La visite de la chancelière allemande Angela Merkel au Liban constitue une étape importante, compte tenu de son timing, à l’heure où l’ensemble des milieux politiques planchent sur la formation du cabinet et la nécessité de réaliser un consensus politique autour de la nouvelle équipe ministérielle, dans la mesure où il devrait s’agir d’un cabinet d’union nationale, comme l’a choisi le Premier ministre désigné Saad Hariri.
À travers sa visite, Angela Merkel ouvre le bal d’une série de visites attendues de responsables occidentaux et arabes, centrées sur les possibilités d’aider le Liban, en vertu des résolutions des trois dernières conférences internationales de soutien au pays du Cèdre à Rome, Paris et Bruxelles. Ce déplacement a suscité l’intérêt des milieux politiques, économiques et financiers, d’autant qu’il est intervenu en plein processus de genèse du cabinet. Pourquoi la chancelière allemande n’a-t-elle pas attendu que ce processus arrive à son terme ? Pourquoi le sentiment d’urgence qui s’est dégagé de sa visite ?
Dans ses entretiens avec les dirigeants libanais, la responsable allemande s’est focalisée sur la stabilité de la scène libanaise et le soutien que la communauté internationale apporte à Beyrouth, conformément aux recommandations des conférences internationales, notamment concernant le dossier des déplacés. Ce dernier inquiète les pays européens, divisés à son sujet, certains d’entre eux ayant pris des mesures pour empêcher les migrants d’atteindre leurs rives. La visite intervient ainsi à la veille du sommet européen de Bruxelles consacré à la question des migrants. Certains pays de l’Union européenne auraient acquis la conviction qu’il est nécessaire d’aider les pays qui accueillent des réfugiés pour éviter qu’ils se déplacent ensuite vers le Vieux Continent de manière clandestine. La question des réfugiés était d’ailleurs au centre des discussions, à l’ombre du positionnement du chef de la diplomatie, Gebran Bassil, face aux organisations internationales, notamment le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés.
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Loin du dossier des déplacés, Angela Merkel a veillé à mettre en exergue l’engagement de son pays à s’en tenir aux résolutions des conférences internationales. À cette fin, elle était accompagnée d’une délégation d’hommes d’affaires allemands qui ont manifesté leur disposition à aider le Liban à tous les niveaux en offrant une expertise technique, afin de régler une série de dossiers qui pèsent sur le Trésor public et ne sont pas sans laisser des répercussions sur la situation économique du pays. La délégation s’est réunie avec le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, loin des feux de la rampe, l’occasion de lui poser une série de questions liées à des dossiers épineux et aux secteurs qui vont mal afin de tenter de trouver des solutions.
Toujours dans le cadre de l’attachement à la mise en application des résolutions de la conférence de Paris, la chancelière allemande a offert une aide de 500 millions d’euros pour la mise en branle d’un chantier de réalisation de projets. Mme Merkel a appelé dans ce cadre à hâter le processus de formation du gouvernement, afin que ce dernier puisse approuver les 220 projets étudiés à Paris et les transférer au Parlement afin qu’ils soient adoptés rapidement. Selon des milieux proches des instances économiques, les hommes d’affaires et les représentants des sociétés allemandes ont exprimé leur disposition à aider le Liban à résoudre la crise de l’électricité et à transformer EDL, qui perd des milliards par an, en société rentable qui rapporterait des millions au Trésor. Sans oublier le règlement de la question des déchets solides et leur transformation en courant électrique au profit de l’État à des prix abordables et à travers des usines de traitement des déchets dans toutes les régions, ou encore celle des ressources hydrauliques ou de la construction d’une usine de raffinement du pétrole à Tripoli au lieu que le Liban ne vende son pétrole brut, ainsi que la construction de gazoducs du Nord au Sud et des usines de production d’électricité… Et il ne s’agit là que d’un échantillon de l’aide que l’Allemagne pourrait offrir au Liban. L’entretien avec M. Salamé a porté sur la réalisation de ces projets et la nécessité d’utiliser la main-d’œuvre syrienne à cette fin, ce qui permettrait de modifier le visage des camps de réfugiés.
Berlin pense en effet qu’un tel plan aiderait à parrainer les réfugiés tant que les conditions de leur retour en Syrie ne sont pas assurées. Ce qui ne signifie pas qu’ils seront implantés au Liban, dans la mesure où les réfugiés palestiniens, qui se trouvent au Liban depuis 70 ans, n’ont toujours pas été implantés. La récente polémique autour du décret de naturalisation montre à quel point tout projet d’implantation est voué à l’échec, conformément au préambule de la Constitution, qui le prohibe. La campagne selon laquelle l’implantation est en passe de devenir une réalité est politique et cherche à terroriser les Libanais. Car c’est une partie politique qui en accuse une autre de vouloir mettre en œuvre un tel plan à des fins démographiques. Encore une fois le même bon vieux coup de l’épouvantail, en somme.
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commentaires (7)
La situation des ordures, de l'eau potable et de l'électricité dans notre pays est unique au monde. Que les allemands construisent les usines d'abord et on verra bien qui va les faire tourner. Les syriens auront encore plus de travail à faire chez eux après leur guerre.
Shou fi
23 h 11, le 28 juin 2018