Les américains auraient-ils confié l’enquete Sur Lockerbie à Qadhafi?

    LeRougeEtLeNoir

    18 h 00, le 15 novembre 2018

  • Il est temps que les turcs balancent à la face du monde les enregistrements...Et que chacun prenne ses responsabilités.

    LeRougeEtLeNoir

    17 h 08, le 15 novembre 2018

  • Merci de lire : L'avant dernier paragraphe : Allias effendi Erdogan

    Sarkis Serge Tateossian

    17 h 01, le 15 novembre 2018

  • C'est quoi ce pacte de coopération que les bensaouds demandent à signer avec erdo ? Il est de combien ce montant du "pacte" ? Faut pas aussi mélanger les choses et excuser ce charcutage de Khashoggi, par des accusations autres , même si elles sont fondées. C'est juste pour dire à l'héritier charcutier , rappelle toi Saddam, il en a fait plus pour tes maîtres que tu penses pouvoir en faire toute ta vie , regarde comment il a fini.

    FRIK-A-FRAK

    16 h 48, le 15 novembre 2018

  • Le temps des bisounounours est RÉVOLU. La plus grande naïveté c'était de croire Erdogan le donneur d'ordre à des milliers d'assassinats en Anatolie comme en Europe et en Afrique contre des opposants turcs et des militants kurdes qu'il n'avait pas de responsabilité directe dans ce crime contre le malheureux journaliste saoudien. Bien sur que l'Europe avait bien compris qu'il s'agissait d'une machination et d'un piège tendu Par l'incompétent mais rusé effendi contre le jeune et sanguin prince héritier saoudien .... C'est triste mais c'est ainsi... Qui pourra me donner un seul nom d'un dirigeant qui n'a pas du sang dans les mains ? Et en Turquie c'est une tradition ...ancestrale. Accuser MBS et détruire la diplomatie saoudienne C'est donner la clé de tout le proche et moyen orient au plus machiavélique des dirigeants de l'histoire contemporaine allais effendi Erdogan. Le choix est simple entre les deux options.

    Sarkis Serge Tateossian

    16 h 47, le 15 novembre 2018

  • Faut être stupide pour croire à ces conclusions. Comment peut on faire confiance au loup quand ce dernier est assis dans la basse cour.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 54, le 15 novembre 2018

  • L'échec cuisant d'une tentative turque. Erdogan effendi, n'en tirera pas grand chose....

    Sarkis Serge Tateossian

    15 h 47, le 15 novembre 2018

  • Et voilà c’est fait ! les fusibles ont fonctionné !

    L’azuréen

    15 h 33, le 15 novembre 2018

  • Qui va croire ce que ce "procureur général séoudien" dit...aprês les nombreux mensonges dès le début de cette affaire, venant de tous ces responsables séoudiens ? Il est clair que ces 5 accusés vont payer pour que MBS sorte blanchi de cette affaire. Mais personne, dans la Communauté internationale n'est dupe...et ne peut plus le respecter ni lui faire vraiment confiance. Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 22, le 15 novembre 2018

  • S,ATTENDAIT-ON A AUTRE CHOSE ? QUAND A ERDO QU,IL CONDAMNE AVANT TOUT SES PROPRES PURGES ET LIBERE LES JOURNALISTES ET LES JUGES... POUR NE NOMMER QUE CEUX-LA... DE SES GEOLES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 51, le 15 novembre 2018

Retour en haut