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Économie - Crise

Un gouvernement maintenant, tonnent patrons et syndicats libanais

Le Premier ministre a dénoncé devant le Parlement une « campagne » contre la livre libanaise.

« Ensemble pour sauvegarder la nation » : c’est autour de ce slogan que des représentants du patronat et de la CGTL ont dénoncé hier le blocage de la formation d’un nouveau gouvernement. Photo Marwan Assaf

« Ensemble pour sauvegarder le pays. » C’est autour de ce slogan que des dizaines de représentants du patronat se sont unis hier à la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) pour dénoncer le blocage de la formation d’un nouveau gouvernement depuis les législatives de mai. Une alliance rare entre deux blocs souvent opposés sur les questions sociales, mais qui partagent les mêmes préoccupations concernant la crise économique et l’absence apparente de volonté politique pour lancer les réformes attendues par les soutiens du pays.

« L’objectif de cette réunion organisée au siège de la CGTL à Beyrouth est de faire pression sur les responsables pour éviter une catastrophe sociale », a résumé, pour L’Orient-Le Jour, le président du Conseil économique et social (CES), Charles Arbid. « Il ne s’agit pas juste de débloquer la formation du gouvernement, mais aussi de s’assurer que le pays s’engage dans la voie des réformes », a-t-il ajouté.


(Pour mémoire : Situation économique : le patronat libanais charge les partis politiques)


Chômage en hausse

Le président du CES espère en outre que la solidarité affichée entre les organisations patronales, professionnelles et syndicales va augmenter la portée de cette nouvelle alerte lancée par le secteur privé, qui multiplie les mises en garde depuis la fin des législatives. « Les indicateurs montrent qu’il y a urgence. Nous avons pris beaucoup de retard », insiste M. Arbid.

L’activité économique au Liban tourne au ralenti depuis le début du conflit syrien en 2011, avec une croissance du PIB qui gravite autour de 2 %. La situation s’est compliquée en 2018 pour plusieurs raisons, dont la suspension des mécanismes de subventions des prêts au logement mis en place par la Banque du Liban (BDL) et qui étaient le principal moteur de la demande dans le secteur immobilier. « Il n’y a pas que l’immobilier : le commerce de détail, l’industrie… Tous les secteurs sont dans le rouge », constate M. Arbid.

« Même s’il n’y a pas de statistiques officielles, beaucoup de signes montrent que le chômage est en hausse et qu’un grand nombre de sociétés sont en grande difficulté », confirme Jad Tabet, le président de l’ordre des ingénieurs et des architectes de Beyrouth qui est, comme M. Arbid, intervenu lors de la réunion. Enfin, patrons et syndicats s’inquiètent également du danger que fait peser le retard dans la formation du gouvernement sur le déblocage des plus de 11 milliards de dollars de prêts et dons promis par les soutiens du Liban lors de la conférence de Paris (CEDRE) le 6 avril dernier. En contrepartie, le gouvernement sortant s’était engagé à lancer des réformes pour restructurer l’économie et rééquilibrer ses finances, des chantiers qui ne peuvent être lancés sans un nouvel exécutif.


(Lire aussi : Le Parlement règle momentanément la crise du prêt au logement)


Un tableau assez sombre pour que le président de la CGTL, Béchara Asmar, et son homologue à la tête des organismes économiques (OE, patronat), Mohammad Choucair, tirent à boulets rouges sur la classe politique dans leurs discours respectifs. « Que compte faire l’État pour les pauvres (…) Est-ce le but des politiques de pousser les jeunes à s’expatrier ? » s’est interrogé le premier, promettant des mouvements sociaux en l’absence de réaction des responsables. « Nous attendons que les responsables honorent leurs promesses (...) Le temps presse et nous avons peur pour l’existence du pays », a martelé de son côté M. Choucair, qui avait déjà prévenu début septembre que le patronat était décidé à se mobiliser pour mettre un terme à la paralysie des institutions. Les participants ont, enfin, publié un manifeste à l’issue de la réunion, dans lequel ils demandent notamment la formation d’un gouvernement « uni » formé de personnes « compétentes », le renforcement de la lutte contre la corruption ou encore l’organisation du retour « dans la dignité » des réfugiés syriens.


