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Moyen Orient et Monde - Conflit

L’absence de Haftar, facteur d’incertitude en Libye

La disparition éventuelle du maréchal pourrait conduire à une guerre de succession sanglante.

Cette photo prise le 9 mars 2015 dans la ville de Tobrouk, dans l’est de la Libye, montre le général anti-islamiste libyen Khalifa Haftar assistant à sa cérémonie d’investiture en tant que nouveau chef de l’armée nationale libyenne. Photo AFP

Le sort de Khalifa Haftar, inconnu depuis près de deux semaines, suscite l’inquiétude en Libye, notamment parmi ses partisans et ses alliés régionaux.
Depuis le 9 avril, de nombreuses rumeurs circulent sur l’état de santé du maréchal libyen, qui a été un temps le compagnon de Mouammar Kadhafi, exilé aux États-Unis après s’être retourné contre le guide, et qui est solidement soutenu par la Russie, l’Égypte et les Émirats arabes unis. Certains l’affirment mort, d’autres le disent hospitalisé, victime d’un accident cérébral survenu au cours d’une tournée régionale. D’abord soigné à Amman, en Jordanie, le militaire âgé de 75 ans aurait été transféré dans un hôpital parisien. Ce n’est qu’au bout de plusieurs jours, soit le 13 avril, que son porte-parole Ahmad el-Mesmari a indiqué sur son compte Twitter que le maréchal, également chef de l’Armée nationale libyenne (ANL) et homme fort de l’Est libyen, se trouve à Paris « pour des examens médicaux normaux » et devrait être de retour « dans quelques jours pour poursuivre la lutte contre le terrorisme ». L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a affirmé avoir parlé au maréchal, éloignant l’hypothèse de son décès. Plusieurs sources ont par la suite révélé à certains médias que la conversation entre MM. Salamé et Haftar était décousue, le militaire n’étant pas lucide. Mais l’émissaire onusien était, semble-t-il, sous pression internationale pour prouver que le chef de l’ANL est toujours vivant, ne serait-ce que pour maintenir un semblant de stabilité, du moins dans l’Est libyen.

Quoi qu’il en soit, des rumeurs sur son état de santé auront suffi à donner lieu à toutes sortes de spéculations, en premier lieu concernant l’avenir de l’ANL. Coalition hétéroclite de tribus et de factions militaires de tous bords ou presque, l’ANL est depuis 2014 sous la houlette de Khalifa Haftar. Le pays est alors dans une situation désastreuse, aux prises avec la violence généralisée et vulnérable face aux velléités territoriales de certains groupes terroristes comme l’État islamique. Le maréchal Haftar lance alors l’opération Dignité (Karama), dans le but de reconquérir le pays. Il devient rapidement l’un des hommes forts du pays, où deux gouvernements sont en concurrence directe. L’un basé à Tobrouk, dans l’Est libyen, et qui le soutient, l’autre, appelé gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli, et dont le Premier ministre, Fayez el-Sarraj, est soutenu par la communauté internationale.


(Lire aussi : Le mystérieux sort de Seif al-Islam Kadhafi)


Hassi favori ?
Il est clair que le moindre signe de faiblesse pourrait porter préjudice aux fragiles alliances qui composent l’ANL. D’autant que l’annonce de la maladie de l’homme fort de l’Est libyen a déjà fait son effet. L’un des successeurs potentiels du maréchal Haftar, son chef d’état-major le général Abdelrazak el-Nadhouri, a d’ailleurs échappé de justesse mercredi à un attentat à la voiture piégée à Benghazi. L’attentat alimente les rumeurs courant sur le début d’une guerre de succession. Plusieurs hommes sont pressentis pour remplacer le maréchal à la tête de l’ANL. Le général Nadhouri, donc, mais également les fils du maréchal, Khaled et Saddam Haftar, officiers de l’ANL, le général Abdessalam el-Hassi, chef des opérations pour Dignité, et son directeur de cabinet, Aoun el-Forjani. Abdessalam el-Hassi semble être le favori. Proche d’Abou Dhabi, réputé discret, il est moins controversé que l’un des fils Haftar, dont la nomination serait immédiatement qualifiée de favoritisme, ou Forjani, dont l’appartenance à la tribu des Forjan ne plaît pas à tous. Les fractures communautaires et tribales restent un facteur déterminant pour l’avenir du pays et dans le règlement de la crise sécuritaire.


(Lire aussi :  Le maréchal Haftar, émule de Kadhafi ?)


L’après-Haftar semble proche, une période de transition se rapproche à grands pas et tout laisse à croire qu’elle sera difficile. Les soutiens régionaux de Khalifa Haftar auront leur mot à dire dans cette succession, quasi inéluctable, alors que le maréchal devait se présenter aux élections parlementaires à la fin de l’année. Ces mêmes soutiens devraient probablement revoir leur stratégie en Libye si le maréchal venait à disparaître. Plusieurs tribus marginalisées par Khalifa Haftar, comme les Awakir, devraient chercher à revenir sur le devant de la scène. Le Premier ministre du GNA, Fayez el-Sarraj, avec lequel Khalifa Haftar négociait une sortie de crise ces dernières années, pourrait lui aussi tenter d’augmenter son influence dans l’est du pays.
Mais, selon certains observateurs, la disparition du militaire pourrait, au contraire, mener à une réconciliation des deux gouvernements et peut-être même à une sortie de crise, bien qu’un tel scénario apparaisse, pour l’instant, irréalisable.


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