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À La Une - Turquie

A Diyarbakir, le vote kurde suscite la convoitise

"Au premier tour des élections, nous voterons Demirtas. Au second tour, nous voterons Muharrem Ince et nous travaillerons avec lui, affirme un partisan du HDP.

Des Kurdes assistant à un meeting électoral qu'a tenu Muharrem Ince, candidat du CHP (social-démocrate), Place de la Gare, lundi 11 juin 2018, en présence de milliers de personnes. AFP / ILYAS AKENGIN

Le héros local emprisonné Selahattin Demirtas et son parti ne devraient y laisser que des miettes à leurs rivaux, mais Diyarbakir est courtisé par les autres candidats car le vote kurde pourrait déterminer l'issue des élections du 24 juin en Turquie.

S'il est assuré d'arriver en tête dans le volet législatif de ce scrutin à Diyarbakir, "capitale" du sud-est à majorité kurde de la Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP) doit atteindre le seuil fatidique de 10% au niveau national pour entrer au Parlement et peser sur les futures alliances.
Le HDP s'attend à ce que M. Demirtas, bien qu'incarcéré, fasse un meilleur score qu'en 2014 (près de 10%). Le report de ses voix sur l'un des deux candidats qui accéderont à un éventuel second tour pourrait déterminer l'identité du prochain président.

Les Kurdes, qui constituent au moins un cinquième de la population de 80 millions que compte la Turquie, sont majoritaires dans le sud-est du pays, principal théâtre du conflit entre les insurgés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et l'armée turque depuis 1984. Des combats ont repris en 2015 après l'effondrement d'un processus de paix lancé au début de la décennie.

A Diyarbakir, ville de près d'un million d'habitants, les candidats sont jugés à l'aune de leur politique à l'égard des Kurdes, en Turquie, mais aussi dans les pays voisins. Le président Recep Tayyip Erdogan et son parti islamo-conservateur, l'AKP, qui y avaient réalisé les meilleurs scores derrière M. Demirtas et le HDP lors de la présidentielle de 2014 et des législatives de 2015, semblent en perte de vitesse.


(Lire aussi : Elections en Turquie : Erdogan face à une concurrence inattendue)


"Pas de raison de voter Erdogan" 
Outre l'abandon du processus de paix et la détention de M. Demirtas depuis novembre 2016 sous l'accusation de liens avec le PKK, M. Erdogan et son parti pâtissent de l'alliance nouée avec les ultranationalistes du MHP, bête noire des Kurdes.
"Cela agace les Kurdes en général, pas seulement les supporteurs du HDP, mais aussi ceux qui votaient AKP", souligne l'expert politique kurde Mehmet Vural, président du centre de recherches sociales DITAM.
Parmi les autres griefs, il cite l'hostilité de M. Erdogan au référendum d'indépendance organisé l'an dernier par le Kurdistan irakien, et l'offensive turque menée en début d'année dans l'enclave syrienne d'Afrine pour en déloger une milice kurde.

Malgré tout, M. Erdogan, dont le poster avec le slogan "C'est l'heure de la Turquie" tapisse des façades d'immeubles et des panneaux publicitaires, est venu faire campagne à Diyarbakir le 3 juin.
La région connaît "une paix jamais vue au cours des 40 dernières années", a-t-il plaidé devant des milliers de personnes venues l'écouter Place de la Gare.

Mais M. Vural estime que les Kurdes "n'ont plus de raison de voter pour Erdogan" et devraient lui préférer en cas de second tour Muharrem Ince, candidat du CHP (social-démocrate).
Le CHP ne trouvait pourtant pas grâce aux yeux des électeurs kurdes en raison de son opposition historique à la reconnaissance des droits de la minorité kurde, mais M. Ince s'est montré plus ouvert sur ce point. Il tire aussi bénéfice de son refus de voter, contrairement à son parti, la levée de l'immunité parlementaire de M. Demirtas et de collègues du HDP en mai 2016.



Muharrem Ince, candidat du CHP, et son épouse durant un meeting de campagne à Diyarbakir , le 11 juin 2018. AFP / ILYAS AKENGIN



"Faiseurs de roi" 
Il l'a d'ailleurs rappelé lors d'un meeting qu'il a tenu lui aussi Place de la Gare lundi, en présence de milliers de personnes chauffées par une sono crachant ses hymnes de campagne et un speaker au verbe acéré. M. Ince a aussi rappelé qu'il avait récemment rendu visite à M. Demirtas en prison, suscitant les vivats de la foule.

"Au premier tour des élections, nous voterons Demirtas. Au second tour, nous voterons Muharrem Ince et nous travaillerons avec lui", dit à l'AFP Mehmet Coban, rencontré lors du meeting.
Comme lui, d'autres participants se présentent comme des partisans du HDP qui ont l'intention de voter pour M. Ince lors d'un éventuel second tour.

Filiz Buluttekin, coprésidente de la branche locale du HDP, reçoit dans un modeste bureau au QG du parti entre réunions et autres engagements de campagne. "Notre objectif est de recueillir entre 75% et 80% des voix et de remporter les douze sièges du Parlement réservés à Diyarbakir", dit-elle. "Nous allons attirer les votes qui allaient à l'AKP, car Erdogan se comporte en ennemi des Kurdes".
S'attendant à ce que M. Demirtas recueille entre 13 et 14% des voix à la présidentielle, elle ajoute: "En cas de second tour entre Erdogan et Ince, nous serons les faiseurs de rois". Et pour elle, pas question de couronner M. Erdogan.


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