(Lire aussi : À pleines dents, l'édito de Issa GORAIEB)


Stabilisation des prix des eurobonds

« (Le secteur privé) peut contribuer à rapidement redresser l’économie si l’État lui en donne les moyens. La situation est très délicate, mais le pays n’est pas en faillite, contrairement à ce certaines rumeurs avancent », assure encore M. Arbid. Un constat qui fait écho aux déclarations du Premier ministre désigné, Saad Hariri, devant le Parlement hier. « Nous ne sommes pas un pays en faillite. Nous avons tous les ingrédients pour la prospérité de l’économie », a-t-il déclaré, ajoutant : « Je suis ici pour voter les dispositions prévues par la CEDRE. Si vous ne voulez pas le faire, je quitte la séance. » M. Hariri a également dénoncé « une campagne contre la livre » dont l’indexation au dollar depuis 1997 oblige le secteur bancaire à attirer et maintenir d’importantes réserves de billets verts. Or, le ralentissement de l’activité bancaire cette année, combiné à la récente pression sur les prix des eurobonds – titres de dette publique en devises – sur les marchés, a alimenté des spéculations relayées par une partie de la presse locale et étrangère sur la stabilité financière du pays et de la livre. « Le Liban fait face à d’importants défis, et le vote de la nouvelle grille des salaires (en juillet 2017) a eu un effet désastreux sur les finances publiques, car son coût (près de 800 millions de dollars) a été sous-estimé par les députés, et les nouvelles mesures fiscales censées la financer ont plombé l’activité économique », considère le directeur du département de recherche du groupe Byblos Bank, Nassib Ghobril. « Combinée au ralentissement économique, cette situation a effectivement fait le jeu de ceux qui misent sur la chute de la livre ou la faillite du pays. Mais la réalité, c’est que la majorité des investisseurs attend que la situation se débloque au niveau politique », expose-t-il, notant que les déposants n’ont pas succombé à la panique en retirant leurs livres des banques locales.Une analyse globalement partagée par le directeur du département recherche de la BlomInvest Bank, Marwan Mikhaël, qui ajoute que « le cours des eurobonds s’est stabilisé depuis le début de la semaine. Le “yield” (rendement) global se situait entre 10,5 et 11 % hier, alors qu’il avait atteint 13 % il y a quelques jours », indique-t-il. Les deux économistes rappellent en outre que le recul des eurobonds libanais est également lié à la hausse des taux d’intérêt américains et la dénonciation par l’administration Trump de l’accord sur le nucléaire iranien, des facteurs qui affectent les rendements des titres de dettes émis par les pays du Moyen-Orient.


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REPONSE GENDRISSIMO-BEAUPERIENNE : OU A NOS CONDITIONS OU LE DELUGE !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 34, le 26 septembre 2018

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Commentaires (2)

  • REPONSE GENDRISSIMO-BEAUPERIENNE : OU A NOS CONDITIONS OU LE DELUGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 26 septembre 2018

  • Bravo, messieurs, continuez à tirer la sonnette d’alarme, et puis quoi... Ça ne tombe que dans les oreilles de sourds tellement détachés de la réalité du pauvre citoyen, pris dans leur ego surdimensionné, têtus, et surtout jouant des jeux de politique régionale où le bon sens, le dialogue et les concessions n’existent pas... C’est simple, nos politiciens de chaque bord sous-entendent que si leurs conditions ne sont pas remplies, après eux le déluge... Malheureusement, rien ne pourra changer dans notre pays de sitôt avec une clique sclérosée pareille, à la limite criminelle...

    Saliba Nouhad

    02 h 04, le 26 septembre 2018

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