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Liban - Patrimoine

Quand le jurn de nos villages partait en Amérique avec les émigrés

Anthropologue alimentaire, la Libano-Uruguayenne Souraya Abboud Koueik projette de répertorier les textes relatifs à la nourriture dans l’œuvre de Maroun Abboud, son grand-oncle.

Des spécialités uruguayennes à déguster sans modération. Photos Patricia KHODER

Souraya Abboud Koueik est la petite-nièce de l’écrivain Maroun Abboud. Chef de cuisine et anthropologue, née à Montévideo, elle vient de récupérer sa nationalité libanaise et vit entre le Liban, l’Espagne et l’Uruguay.

Tout récemment, à l’invitation de l’ambassadrice d’Uruguay au Liban, Marta Pizzanelli, elle a préparé des plats uruguayens à déguster pour une cinquantaine de convives. Le lendemain, elle était au centre culturel Cervantès pour un événement assez particulier intitulé « Ahla a la Mesa », ce qui donne – entre arabe et espagnol – en bonne traduction française : « Bienvenue à table ». Cet événement a été organisé en collaboration avec Camille Jeanjean, journaliste de nationalité française.

Souraya Abboud Koueik a fait la cuisine avec des habitants de Baalbeck nés au Brésil et rentrés plus tard au Liban. Cela pour mettre en commun ce que les Libanais du pays et de la diaspora ont en partage.

Âgée de 36 ans, troisième génération d’émigrés par son père, quatrième par sa mère, elle s’intéresse à l’anthropologie alimentaire. Elle a d’ailleurs commencé sa recherche sur l’importance du jurn, un vieil ustensile typique des villages libanais, soit la vieille auge en pierre utilisée avec un mortier pour broyer les aliments et préparer notamment la kebbé chez les émigrés libanais d’Amérique.

« Tous mes amis latino-américains d’origine libanaise, qu’ils habitent le Mexique, le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay ou d’autres pays d’Amérique latine, connaissent le jurn que leurs aïeux avaient transporté avec eux, en bateau, du Liban », raconte-t-elle avec les yeux qui brillent. « C’était donc un élément important de leur quotidien », poursuit-elle. « La nourriture est un élément de paix ou de discorde entre les peuples, c’est aussi une façon de juger l’autre, d’avoir une idée de lui, de sa vie, de son environnement », souligne-t-elle, prenant en exemple le plat libanais par excellence : le taboulé. « Le taboulé de ma mère, troisième génération d’émigrés libanais originaire de Kfour, dans le Kesrouan, est très différent du taboulé qu’on mange aujourd’hui au Liban », explique-t-elle, ajoutant que « l’ingrédient principal qu’utilise ma mère est le boulgour dans un taboulé assaisonné de très peu de citron. Cela démontre que sa famille venait d’un milieu pauvre où les légumes frais n’existaient pas ».

Souraya Abboud Koueik entamera dès janvier prochain, pour une période de trois mois, une résidence à Hammana Artist House, pour une recherche bien précise qui consiste à répertorier les textes consacrés à la nourriture dans l’œuvre de Maroun Abboud, qui n’est autre que le frère de son grand-père parti en Uruguay.


Récupérer la nationalité

« J’ai quatre frères et sœurs. Même si mes ancêtres sont partis au début du XXe siècle, j’ai toujours porté le Liban dans le cœur. Mon père, décédé quand j’avais six ans, animait une émission sur le Liban sur les ondes de la chaîne nationale uruguayenne. J’ai toujours, avec ma famille, fréquenté le club libanais. À l’âge de 14 ans, j’ai rejoint le groupe de dabké du club libanais de Montévideo et c’est comme ça que j’ai fait le tour de l’Uruguay », dit-elle. Les grands yeux noirs, les cheveux bouclés et le sourire éclatant, elle se souvient de son premier séjour au Liban. « J’y suis venue la première fois en 1999, dans le cadre d’un camp pour les émigrés. Je ne connaissais pas ma famille libanaise, ni les Abboud de Aïn Kfaa (Jbeil), ni les Koueik de Kfour. À la veille de mon départ, j’ai fait la connaissance de Nadim Abboud (le fils de Maroun Abboud). Il s’est emporté contre moi, car j’étais venue le voir un jour avant mon départ. Il m’a dit qu’il fallait venir plus tôt », se souvient-elle.

C’est en 2005 qu’elle visite une deuxième fois le Liban. « J’étais à Madrid, je me suis présentée au consulat libanais pour mon visa. J’ai pris l’annuaire et j’ai cherché le numéro de Nadim Abboud, l’homme que j’avais rencontré lors de mon premier séjour au Liban et qui habitait Sarba. Facebook à l’époque n’existait pas. Je suis arrivée au Liban, j’ai téléphoné. Nadim était décédé. Mais sa famille m’a accueillie, m’a amenée au village. J’ai beaucoup été aidée aussi par des amis que j’ai rencontrés sur place », indique-t-elle. Et, depuis 2005, Souraya Abboud Koueik est venue une dizaine de fois au Liban, non seulement pour des vacances mais aussi pour travailler. « Je viens de récupérer, avec toute ma famille, la nationalité libanaise. Pour ce faire j’avais retrouvé l’acte de mariage de mes grands-parents paternels, mariés à l’église de Aïn Kfaa en 1912, juste avant leur départ en Uruguay. Arrivés à destination, ça leur a pris plus de six mois pour réaliser qu’ils étaient à Montévideo… Ils pensaient qu’ils étaient en Argentine. Le journaliste Walid Abboud et son épouse Maryse m’ont beaucoup aidée avec les démarches officielles pour que je puisse récupérer la nationalité libanaise », note-t-elle.

La petite-nièce de Maroun Abboud se voit dotée d’une mission, celle de faire connaître le Liban à la diaspora. « Le Liban ce n’est pas uniquement de la dabké, du taboulé, de la gentillesse et de la générosité. C’est l’idée que nous nous faisons de notre pays d’origine certes, mais c’est aussi un pays qui bouge, qui évolue, un endroit compliqué où la vie n’est pas facile mais où les gens sont forts et tenaces, et cela mérite d’être connu », souligne-t-elle en conclusion.

Souraya Abboud Koueik est la petite-nièce de l’écrivain Maroun Abboud. Chef de cuisine et anthropologue, née à Montévideo, elle vient de récupérer sa nationalité libanaise et vit entre le Liban, l’Espagne et l’Uruguay. Tout récemment, à l’invitation de l’ambassadrice d’Uruguay au Liban, Marta Pizzanelli, elle a préparé des plats uruguayens à déguster pour une...

commentaires (1)

Le "jern el kébbeh" c'est apparement typique pour les libanais, le chanteur "Joe Ashkar" a fait une chanson en concernant cet image typique du "jern el kébbeh".

Stes David

08 h 33, le 23 octobre 2018

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Commentaires (1)

  • Le "jern el kébbeh" c'est apparement typique pour les libanais, le chanteur "Joe Ashkar" a fait une chanson en concernant cet image typique du "jern el kébbeh".

    Stes David

    08 h 33, le 23 octobre 2018

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