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À La Une - Crise

Abandon US de l'accord sur le nucléaire : en Iran, que disent les responsables, la presse et la rue?

Le porte-parole du gouvernement iranien a annoncé que son pays avait mis au point un plan pour faire face aux conséquences du retrait américain.

La presse iranienne était partagée, le 9 mai 2018, entre les journaux réformateurs qui espèrent sa survie et les conservateurs qui prônent une réaction plus dure. AFP / ATTA KENARE

La presse iranienne était unanime mercredi matin pour dénoncer la décision du président américain de quitter l'accord nucléaire, mais elle est partagée entre les journaux réformateurs qui espèrent sa survie et les conservateurs qui prônent une réaction plus dure.


"L'accord nucléaire sans le gêneur", titre sur toute sa Une le grand quotidien réformateur Etemad, qui reprend un tweet du président Hassan Rohani : "On a été débarrassé du mal de quelqu'un qui ne respecte pas ses engagements. L'accord nucléaire continuera si les intérêts de l'Iran sont assurés avec les cinq (autres pays signataires de l'accord). L'Iran est plus uni que jamais pour neutraliser les sanctions illégitimes des Etats-Unis".

L'accord sur le nucléaire iranien a été conclu en juillet 2015 à Vienne entre Téhéran et le Groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne), avant l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, vivement hostile au texte. Le président américain Donald Trump a annoncé mardi l'abandon de l'accord par les Etats-Unis et le retour des sanctions dures contre l'Iran. Par ce texte, l'Iran a accepté de limiter son programme nucléaire pour garantir son caractère pacifique, obtenant en contrepartie une levée progressive et partielle des sanctions internationales.


(Lire aussi : Les Européens s'attellent à la sauvegarde de l'accord nucléaire iranien)


Le quotidien réformateur Aftab salue la "décision logique de Téhéran" de compter sur les Européens, la Russie et la Chine pour contrer la décision de Trump, alors que le quotidien gouvernemental Iran titre sur "l'accord nucléaire sans le gêneur".

Si les journaux réformateurs reprennent la tonalité du président Rohani qui espère encore le maintien de l'accord nucléaire avec l'aide des Européens, de la Russie et de la Chine, les journaux conservateurs ont adopté une ligne plus dure. "Trump a déchiré l'accord nucléaire, il est temps pour nous de le brûler", affirme le quotidien ultraconservateur Kayhan, reprenant une phrase du guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei prononcée il y a quelques mois. Kayhan a toujours critiqué l'accord nucléaire et la politique de rapprochement du président Rohani avec l'Occident.

Pour sa part, le quotidien Javan, proche des Gardiens de la révolution, l'armée d'élite iranienne, affirme en Une que "l'Iran sera uni et résistera". "C'est le temps de l'unité et non de blâmer les autres. C'est l'occasion d'un renouveau pour l'Iran. Notre slogan 'Mort à l'Amérique' n'est plus un slogan, les Etats-Unis sont effectivement morts" à nos yeux, affirme le quotidien.

De son côté, le quotidien conservateur Farheekhtegan titre en Une "Non à l'accord nucléaire sans les Etats-Unis". Le quotidien affirme que "l'Europe n'a pas la capacité de maintenir l'accord nucléaire". Enfin, le quotidien conservateur Resalat reprend en Une des déclarations de Mohammad Javad Larijani, conservateur chargé des questions internationales au sein du pouvoir judiciaire iranien, qui affirme qu'il ne faut pas compter sur les Européens pour tenter de préserver l'accord nucléaire car "l'Europe est pire que les Etats-Unis dans l'application de ses engagements".


(Lire aussi : Retrait US : l’accord sur le nucléaire iranien est-il mort et enterré ?) 


Les responsables politiques et religieux

Donald Trump a commis "une erreur", a dit mercredi le guide suprême de la Révolution iranienne, commentant la décision de Donald Trump. "Vous avez entendu hier soir le président américain tenir des propos stupides et superficiels", a dit Ali Khamenei sur son site internet. "Il y avait peut-être une bonne dizaine de mensonges dans son discours. Il a menacé le régime et le peuple, en disant : 'Je vais faire ceci ou cela'. Monsieur Trump, je vous le dis au nom du peuple iranien: Vous avez commis une erreur", a-t-il ajouté.

Le guide suprême a par ailleurs exigé des Européens qu'ils donnent des "garanties réelles" à l'Iran pour lui permettre de rester dans l'accord de Vienne.
"Maintenant, on dit qu'on veut continuer l'accord nucléaire avec les trois pays européens, (mais) je ne fais pas confiance à ces trois pays (...) Vous voulez conclure un accord, obtenez des garanties réelles, car demain ils feront la même chose que ce que les États-Unis ont fait", a déclaré M. Khamenei lors d'un discours diffusé par la télévision d'État Iranienne, et visiblement adressé aux défenseurs du maintien de l'accord comme le président Hassan Rohani.


Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, s'adressant à la foule, le 9 mai 2018. AFP / Iranian Supreme Leader's Website/HO


Dès mardi soir, le président Rohani a affirmé que son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, allait mener des négociations avec les cinq autres pays parties à cet accord (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie) pour voir si celui-ci peut être sauvé. Si les négociations montrent que "les intérêts du peuple iranien sont assurés (...), l'accord nucléaire restera et nous pourrons agir pour l'intérêt de la paix et de la sécurité de la région et du monde", a dit le président modéré, un des pères de l'accord.

Mais il a également prévenu que l'Iran pourrait cesser d'appliquer les restrictions qu'il a consenties à ses activités nucléaires et reprendre un enrichissement d'uranium plus élevé si les négociations avec les Européens, Russes et Chinois ne devaient pas donner les résultats escomptés.

Le porte-parole du gouvernement iranien a dans ce contexte annoncé mercredi que son pays avait mis au point un plan pour faire face aux conséquences du retrait américain de l'accord nucléaire. "L'Organisation iranienne de gestion et de planification a élaboré un plan en mesure de répondre à la sortie des États-Unis de l'accord nucléaire", a déclaré Mohammad Baqer Nobakht, dont les propos ont été rapportés par l'agence de presse Irna. Il n'a pas donné de détails sur ce plan.


(Lire aussi : L’Iran pourrait riposter en employant ses cartes au Moyen-Orient)


Pour Ali Larijani, président du Parlement, la situation va permettre de voir ce que les Européens ont dans le ventre. "Vue l'attitude passée de l'Europe, nous ne pouvons pas tellement faire confiance à leurs déclarations sur le maintien de l'accord", a-t-il dit lors d'une séance animée ayant vu plusieurs députés ultraconservateurs brûler un drapeau américain en papier à la tribune aux cris de "Mort à l'Amérique". "C'est une ouverture pour que l'Europe montre qu'elle a le poids nécessaire pour régler les problèmes internationaux", a-t-il ajouté. Si les négociations échouent, "la République islamique d'Iran, avec ses actions sur le plan nucléaire (...), ramènera (tout le monde) à la raison", a encore dit M. Larijani, pour qui M. Trump ne comprend que "le langage de la force".


Des députés iraniens brûlant le drapeau américain, au sein du Parlement, le 9 mai 2018. AFP PHOTO / Iranian supreme leader's website


En fin d'après-midi, entre 200 et 300 personnes ont manifesté devant l'ancienne ambassade américaine à Téhéran, brûlant également un drapeau américain et scandant "Mort à l'Amérique".


Les Gardiens de la révolution
Sans ambages, le général Mohammad Ali Jafari, chef des Gardiens de la révolution, l'armée d'élite de la République islamique, a, lui, salué "la sortie des États-Unis de l'accord. "Il était clair dès le début que les États-Unis ne sont pas dignes de confiance", a-t-il argué, selon plusieurs agences.
Dans une critique à peine voilée de la volontés de négocier annoncée par M. Rohani, M. Jafari a dit espérer que ces tractations prendraient "fin le plus rapidement possible". "Il est évident qu'entre les États-Unis et l'Iran, les Européens vont choisir les États-Unis (...). L'enrichissement d'uranium est un prétexte pour les États-Unis (...). La question principale est la capacité défensive et balistique ainsi que la puissance et l'influence de la Révolution islamique dans la région", a-t-il ajouté, prônant un "renforcement des capacités des forces armées".


Dans les rues
Dans les rues de Téhéran, de nombreux Iraniens ont dit leur choc face au retour des sanctions économiques qui accompagnent le retrait américain de l'accord. "Les sanctions touchent le peuple, pas le régime", affirmait une jeune femme. "Le premier sentiment que j'ai (...), c'est qu'on ne peut plus rester vivre ici (...), on est déjà tellement malheureux", déclarait à l'AFP Katayoon Soltani, jeune Iranienne de 21 ans, déplorant que nombre de ses amis soient déjà "en train de partir" à l'étranger. Farid Roshan Ghyassi, jeune réalisateur d’œuvres télévisées, disait, pour sa part, être "très affecté" et craindre "les conséquences sur l'ensemble de l'économie du pays". "Nous espérons que nos partenaires européens et nos dirigeants feront en sorte que les États-Unis soient isolés et qu'on limite les conséquences", ajoutait Touraj Tabatabaï, homme d'affaires d'une cinquantaine d'années.



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