Censé fédérer les Yéménites et oeuvrer à un règlement du conflit qui déchire son pays, le président Abd Rabbo Mansour Hadi apparaît au contraire, pour ses détracteurs, comme un acteur marginal, voire un obstacle à la paix.
Ouvertement contesté dans le Sud, où son gouvernement est théoriquement en charge des affaires du pays, et lui-même exilé à Riyad, le chef de l'Etat yéménite ne semble exercer qu'un pouvoir de façade. Il reçoit en audience, envoie des messages de condoléances ou de félicitations et préside des réunions périodiques de ses collaborateurs. Mais, dans les faits, tout ou presque lui échappe, au point que dans les milieux politiques et diplomatiques, certains s'interrogent sur son utilité réelle.
On se demande aussi s'il fait partie du problème ou de la solution au conflit qui se poursuit depuis trois ans, malgré l'intervention militaire d'une coalition conduite par l'Arabie saoudite. Depuis mars 2015, cette coalition appuie les forces du gouvernement internationalement reconnu, afin de contrer les rebelles houthis, soutenus par l'Iran et qui contrôlent la capitale Sanaa. Le conflit a fait près de 10.000 morts et plus de 54.000 blessés, dont de nombreux civils, aboutissant à la "pire crise humanitaire du monde" sans perspective de règlement, selon l'ONU.
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Légitimité
M. Hadi incarne le gouvernement légitime du Yémen où un coup de force a permis aux rebelles chiites houthis, qui s'estimaient marginalisés, de s'emparer de Sanaa et d'une partie du pays fin 2014. Il avait été désigné président en 2012, conformément à un arrangement politique qui avait vu son prédécesseur, Ali Abdallah Saleh, céder le pouvoir après des mois de contestation dans la rue.
En avril 2015, la résolution 2216 de l'ONU avait confirmé sa légitimité, mais cela n'a pas empêché les Emirats arabes unis, pilier de la coalition menée par Riyad, de torpiller son autorité dans le sud du Yémen ces derniers mois. En janvier, une force séparatiste sudiste, formée par Abou Dhabi, a attaqué les troupes pro-Hadi dans la grande ville d'Aden, les mettant en déroute, et le gouvernement a été sauvé in extremis par l'Arabie saoudite. En fait, ces hostilités ont débuté avec l'assentiment des Emirats qui jugent M. Hadi incompétent et n'apprécient pas qu'il soit entouré d'éléments islamistes apparentés aux Frères musulmans, expliquent des analystes.
Parmi les pays qui suivent de près le Yémen, les Emirats et la Grande-Bretagne sont favorables à un changement et à une transition côté gouvernemental, selon des sources proches du processus. Tout en admettant les difficultés, l'Arabie saoudite, qui soutient le gouvernement Hadi à bout de bras, et les Etats-Unis redoutent le vide et cherchent à temporiser, ajoutent ces sources. "La manière dont les Emirats arabes unis se comportent dans le sud du Yémen complique la recherche d'une solution politique", affirme un haut responsable américain sous le couvert de l'anonymat.
Les tensions avec les séparatistes et les menaces des jihadistes d'El-Qaëda et du groupe Etat islamique (EI), toujours actifs à Aden, font que les ministres du gouvernement Hadi ne peuvent pas travailler dans cette ville et être en lien direct avec la réalité du terrain.
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Plan B
Le porte-parole du gouvernement, Rajeh Badi, a beau assurer à l'AFP que "la plupart des ministres se trouvent la plupart du temps à Aden", le fait est qu'il ne s'agit que de ministres originaires du Sud.
Les autres, originaires du Nord, travaillent à partir de Riyad, comme celui des Affaires étrangères Abdel Malek al-Mikhlafi, ou font des séjours ponctuels à Marib (centre du Yémen) comme le vice-président Ali Mohsen al-Ahmar qui a des rapports difficiles avec les sudistes.
Le président Hadi lui-même n'a pas mis les pieds au Yémen depuis environ un an, et deux de ses ministres ont démissionné en mars pour protester contre le fait qu'il soit empêché par ses hôtes saoudiens de quitter Riyad, sauf quand ils le permettent.
Dans les milieux politiques yéménites, certains commencent à envisager un plan B, celui d'une nouvelle direction capable de favoriser un processus politique, alors que le président n'envisage qu'une solution militaire. M. Hadi garderait dans ce cas le "statut symbolique" de chef d'Etat et serait secondé par une personnalité du Nord ayant le titre de vice-président exécutif, capable de négocier un accord de paix avec les rebelles, eux-mêmes originaires du Nord. M. Hadi "restera inévitablement une figure centrale dans le processus uniquement en vertu de sa position de président du Yémen internationalement reconnu", estime Adam Baron, expert à l'European Council on Foreign Relations.
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