Six mois après la tenue de la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE) à Paris, « la communauté internationale est déçue » par la lenteur qui a caractérisé la mise en œuvre des réformes, notamment en raison de l’absence de gouvernement, a indiqué à L’OLJ une source diplomatique proche du dossier ayant requis l’anonymat. « Certains bailleurs de fonds s’étaient montrés sceptiques avant même la tenue de la conférence de Paris et avaient qualifié le Liban de “pays irréformable” », a regretté cette source. Pourtant, suite aux négociations menées par le Quai d’Orsay, la communauté internationale s’est bien engagée le 6 avril à mobiliser en faveur du Liban près de 11 milliards de dollars de prêts et de dons destinés à financer des projets d’infrastructures, en contrepartie de réformes structurelles et sectorielles. « On a perdu six mois, on ne peut pas se permettre d’en perdre six autres. On doit être prêts au moment où le gouvernement sera formé », avait déclaré pour sa part le diplomate français chargé par le président Emmanuel Macron du suivi de la CEDRE, l’ambassadeur Pierre Duquesne, à l’issue de sa réunion, jeudi, avec le président du Parlement Nabih Berry. « Nous espérons que la prise de conscience de l’urgence de la situation, que l’on a pu percevoir auprès des responsables libanais, se traduise par des actes et, en premier lieu, par la formation d’un nouveau gouvernement », a indiqué la source diplomatique précitée. Cette dernière juge « les indicateurs du marché inquiétants mais pas catastrophiques », avant de prévenir : « Si les réformes ne sont pas mises en œuvre, il n’y aura pas de financements. La CEDRE n’est pas Paris III (conférence de soutien au Liban tenue en 2007). »
(Lire aussi : CEDRE : des avancées possibles, même sans gouvernement)
Améliorer la collecte des impôts
La communauté internationale risquerait d’être davantage « déçue » si le gouvernement ne venait pas à appliquer la loi sur les partenariats public-privé (PPP), votée au Parlement en août 2017, aux projets d’infrastructures prévus dans le cadre de la CEDRE, susceptibles d’intéresser le secteur privé de par leur niveau de rentabilité. « L’ensemble des grands projets d’infrastructures doivent bénéficier des PPP, y compris ceux relatifs au secteur de l’électricité, qui sont par ailleurs les plus prioritaires. (...) Il n’y a pas de raison d’utiliser de l’argent public pour financer des projets rentables », a souligné la source diplomatique. Or, la soumission des projets d’électricité (notamment la construction des nouvelles centrales de Selaata et Zahrani) à des contrats PPP impliquerait que la gestion de leurs appels d’offres ainsi que le suivi de leur mise en œuvre soient supervisés par le Haut Conseil pour la privatisation et les partenariats (HCPP), chose qui ne fait pas l’unanimité auprès des responsables libanais. En effet, le ministre sortant de l’Énergie, César Abi Khalil (CPL), a affirmé, à plusieurs reprises, que ces prérogatives constitutionnelles lui permettaient de garder la main sur ces procédures plutôt que de les confier au HCPP.
Le futur gouvernement est également attendu sur sa capacité à honorer un des principaux engagements pris par Beyrouth lors de la CEDRE : faire baisser d’un point de pourcentage par an le ratio déficit public/PIB pendant cinq années consécutives. Selon les derniers comptes publics publiés début septembre, le déficit public cumulé a atteint 1,91 milliard de dollars sur les quatre premiers mois de 2018, en hausse de 126,5 % par rapport à la même période de 2017 (des recettes fiscales exceptionnelles ont été générées cette année-là en raison de la taxation des revenus issus de l’ingénierie financière menée en 2016), et de + 17,2 % comparé à celle de 2016. Le ministre sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, qui a transmis l’avant-projet de budget pour l’exercice 2019 à la présidence du Conseil des ministres, avait affirmé mi-septembre que celui-ci ne comportait « aucune nouvelle taxe ». À la veille de la CEDRE, le Fonds monétaire international recommandait au gouvernement d’augmenter une nouvelle fois la TVA et de supprimer les subventions des tarifs d’électricité et des prix de l’essence. Mais pour la source diplomatique interrogée, le gouvernement pourrait tout aussi bien « parvenir à augmenter ses recettes en améliorant la collecte des impôts, notamment à travers l’application de l’échange automatique d’information fiscale », qui est entré en vigueur fin septembre.
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commentaires (6)
non seulement content d'avoir des financements mais ils veulent garder la main mise ? Pourquoi ? Devinez ? je connais la réponse, si ils y en a qui ne savent pas demandez moi
yves kerlidou
12 h 07, le 13 octobre 2018