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Moyen Orient et Monde - Turquie

Les élections anticipées, une manœuvre risquée pour Erdogan ?

L’annonce du président turc pourrait être perçue comme un signe de « faiblesse ».

À la une du grand quotidien turc « Hurriyet » « Nous allons aux urnes dans 66 jours », et à celle du quotidien progouvernemental « Sabah » : « Aux urnes le 24 juin pour diriger la Turquie ». Ozan Kose/AFP

L’aplomb ne manque pas à Recep Tayyip Erdogan, ni à ses partisans. Après avoir, à la surprise générale et au grand dam de l’opposition, annoncé la tenue d’élections présidentielle et législatives anticipées le 24 juin prochain, la formation du président turc défiait hier le Parti républicain du peuple (CHP, opposition) en lui demandant de nommer un candidat pour le premier scrutin. Le porte-parole du gouvernement, Bekir Bozdag, n’a pas hésité à railler les membres du CHP « parce qu’ils ne croient pas pouvoir rivaliser avec notre président ». « Notre chef a endossé son costume de lutte, donc si (le chef du CHP, Kemal) Kilicdaroglu disait “je suis un soldat”, il devrait mettre ses collants de lutteur et sortir », a déclaré M. Bozdag.

Initialement prévus pour novembre 2019, les scrutins censés se tenir en juin surviennent presque un an après le référendum constitutionnel sur une présidentialisation des pouvoirs. Malgré une campagne intense et des fraudes présumées – ses opposants ont accusé Erdogan de bourrage d’urnes entre autres – le Parti de la justice et du développement (AKP, de M. Erdogan) n’avait obtenu qu’un peu plus de 51 %. La victoire avait donc été juste. Des élections anticipées lui permettraient de mettre en marche les réformes que promet l’extension des pouvoirs présidentiels, à savoir la nomination de vice-présidents, de ministres, de hauts fonctionnaires et de hauts magistrats, la dissolution du Parlement, la prise de décrets exécutifs et la mise en place de l’état d’urgence.

Certains observateurs ne sont qu’à moitié surpris par l’annonce du gouvernement Erdogan. « Tout le monde s’attendait plus ou moins à des élections anticipées mais pas aussi tôt. Il semble que M. Erdogan ait pris la décision de ces élections il y a un mois, peut-être deux. Il sillonne le pays depuis plusieurs semaines, se rend à des meetings de partis », indique Ilhan Tanir, journaliste senior au média en ligne d’opposition Ahval et chercheur spécialiste de la Turquie, et pour lequel le contexte actuel est « propice » à ce genre de manœuvre. L’économie quelque peu en berne du pays reste l’une des raisons premières de la décision présidentielle. La livre turque est instable depuis plusieurs mois. Dès l’annonce, d’ailleurs, la livre turque et le marché boursier se sont redressés. Une autre raison à l’annonce de M. Erdogan : ses opposants, qui se retrouvent privés du temps nécessaire pour préparer leur campagne. Parmi eux, Meral Aksener, qui fut un temps membre du MHP (le Parti d’action nationaliste, de tendance d’extrême droite et allié à l’AKP), mais qui a fondé son propre parti, Iyi parti (le Bon Parti) en octobre 2017. Certains observateurs estiment qu’elle se pose en candidate d’envergure pour la présidentielle et la jugent menaçante pour le président turc.


(Lire aussi : Erdogan convoque des élections anticipées pour juin)


Succès militaires en Syrie
En pleine opération « Rameau d’olivier », lancée fin janvier 2018 contre les combattants kurdes du PYG, pendant syrien du PKK, séparatiste kurde), et qui a depuis mené à la prise de la ville de Afrine dans le Nord syrien, sans oublier les raids aériens contre les séparatistes kurdes dans le nord de l’Irak, M. Erdogan cherche de toute évidence à convertir ses succès militaires en succès politiques en jouant sur la fibre nationaliste des Turcs. « C’est le meilleur moment, il est au pic de son pouvoir. Il a pris Afrine en moins de deux mois, c’est une victoire pour lui. Qui sait si, dans quelques mois ou d’ici à l’année prochaine où en sera la situation ? Il en profite », juge M. Tanir.
La manœuvre n’est pas sans risques. Malgré la remontée économique du pays depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, la dérive autoritaire du président turc déplaît à beaucoup, notamment depuis la purge postcoup d’État manqué de juillet 2016. Le taux d’abstention pourrait être plus élevé que les années précédentes. La mainmise quasi totale de l’État sur la majorité des médias ne permet d’ailleurs pas de prendre le pouls réel de la population.

L’annonce d’élections anticipées pourrait être également perçue comme un signe de « faiblesse », avance Ilhan Tanir. Recep Tayyip Erdogan a souvent clamé publiquement ne pas avoir besoin d’élections anticipées pour gagner des élections – de nombreuses vidéos peuvent être trouvées sur internet. « Pas plus tard qu’il y a deux mois, il disait au cours d’un meeting de parti que son gouvernement n’avait pas besoin de ce genre d’élections et pouvait tenir jusqu’en novembre 2019 parce que le pays est stable », rappelle le chercheur, pour lequel l’AKP va très certainement « tricher » au cours des scrutins. « Le seul fait d’être candidat présidentiel en Turquie est aujourd’hui un défi immense. L’état d’urgence a été prolongé, les forces de police ne permettent pas à certains candidats de rassembler des signatures à Istanbul, encore moins dans le reste du pays. Il sera vraisemblablement président pour les cinq prochaines années au moins », prédit l’analyste.


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commentaires (3)

3A BOUZ EL MADFA3 !!!

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 02, le 20 avril 2018

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Commentaires (3)

  • 3A BOUZ EL MADFA3 !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 02, le 20 avril 2018

  • C'est de toute façon une canaille qui ne vit que dans le risque . Il peut se le permettre puisqu'il a servi ses alliés européens et américains au sein de l'OTAN en laissant passer les bactéries wahabites vers la Syrie. Ses alliés occidentaux lui payent en retour en laissant passer tous ses caprices , jusqu'au jour où comme ils ont fait avec tous les dictateurs qu'ils ont soutenus , la liste est longue , ils décideront de lui présenter la note .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 16, le 20 avril 2018

  • Il est claire que la Turquie est devenue la plus implacable dictature de la région. Il ne reste aucune opposition ou média d'opposition à l'intérieur du pays. Il y a un mini sultan que curieusement pour le moment les grandes puissances lui laissent passer tous ses crimes et même caprices... Pour quelles raisons et jusqu'à quand ? Les événements à venir nous le diront... Prochainement.

    Sarkis Serge Tateossian

    00 h 39, le 20 avril 2018

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