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Culture - Disparition

Jean Piat, ou l’étoffe des héros

Il est mort le 18 septembre à 21h, heure où le rideau rouge du théâtre se lève. Jean Piat aura eu plusieurs vies. Autant de vies que de rôles dans sa carrière. Il en a désormais une de plus, celle de l’éternité.


Jean Piat lors de son passage sur les planches libanaises en l’an 2000. Photo Wassim Daou

C’est son allure, sa diction magistrale, sa manière de vous envoyer le mot à la face, ce mot qu’il savourait avec gourmandise et immense plaisir, qu’on retenait en le voyant. Mais aussi et surtout son œil bleu qui se plissait de malice et ce sourire au coin des lèvres. Magnifique Robert d’Artois dans Les Rois maudits (minisérie française en 1972) qui balayait de sa cape écarlate tous les autres personnages (ô combien prestigieux pourtant), charmant chevalier Lagardère qui hurlait de sa voix de ténor, dans cette minisérie française créée par Marcel Jullian d’après le roman Le Bossu de Paul Féval dans les années 60 : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi ! » Mais encore Cyrano de Bergerac, personnage connu pour sa laideur à qui il offrit toute sa beauté, ou encore tous les autres rôles classiques ou personnages de cape et d’épée qui ont hanté notre jeunesse, l’ORTF (l’Office de radiodiffusion-télévision française), en particulier, et la télévision en général, et surtout les planches. Jean Piat était l’incarnation du théâtre. Le comédien a eu cinq femmes dans sa vie : sa mère, ses deux filles, ses femmes – les deux Françoise (Engel et Dorin) –, mais aussi une 6e, incontournable : la grande dame, la Comédie-Française, dont il était sociétaire honoraire et qui lui a permis de jouer un répertoire vaste, des valets Sganarelle, Figaro, à Don César de Ruy Blas, Cyrano bien sûr, mais aussi Feydeau. Il pouvait se dédoubler, se multiplier, porter l’habit de différents personnages tout en demeurant le malicieux, l’amoureux du verbe.


« Jean Piat, une aventure libanaise »

Le verbe qu’il retrouvait avec délectation dans les écrits de Sacha Guitry qu’il aimait citer dès qu’il le pouvait. Son amour pour ce maître était infaillible. Piat lui rendit hommage dans un spectacle intitulé De Sacha à Guitry. Pour lui consacrer par la suite un ouvrage, en 2002, Je vous aime bien, monsieur Guitry qu’il avait signé au Salon du livre de Beyrouth lors d’un de ses innombrables passages au Liban.

Outre les pièces qu’il est venu interpréter à l’invitation de Mirna Bustani, comme L’Affrontement, dans l’amphithéâtre Émile Bustani (en avril de l’année 2000), il était venu auparavant à Baalbeck et bien plus plus tard, en 2010, pour jouer La Maison du lac, invité par le père Labaky dont il appuyait les associations caritatives. Valérie Vincent avait même réalisé un film contant cette « aventure libanaise » et les liens qui retenaient le comédien au Liban.

À L’OLJ, qui lui demandait le secret de sa jeunesse, sachant très bien qu’en grand croyant, il n’avait pas vendu son âme au diable, il répondait : « Le rire et la joie. »

À Kfar Sama, où un buste a été érigé à son honneur et dans ce lieu qui porte son nom, il avait fait un aveu d’amour au Liban :

« Je suis venu très souvent dans ce pays, terre d’un grand nombre de saints. Chaque fois que je m’y rends, je retiens une leçon de ce pays qui a été bousculé dans sa dignité. Ce théâtre est une espérance renouvelée.

D’ailleurs, j’ai fait un rêve (pas à la même échelle que Martin Luther King, avait-il dit en riant), mais un rêve quand même : d’amener un jour la Comédie-Française dans ce beau pays qu’est le vôtre. J’aurais ainsi marqué un point dans ma mission d’homme de théâtre. » Alors, M. Piat, comme disait Sacha Guitry, « faisons un rêve ». Avec vous.


Pour mémoire

Funambule du verbe, Jean Piat suspend le temps

C’est son allure, sa diction magistrale, sa manière de vous envoyer le mot à la face, ce mot qu’il savourait avec gourmandise et immense plaisir, qu’on retenait en le voyant. Mais aussi et surtout son œil bleu qui se plissait de malice et ce sourire au coin des lèvres. Magnifique Robert d’Artois dans Les Rois maudits (minisérie française en 1972) qui balayait de sa cape écarlate...

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