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Culture - L’artiste de la semaine

Khansa, pour travestir les règles du jeu

Comme un funambule, il danse d’un pas léger sur la ligne fine qui sépare le féminin et le masculin, le passé et le présent, l’Orient et l’Occident.

Photo Alireza Shojaian

Khansa, Mohammad Khansa de son vrai nom, est un chanteur performeur qui ne laisse pas indifférent. S’il en dérange plus d’un, il en séduit d’autres en brisant les tabous par ses performances scéniques méticuleusement construites.

Pour rencontrer cet artiste qui fait beaucoup parler de lui, un rendez-vous est fixé un après-midi de printemps au café Em Nazih. Il se pointe sur le coup de trois heures, traversant avec grâce la salle, se frayant un chemin entre les vapeurs des narguilés. Et se confond d’emblée en excuses pour le retard, une mauvaise habitude dit-il, bien qu’en fait, il ne le soit pas. Il bouge et parle avec vivacité. Khansa déborde d’énergie. Une énergie qui transparaît aussi dans ses performances étourdissantes. Sur scène, dans la pénombre ambiante, il chante, danse le baladi aux sons suaves de l’électro, parcourt l’espace en quelques pas feutrés et conclut son numéro en éparpillant une poignée de pétales rouges au détour d’un refrain.

Chanteur, danseur, acrobate et metteur en scène, Khansa se définit comme un artiste de performance. Il est irréfutablement une bête de scène. Durant son passage à la Lebanese American University, où il a entrepris pour un moment des études en communication et performance arts, il se languissait des spectacles de fin d’année, qu’il considérait comme le summum de son semestre. «  J’avais hâte de me vêtir de noir et danser sur Madonna  », se souvient le chanteur de 25 ans qui a finalement laissé tomber ses études universitaires, brûlé par le besoin d’apprendre, de boire l’art à sa source, à l’école de la vie.

Orient-Occident, fusion imaginaire
Si l’interprète-star de Vogue fait partie des références pop de Khansa, l’artiste iconoclaste puise aussi ses inspirations dans la riche histoire de l’Orient. Il est un glaneur avoué du passé et du présent, ses performances transpirant une fusion inédite des deux. Il allie savamment l’œuvre du photographe Robert Mapplethorpe et la figure du köçek, jeune danseur de l’époque ottomane qui se travestissait en femme. Khansa virevolte sur lui-même, comme une toupie, à l’instar des derviches tourneurs soufis. Il avoue d’ailleurs être fasciné par le mysticisme de cette branche religieuse et ses figures masculines vêtues de longues jupes tourbillonnantes.
Les géants du monde arabe, comme Abdel Wahab et Oum Kalsoum, sont aussi très présents ; il se réapproprie leurs chansons pour y imbriquer des thèmes qui lui sont chers. Cette modernisation de classiques considérés intouchables lui a d’ailleurs valu quelques critiques. «  Certains me disent que je tue leur nostalgie, avoue-t-il. Mais khalass, c’est fini. Maintenant, c’est le futur.  »

Artiste queer, et alors  ?
Khansa en a assez des étiquettes : «  Parce que je suis queer, ça devient un automatisme de me catégoriser : mon art devient alors queer, dit-il. Mais pourquoi cela ne peut pas simplement être de l’art tout court  ?   » Malgré cet agacement, il avoue que ses principales difficultés ne sont pas auprès du public, mais avec lui-même. Khansa a en effet attendu très longtemps avant de danser sous les spotlights, voulant atteindre la perfection avant de monter sur scène. Il s’agissait donc avant tout d’un travail sur l’ego : «  Si quelqu’un a un problème avec le fait que je sois queer, il peut simplement me mettre une balle dans la tête, ironise-t-il. Mais je suis le principal obstacle entre moi et la scène.  »
Khansa a fini par se dévoiler en diffusant la vidéo de Khayef, réalisée en collaboration avec Mohammad Zahzah, en juillet dernier, une réinterprétation d’Abdel Wahab qu’il chante en dansant du baladi. Bien que cette création l’ait propulsé sur le devant de la scène, Khansa est déjà impatient de passer à autre chose. De nouveaux concepts seront abordés dans un album qu’il prépare depuis quelque temps. Ses performances sur scène sont aussi en constante évolution. «  Je veux porter des talons, je veux chanter de l’opéra, je veux danser parmi des hommes machos, lance-t-il, le regard brillant. Bref, je joue avec les codes. Tout est mon terrain de jeu.  »

Khansa donne une performance le 12 mai à Station (Jisr el-Wati). Également au programme, le groupe Alsarah and the Nubatones qui vient direct de Brooklyn, New York.

Le 4 août 1994
Naissance à Ghobayreh.

2004
Première expérience théâtrale à l’école, la révélation.

2010
Rencontre décisive avec sa coach vocale.

2012
Danse dans « Salome vs Buebeard » de Cornelia Kraft au théâtre
al-Madina.

2014
Décide de quitter l’université.

2016
Naissance du personnage Khansa.

2017
Sortie de l’opus « Khayef » réalisé avec Mohammad Zahzah.

2018
Il présente un spectacle en
ouverture de la Beirut Pride Week et un autre à la clôture de
la Nuit des idées à l’Institut français de Beyrouth.


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Khansa, Mohammad Khansa de son vrai nom, est un chanteur performeur qui ne laisse pas indifférent. S’il en dérange plus d’un, il en séduit d’autres en brisant les tabous par ses performances scéniques méticuleusement construites. Pour rencontrer cet artiste qui fait beaucoup parler de lui, un rendez-vous est fixé un après-midi de printemps au café Em Nazih. Il se pointe sur le coup...

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