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Liban - Drame

Hanna Lahoud, ou la joie de vivre et d’aider... jusqu’à la mort

Le jeune homme, membre du CICR, a été tué samedi par des individus armés non identifiés, aux environs de Taëz, selon un communiqué du CICR.

Hanna Lahoud était toujours jovial et regorgeait de vie. Photo Nour Braidy.

Les secouristes du secteur de Tabaris (Achrafieh) de la Croix-Rouge libanaise étaient sous le choc hier, au lendemain de l’assassinat au Yémen de Hanna Lahoud, ancien secouriste et chef de ce secteur et chargé du programme des détenus du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Yémen. Et dans l’après-midi, un petit rassemblement a été organisé dans les locaux du secteur pour rendre hommage à Bouha, comme le surnommaient ses amis. « Il est vrai que Hanna faisait partie de l’ancienne génération et que la majorité de ses collègues ne sont plus actifs, mais ce rassemblement est une occasion pour se retrouver et penser à lui », confie Caline Mouzannar, chef du secteur de Tabaris.

La jeune femme ne tarit pas sur celui qui l’a « recrutée » et « formée » au secteur. « J’ai travaillé avec lui pendant deux ans, avant qu’il ne rejoigne le CICR », se rappelle-t-elle. D’une voix pleine d’émotion, elle poursuit : « C’est lui qui m’a appris les valeurs et les principes de la Croix-Rouge. Il m’a expliqué l’importance qu’il faut accorder au patient dans la mission. Il m’a appris comment, à cet effet, être plus efficace et plus performant. Pour lui, le patient était la ligne rouge qu’il ne fallait pas dépasser. » 

Pour la jeune femme, Hanna Lahoud était « un refuge ». « On pouvait lui demander conseil au niveau personnel et dans notre travail au sein de la Croix-Rouge », se rappelle-t-elle. Et d’ajouter : « Hanna était quelqu’un de très dévoué, d’engagé et d’enthousiaste. Il était charismatique, attaché à la vie et très respecté par les secouristes du secteur et ses collègues à la CRL. Il mettait en avant le bien du secteur, même aux dépens de sa vie personnelle. » 


Un martyr de la CRL

Hassib Lahoud, ancien chef du secteur de Tabaris et membre du comité central de la CRL, ne cache pas sa tristesse. « Hanna était un grand ami, avance-t-il. Je figurais au nombre des personnes qui l’ont formé et aidé à faire son parcours à la croix-Rouge. » « Il était toujours jovial. Hanna était un élément assez engagé et a beaucoup contribué au secteur. Jusqu’à récemment, durant ses vacances, il rejoignait les secouristes du secteur. En plus, c’était un battant, qui a réussi à vaincre son cancer en 2014. » Et Hassib Lahoud d’insister : « Hanna vient s’ajouter à la liste des martyrs du secteur. Nous avons perdu trois secouristes durant la guerre. Hanna est notre quatrième martyr. » 

Notre collègue Nour Braidy se rappelle d’un « homme drôle, dévoué et d’un éternel optimiste », qui était « triste de quitter ses amis, surtout ceux de la CRL », lorsqu’il a été engagé au CICR, mais qui avait « aussi hâte de vivre cette grande aventure ». « Lorsque je l’avais taquiné à ce sujet, il m’avait répondu que la Croix-Rouge était son carburant », ajoute-t-elle. Elle s’attarde sur l’épisode de 2014, lorsque Hanna a appris qu’il avait un cancer. « Il était resté discret, parce qu’il ne voulait pas être un poids pour sa famille et ses amis, raconte-t-elle. Il était certain qu’il s’en sortirait. C’était lui qui rassurait ses proches, alors que ça aurait dû être l’inverse. Il ne m’a jamais dit à quel point la chimiothérapie était douloureuse. Il me disait plutôt, avec son ton enjoué, que manger tout et n’importe quoi lui manquait. Malgré sa maladie, il n’a pas perdu son sens de l’humour. Il était combatif et attaché à la vie. À l’époque, il avait interrompu sa mission en Irak pour se faire soigner au Liban, mais il avait hâte de retourner sur le terrain. Lorsqu’il faisait ses dernières séances de chimiothérapie, son médecin, qui était fier de lui et de son moral d’acier, lui avait demandé de faire une tournée auprès de jeunes patients déprimés. Il n’a pas hésité à le faire et il en était heureux. Hanna avait ce besoin inhérent de voir les gens autour de lui heureux. Il a toujours été là pour conseiller, encourager, aider et faire rire. Il était blagueur et taquin, mais derrière cela, il y avait une énorme sensibilité et humilité, cet amour de l’autre et ce don de soi qui faisaient qu’il était si humain et un grand humanitaire. » 


