Comment mesurer de nos jours le succès d’un artiste ? Le nombre de ventes d’un album, les cris des fans lors des concerts et le nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux sont sûrement des indicateurs fiables, mais pas que. Car sinon que dire de Abeer Nehmé ? À bien des égards, cette voix, qui rend fier le Liban où qu’elle aille dans le monde, est une artiste à succès, et cela avant même d’avoir sorti un album, ou de signer avec une maison de disques. En plus de 15 ans de carrière, elle a effectivement fait l’unanimité de la critique musicale dans le monde arabe, touché par sa voix douce et juste, et par sa culture. L’année 2018 marque toutefois un tournant dans la carrière de cette chanteuse originaire de Tannourine. Elle l’a vue rejoindre la boîte de production Universal Music MENA pour produire, pour la première fois, des chansons propres à elle et une série d’albums.
Le single Waynak, sorti il y a quelques jours, séduit et donne déjà le ton d’une collaboration fructueuse. « J’ai toujours voulu travailler avec l’auteur-compositeur Marwan Khoury, confie Abeer Nehmé. Il partageait mon envie. J’ai également eu la chance de rencontrer Germanos Germanos, qui est un très grand poète. Ensemble, nous avons réfléchi à un sujet dont j’aimerais parler. Je lui ai raconté une histoire, il en a fait une chanson. Un texte profond, poétique et simple à la fois, qui me ressemble, et que Marwan Khoury a ensuite mis en musique. » Le résultat est à la hauteur de cette collaboration. Dans Waynak, Abeer Nehmé se souvient de son premier amour et pleure un passé déchu auquel n’ont survécu que des souvenirs. Nostalgique, empreint de la mélancolie de Marwan Khoury, le titre est l’un des rares où ce dernier met en musique un texte qui n’est pas le sien. « Marwan est un grand artiste, explique-t-elle. Si les paroles de quelqu’un d’autre peuvent porter sa musique comme il le souhaite, il n’a aucun problème à le faire. » Sur le clip, réalisé par Samir Syriani, la chanteuse partage son histoire avec l’acteur Rodrigue Sleiman, dans un cadre minimaliste. « Nous avons juste voulu faire un clip très réel, peu prétentieux, et qui flirte avec le cinéma, en mettant l’accent sur des détails comme le jeu de lumière et le jeu d’acteurs. »
Franchir le cap
Produit par un label mondialement connu, le single marque la fin et le début d’une époque pour Abeer Nehmé, découverte par le grand public en 2004 lors d’un télécrochet, mais qui, depuis, a préféré ne pas consacrer trop de temps à produire des chansons originales. Un choix qu’elle ne regrette pas.
« La musique n’a jamais été pour moi un métier, assure-t-elle. Elle vit avec moi. C’est ma maison, je me promène dans ses chambres. » « Quand j’ai commencé ma carrière, je me suis mise des restrictions au niveau des scènes où j’acceptais de chanter et des chansons que j’interprétais », ajoute l’artiste qui chante depuis l’âge de 8 ans, coachée par son père sur les titres d’Oum Kalsoum, de Wadih
el-Safi, de Feyrouz et d’Asmahan, tout comme ses huit frères et sœurs dont elle est l’aînée. « J’ai reçu de nombreuses offres de la part de boîtes de production, mais j’avais peur de ne pas bénéficier d’une certaine marge de liberté. Je ne voulais pas être mise dans un moule, être formatée et me retrouver à chanter des morceaux que des producteurs pensent transformer en tubes. » « Je n’ai pas fait toutes ces études en musique et voyagé partout dans le monde pour qu’un producteur vienne me dire quoi chanter. C’est impossible », estime l’artiste qui a participé pendant cinq ans à l’émission télévisée documentaire Ethnopholia, dans laquelle elle allait à la rencontre de personnes dans différents pays pour découvrir leur musique. « Si j’ai passé de nombreuses années sans vraiment programmer ma carrière, j’étais heureuse et j’évoluais, dit-elle. J’ai approfondi mes connaissances à travers mes voyages et j’ai compris que la musique est finalement le miroir des peuples. Moi qui aime essayer de nouvelles choses, j’ai également appris à savoir ce que le public aime m’entendre chanter. »
Abeer Nehmé aura finalement attendu la bonne opportunité pour se lancer dans un projet d’album. « Avec Universal, j’ai senti une certaine liberté, confie-t-elle, et cela m’a aidé à franchir le cap vers une étape de ma carrière où cela était nécessaire. Au sein du label, il existe un espace pour la communication. Tout se décide en équipe. Il existe entre mes producteurs et moi une confiance mutuelle. On se convainc, on s’écoute, car je sais qu’ils ont vu en moi un élément différent en termes de genre et de musique. Et nous espérons ensemble pouvoir réaliser de nombreux projets ; aucun label ne signe un artiste s’il ne croit pas pouvoir réussir. »
Un duo avec Marcel Khalifé
Si le premier album de Abeer Nehmé doit sortir bientôt, de nombreux titres seront dévoilés au fur et à mesure. « Je ne vise pas à présenter une musique élitiste, mais bien une musique accessible à tout le monde. Un artiste peut tout chanter et chaque musique a sa beauté », affirme la jeune femme qui joue du kanoun et chante dans plus de 20 langues. « Des langues dont personne n’a jamais entendu parler », s’amuse-t-elle à dire, dans un sourire. Avant l’album attendu, un autre opus qu’elle prépare avec le chanteur et musicien Marcel Khalifé depuis déjà quelques années verra le jour, distribué par son nouveau label. « Je me suis défoulée sur cet album dont la musique est exclusivement composée par Marcel Khalifé. C’est un privilège de travailler avec lui. Au total, 12 chansons seront publiées dont un duo. Elles parleront de la vie, de l’amour. Une histoire différente pour chaque chanson. »
Pour mémoire
« La musique, il ne faut jamais l’oublier, c’est le langage de la diplomatie »
commentaires (3)
IL Y A DES ANGES COMME IL Y A DES EPONGES... ABEER NEHME EST UN ANGE DE LA CHANSON !
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 21, le 26 août 2018