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Culture - L’artiste de la semaine

Amin Dora, rafistoleur d’images

Quels que soient le format ou le mode, le réalisateur travaille au service de l’histoire. Il cartonne à présent avec une nouvelle web série interactive, « Bidoun Kayd ».

Amin Dora l’explorateur.

C’est à Zahlé que naît et grandit Amin Dora, dans une ambiance où le père, très cinéphile et fan de l’âge d’or égyptien, reproduit les films sur cassettes. Lui-même s’amuse à faire de petits films entre amis, sortes de Top Gun homemade avec montage à l’appui, par la simple manipulation play-pause.

Il reconnaît avoir compris la véritable fabrication d’un film en voyant André Chammas tourner le sien, Wayn Yo, dans sa localité natale. « À Zahlé, en effet, on n’avait que la télé et des émissions libanaises, mais en différé. » À l’âge de 18 ans, après avoir aidé Chammas sur le tournage de son film, l’image s’éclaircit dans l’esprit du jeune Dora, qui décide de quitter Zahlé et de s’installer à Beyrouth, où il entreprendra des études à l’ALBA. Curieux de tout et pressé de tout apprendre, Amin Dora comprend très vite que son unique et principal centre d’intérêt est l’image : « Je n’étais pas doué pour l’écriture, mais j’aime la belle histoire quand on me la présente. » Son premier projet de diplôme, un court film d’animation de cinq minutes, intitulé Greyscale, porte sa marque de fabrique. Il le réalise en stop motion, technique assez créative, et gagnera le premier prix au Festival européen. Un clip publicitaire sur Jeb Jannine, réalisé par Béchara Mouzannar, qui l’introduira à Leo Burnett, fera l’objet d’un film pour le cinéaste en herbe. L’aventure commence.

Tout en poursuivant ses études, Amin Dora effectue souvent des va-et-vient entre la pub et l’audiovisuel, sortes de vases communicants qui, selon lui, s’abreuvent l’un de l’autre. Dora ne rejette pas ce phénomène, mais y adhère totalement : « Il est loin le temps où la pub avait cet aspect carré qui l’éloigne des projets cinématographiques. Aujourd’hui, les deux s’entremêlent dans leur approche et leur démarche. » Pour lui, raconter une histoire en quelques secondes et pouvoir susciter des émotions est un exercice difficile, « mais tellement intéressant ».

« Mort lente... »
Avec Shankaboot, premier projet de tournage sur le web en 2009, il découvre l’équilibre réel entre les deux formats qu’il adoptera avec un réel plaisir et une grande inventivité. Défiant alors les lois d’un internet lent, Amin Dora s’essaye à des subterfuges nouveaux, avec un montage rapide, et pour une meilleure lecture du film. Son talent d’artiste technicien, de rafistoleur d’images, refait surface. Toute l’équipe sera propulsée aux Emmy Awards (tenues exceptionnellement à Cannes en 2011), recevant de plus une reconnaissance internationale pour cette première web série, proche de la réalité. Modeste, le cinéaste, qui ne porte aucun jugement sur le milieu du cinéma, accepte chaque projet comme une grâce. « Comme si c’était le dernier », dit-il. Il lui est important de toucher le spectateur, « au centre » de son travail. « Si un film ne se voit pas, il meurt d’une mort lente », ajoute-t-il. De même, tout en contestant les œuvres commerciales, il trouve que celles-ci pourraient contribuer à la marche de l’industrie cinématographique, ce qui est nécessaire pour un Liban « tellement riche en potentiel humain ».

Ghadi, son premier film, exécuté dans les normes de l’industrie cinématographique (avec un producteur, un cinéaste, un scénariste…), ajoute encore une fois un galon à sa carrière. Une expérience enrichissante qui ne le distrait pourtant pas du monde de la publicité qui le rappelle à chaque fois pour de nouvelles aventures. Marié et papa de deux enfants, il avoue que le cinéma au Liban, seul, ne peut nourrir une famille. Alors Dora galope, choisissant les projets toujours avec finesse et acuité.

Dans son dernier opus, Bidoun Kayd, tourné sur une nouvelle plate-forme (Spring Entertainment), il réinvente un procédé interactif, toujours selon les méthodes cinématographiques, où le spectateur peut choisir une des trois histoires proposées et la suivre, car au final, les trois récits se rejoignent.

Amin Dora est un réinventeur d’images, obsédé par la transcription de sa vision d’une histoire en visuel. Un acte, assure-t-il, que seul un travail d’équipe peut assurer et faire s’envoler vers d’autres dimensions.



1980
Naissance à Zahlé


1998
Études universitaires à l’ALBA

2000
Free-lancer pour des boîtes de pub prestigieuses


2003
Prix spécial du Jury au Festival Unimovie en Italie pour son
court-métrage « Greyscale »


2011
Digital Emmy Award pour
« Shankaboot» , première web série dramatique arabe


2014
 Prix de l’audience pour « Ghadi » au Festival du film de Mannheim-Heidelberg et aux Arabian Sights Film Festival Washington


2017
Web série « Bidoun Kayd » sur la plate-forme Spring Entertainment



C’est à Zahlé que naît et grandit Amin Dora, dans une ambiance où le père, très cinéphile et fan de l’âge d’or égyptien, reproduit les films sur cassettes. Lui-même s’amuse à faire de petits films entre amis, sortes de Top Gun homemade avec montage à l’appui, par la simple manipulation play-pause. Il reconnaît avoir compris la véritable fabrication d’un film en voyant...
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