« En état de choc » 

Originaire de Brih, dans le Chouf, Hanna Lahoud, 37 ans, nouvellement marié, a été tué par balles samedi « par des individus armés non identifiés, aux environs de Taëz » au Yémen, selon un communiqué du CICR. Ce dernier « était en route pour rendre visite à une personne lorsque le véhicule du CICR au bord duquel il se trouvait a été attaqué ». Le jeune homme « a été atteint de plusieurs balles au cœur », selon une source hospitalière citée par l’AFP. Il n’a pas tardé à succomber à ses blessures. « Les collègues qui se trouvaient avec lui lors de l’incident s’en sont sortis indemnes », a ajouté le CICR.

Réagissant à l’assassinat de Hanna Lahoud, le directeur du CICR pour le Moyen-Orient, Robert Mardini, a condamné samedi « cette attaque brutale et délibérée contre un humanitaire». «Nous sommes tous en état de choc, a-t-il poursuivi. Hanna était un jeune homme plein de vie, qui était connu dans le milieu et très apprécié. Rien ne peut justifier son meurtre. Aujourd’hui, nous sommes en deuil après l’assassinat de notre cher ami et collègue. Nos cœurs et nos pensées sont avec les personnes que Hanna aimait. » 

Hier, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a condamné à son tour ce meurtre. Dans un communiqué, il « a exprimé ses plus sincères condoléances à la famille, aux amis et aux collègues » de Hanna Lahoud, soulignant que « les responsables de ce meurtre doivent être appréhendés et poursuivis ». Il a souligné que « toutes les parties au conflit doivent protéger les travailleurs humanitaires qui fournissent une assistance humanitaire aux plus de 22 millions de Yéménites dans le besoin ». M. Guterres a en outre exprimé sa solidarité avec le personnel du CICR et son président, Peter Maurer.

En soirée, le Premier ministre, Saad Hariri, a souligné sur son compte Twitter que Hanna Lahoud « a été victime d’une balle fatale ». « Son martyre représente ce que devrait être le message du Liban dans le monde », a-t-il ajouté. Rappelons que samedi, le président Michel Aoun a été le premier à condamner l’assassinat de Hanna Lahoud. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Je présente mes condoléances à ta famille et à ceux qui t’aimaient », a-t-il écrit sur son compte Twitter, en hommage à la victime.

Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a également salué la mémoire de Hanna Lahoud. « L’acte le plus noble dans la vie consiste à donner sa vie dans l’action humanitaire, à aider les autres et à mourir au nom de l’humanitaire, a tweeté M. Bassil. Ce martyr du Liban et de l’humanité est tombé dans la guerre des autres. Hanna Lahoud, que Dieu te bénisse. » 

Après des études scolaires entre la France et le Liban, puis un diplôme en physiothérapie à l’Université Saint-Joseph, Hanna Lahoud rejoint en 2002 la Croix-Rouge libanaise. Il en sera membre pendant huit ans en tant que secouriste et chef du secteur de Tabaris, jusqu’en octobre 2010. Un mois plus tard, en novembre, il rejoint le CICR. Il a été désigné en Tunisie pour sa première mission, puis à Tindouf en Algérie, en 2012. Après avoir vaincu son cancer, Hanna Lahoud se dit « prêt à reprendre sa vie ». Il s’envole pour Genève pour poursuivre son travail au sein du CICR. Mais il a une seule idée en tête : repartir sur le terrain le plus tôt possible.

Samedi, dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu’il coopérait avec le CICR pour rapatrier le corps au Liban. La date du rapatriement n’a pas encore été fixée.


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Les secouristes du secteur de Tabaris (Achrafieh) de la Croix-Rouge libanaise étaient sous le choc hier, au lendemain de l’assassinat au Yémen de Hanna Lahoud, ancien secouriste et chef de ce secteur et chargé du programme des détenus du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Yémen. Et dans l’après-midi, un petit rassemblement a été organisé dans les locaux du secteur pour...

commentaires (1)

Le terme de "martyr", utilisé trop souvent à tort et à travers, trouve ici son vrai sens.

Yves Prevost

07 h 11, le 23 avril 2018

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Commentaires (1)

  • Le terme de "martyr", utilisé trop souvent à tort et à travers, trouve ici son vrai sens.

    Yves Prevost

    07 h 11, le 23 avril 2018

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