Il aura choisi la voie la plus dure. Le président Donald Trump a annoncé hier, sans grande surprise, son désengagement de l’accord sur le nucléaire iranien, mais pour certains observateurs, cela ne signifie pas pour autant la mort du traité signé le 14 juillet 2015. « J’annonce aujourd’hui que les États-Unis vont se retirer de l’accord nucléaire iranien », a-t-il déclaré dans une allocution télévisée depuis la Maison-Blanche, qualifiant le Plan d’action conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action, ou JCPOA en anglais) d’« horrible » et de « partial ». « Dans quelques instants, je vais signer un ordre présidentiel pour commencer à rétablir les sanctions américaines liées au programme nucléaire du régime iranien. Nous allons instituer le plus haut niveau de sanctions économiques », a-t-il poursuivi, avant d’ajouter que « tout pays qui aidera l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les États-Unis ». « Nous n’allons pas laisser un régime qui scande “Mort à l’Amérique” avoir accès aux armes les plus meurtrières sur terre », a également affirmé le président américain. « Mais le fait est qu’ils vont vouloir conclure un accord nouveau et durable, un accord qui bénéficierait à tout l’Iran et au peuple iranien. Quand ils (seront prêts), je serai prêt et bien disposé. De belles choses peuvent arriver à l’Iran. »
Peu après l’allocution présidentielle, le département du Trésor américain a donné des détails sur les sanctions à venir. Selon le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, le rétablissement des sanctions entre « immédiatement » en vigueur pour les nouveaux contrats, mais les entreprises déjà implantées ou engagées dans des accords avec la République islamique auront quelques mois pour en « sortir », soit à l’issue de périodes transitoires de 90 à 180 jours. Les entreprises américaines, mais aussi européennes, sont concernées par ces nouvelles mesures, ainsi qu’une palette de secteurs comme le pétrole, l’aéronautique et l’automobile.
L’accord sur le nucléaire est-il pour autant mort et enterré ? Rien n’est moins sûr, affirme Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire CPGE et coauteur des États-Unis et le monde (1823-1945) aux éditions Atlande (2018). « Preuve en est, la réponse des Européens et du (président iranien Hassan) Rohani et qui montre que l’accord n’est pas mort. C’est une situation très étrange. Les États-Unis risquent de se retrouver hors jeu dans une problématique d’ordre mondial et dans des négociations internationales majeures », affirme ce spécialiste de la politique américaine. « Les Iraniens pourraient jouer la carte de la patience stratégique pour essayer de fracturer le bloc Europe/États-Unis. L’accord peut survivre, même fortement affaibli et vidé de sa substance. L’Iran pourrait aussi attendre les prochaines échéances électorales aux États-Unis », semble confirmer Vincent Eiffling, chercheur au Centre d’étude des crises et des conflits internationaux (Cecri) à l’Université de Louvain, à Bruxelles.
(Lire aussi : Derrière l'accord nucléaire, l'influence de l'Iran en question)
Les faucons proches du président américain, résolument anti-iraniens, devraient pouvoir se réjouir des arguments énoncés hier soir pour justifier ce retrait. À savoir, la politique régionale de la République islamique, « principal sponsor étatique de la terreur » qui soutient des « terroristes et des milices comme le Hezbollah, le Hamas, les talibans et el-Qaëda ». Le président américain a également évoqué avoir la « preuve » selon laquelle le régime iranien a menti sur ses activités nucléaires. « Trump s’est appuyé sur les pseudo-révélations de Netanyahu la semaine dernière, et d’ailleurs largement désavouées par la communauté internationale, y compris par ses partenaires du traité. Il y a constamment un raisonnement à côté du sujet, depuis son arrivée à la Maison-Blanche », explique M. Sellin. Même son de cloche pour M. Eiffling, qui qualifie les arguments présidentiels de « fragiles, voire malhonnêtes ».
Quant à la base électorale du président américain, elle aussi doit être satisfaite. Une partie de ses partisans – alors qu’une bonne tranche de la population américaine est contre le retrait américain de l’accord – sont évangélistes et estiment cruciale la protection d’Israël. « Le jour de l’arrivée du Messie coïncide avec l’établissement du royaume entier d’Israël », rappelle Vincent Eiffling. Plus encore, le président américain semble plus que tout tenir à plaire à cet électorat. « Il y a chez lui quelque chose qui confine à l’obsession, à l’idée de ne pas vouloir être pris en défaut sur des promesses faites à son électorat blanc et appartenant à la classe ouvrière qui l’a porté au pouvoir, quitte à ce qu’il y ait des répercussions totalement déstabilisatrices sur une région entière », avance M. Sellin.
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09 h 07, le 09 mai 2018