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Culture - Spectacle

Funambule du verbe, Jean Piat suspend le temps

C'est dans le très beau cadre de l'amphithéâtre de Kfar Sama qu'un grand comédien, sur scène et durant plus d'une heure, a accompli une performance unique. Devant un public conquis d'avance, il a osé défier les affres de l'âge. Sacré Jean Piat ! 
Invité par son ami, le père Mansour Labaki, pour donner en avant-première cet impromptu intitulé Vous avez quel âge ?, Jean Piat s'est livré à cet exercice verbal savoureux. Fêté en fin de soirée, il s'est vu même remettre les clefs de Kfar Sama où un buste a été érigé à son intention dans ce lieu qui porte son nom.  
Il n'est pas chose aisée de parler du passage du temps. Les écueils sont nombreux. On peut soit sombrer dans le pathos, le larmoyant, voire le dépressif, soit dans l'agressif et le belliqueux. Jean Piat, formidable monsieur aux mèches argentées tombant parfois sur ses yeux clairs, à l'allure fière (surmontant bien les bobos de l'âge), a su parler de ce sujet grave avec légèreté. « On dit de moi que je suis un comédien léger », avait-il avoué au début de cette rencontre avec le public. N'est-ce pas de l'élégance et de la grâce que de savoir dissimuler la gravité par de la légèreté ?
Dans cet impromptu concocté par Françoise Dorin, l'artiste simule une conversation téléphonique où la ou le ministre de la Santé («  au nom de la langue française », dira-t-il) l'appelle pour lui confier le ministère de « la Vieillesse et de son sort », antonyme de celui de la Jeunesse et du Sport. C'est ainsi donc que débute ce monologue où l'acteur, assis devant une table, avec le ciel pour seul décor, prend souvent à partie l'audience.

En apesanteur
Fervent serviteur de la langue de Molière, divin héraut du verbe, Piat, dont la voix n'a pas pris une seule ride, traverse les temps et les siècles en citant les grands écrivains et  humoristes. De Voltaire à Feydeau, en passant par Victor Hugo, Agatha Christie et Chateaubriand, le comédien cabotine, moque les personnes que les ravages du temps affectent. Cet homme, qui ne cache pas qu'il est d'un âge certain et non d'un certain âge, survole les progrès de la chirurgie qui font des personnes méconnaissables, parle en douceur de l'amour, du rire comme thérapie (« ...mais a-t-on jamais entendu le pharmacien suggérer trente gouttes de rire ? », s'interroge-t-il. À la manière de Cyrano de Bergerac, il  prend le ton amical, sournois, rude pour demander l'âge de quelqu'un. Il prodigue même des conseils : « Pour qu'on ne devine pas votre âge, évitez de "nostalgier" sur les 78 ou 45 tours, mais parlez plutôt de You Tube ou de Facebook, même si vous ne savez pas de quoi il s'agit. »  Le ton est mutin, badin, parfois grivois, « ce que nous regrettons de notre jeunesse, c'est la fermeté de la fesse », rappelle-t-il, mais jamais vulgaire ou  loufoque. Avec cet équilibriste du mot, qui sait prendre l'auditoire pour complice, on rit en
sourdine.
Dans cet amphithéâtre à ciel ouvert où le vent frais emporte les mots des grands auteurs, pour qu'ils se fassent échos à travers les âges, la vie apparaît soudain comme un banquet où on peut savourer chacun de ses mets. « Soyez un beau vieillard », dira-t-il enfin d'un ton ferme à l'audience captivée par celui qui a su, durant plus d'une heure, suspendre le temps.  « Soyez de beaux vieillards car, à défaut de la vieillesse, il y a la mort. »  Et ces mots ont soudain un goût d'éternité. 
Invité par son ami, le père Mansour Labaki, pour donner en avant-première cet impromptu intitulé Vous avez quel âge ?, Jean Piat s'est livré à cet exercice verbal savoureux. Fêté en fin de soirée, il s'est vu même remettre les clefs de Kfar Sama où un buste a été érigé...

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