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Moyen Orient et Monde - Repère

Qui sont les principaux acteurs du conflit libyen ?

Les membres d’une milice affichent leurs armes sur la place de la Liberté à Benghazi, le 18 février 2014. Esam Omran al-Fetori/Reuters

Sept ans après le début de la révolution en Libye, la situation est plus que jamais chaotique. Sur les plans économique, politique, sécuritaire et humanitaire, le pays reste très mal en point, malgré une baisse significative des violences. Des dizaines de milliers de migrants sont victimes d’abus par les autorités de l’immigration, régulièrement accusées par les ONG internationales de trafic d’êtres humains. La stagnation politique ne permet pas d’espérer une transition et des élections prochaines malgré les vœux de la communauté internationale. Le morcellement du pays et les intérêts divergents empêchent, pour l’instant, d’espérer une résolution imminente de la crise, malgré les différentes médiations internationales. Dans le but de décortiquer un conflit particulièrement complexe, L’Orient-Le Jour dresse une liste (non exhaustive) des principaux acteurs sur place. 


Sur le plan politique

– Deux gouvernements coexistent aujourd’hui en Libye : un gouvernement reconnu par la communauté internationale (GNA) et basé à Tripoli et, un second, non reconnu, qui exerce son pouvoir dans l’Est libyen avec le soutien du maréchal Khalifa Haftar et de son Armée nationale libyenne, tout en contestant l’autorité du GNA.

– La médiation onusienne a permis d’aboutir à certaines avancées sur le plan de la politique intérieure depuis le début de la révolution de 2011. L’accord interlibyen de Skhirat (Maroc) en fait partie. Signé le 17 décembre 2015, l’accord a donné naissance à un Conseil présidentiel (CP) de neuf membres dirigé par le Premier ministre Fayez el-Sarraj, et chargé de constituer le gouvernement d’union nationale (GNA). Le Premier ministre et plusieurs membres du Conseil présidentiel et de son gouvernement sont installés à Tripoli depuis le 30 mars 2016. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies est le Libanais Ghassan Salamé depuis juillet 2017.

– Gouvernement de l’Est – partagé entre Tobrouk (siège du Parlement) et Baïda (siège du gouvernement). Le maréchal Haftar, qui soutient ce second gouvernement, a annoncé en décembre 2017 refuser de reconnaître toute décision issue du GNA de Tripoli, après la fin de l’accord de Skhirat, qui arrive à échéance le 20 décembre.

Un troisième gouvernement, dit de salut national (GSN), a brièvement existé entre 2015 et 2017, siégeant à Tripoli. Il était dirigé par Khalifa Ghwell, qui fut chassé de la capitale libyenne au printemps 2017.


(Lire aussi : Tarek Mitri : Les élections en Libye sont une fuite en avant)


Sur le plan militaire

– L’armée libyenne : l’armée officielle, considérée comme l’armée de Kadhafi, est aujourd’hui non seulement affaiblie mais également marginalisée. Elle comprendrait à peu près 130 000 soldats et officiers, selon les estimations, qui n’ont aujourd’hui aucun rôle officiel. Depuis le début de la révolution de 2011, aucune nouvelle recrue ne serait venue grossir ses rangs. Une grande partie des casernes et des armes ont été récupérées par diverses milices au fil des années. Pour nombre d’observateurs, une armée nationale officielle forte et bien gérée représente la seule solution au problème des milices innombrables auquel fait face le pays aujourd’hui, morcelé entre diverses tendances. L’intégration des milices au sein de l’armée officielle est un problème régulièrement mis en avant par les diverses instances gouvernementales depuis le début du processus de transition fin 2011.

– Khalifa Haftar et son Armée nationale libyenne (ANL) : le maréchal Haftar est à la tête de l’ANL depuis 2014. L’ancien compagnon d’armes de Mouammar Kadhafi affirme avoir plus de 75 000 hommes contrôlant le sud du pays et les frontières libyennes de l’Égypte à la Tunisie, mais certains experts affirment que ces chiffres sont exagérés. Il est soutenu par plusieurs milices, dont celles, réputées, de Zenten. Les Forces spéciales militaires, ou Saïka, dirigées par Wanis Bukhamada, sont le groupe le plus important de l’opération Dignité (Karama) lancée par Haftar en 2014 pour détruire les milices jihadistes, et qui lui permet de prendre le contrôle de Benghazi, entre autres. Depuis, l’ANL est accusée d’exécutions extrajudiciaires et d’autres abus par diverses ONG internationales.

– Radaa/Forces de dissuasion spéciale (FDS) : les FDS, dirigées par Abdel Raouf Kara, sont de tendance salafiste et sont composées de quelque 1 500 hommes, majoritairement des anciens officiers de police pré-2011. Elles obéissent aux ordres du ministère de l’Intérieur, et combattent l’EI et autres groupes extrémistes. Principalement basés à Tripoli, il arrive aux FDS d’opérer à l’extérieur de la capitale libyenne, dans les grandes villes comme Benghazi, Sabratha, Syrte, Derna, etc. La tendance salafiste de Radaa pose problème : le groupe est régulièrement accusé de vouloir imposer la charia (loi islamique). Il est aussi accusé de torture sur ses prisonniers.

– Madkhalis : les trois dernières années ont permis la montée en puissance des Madkhalis, un groupe d’adeptes de Rabih el-Madkhali, un clerc saoudien de tendance salafiste basé à Médine. Opposés aux Frères musulmans, l’EI et toute forme d’islam politique, les Madkhalis ont rejoint le combat de Haftar. Leurs détracteurs les accusent d’être les marionnettes de l’Arabie saoudite. Apolitiques, opposés à la démocratie, ils connaissent une popularité grandissante en Égypte, en Arabie saoudite et dans le Golfe depuis le début des années 1990. Mouammar Kadhafi les accueille à bras ouverts au début des années 2000, et ils lui resteront fidèles jusqu’à sa mort. Contrairement à d’autres groupes comme les Frères musulmans, ils rejettent la charia et n’obéissent qu’au walih al-amr (« celui qui règne ») d’un pays donné, même laïc.

– État islamique : apparue en Libye vers la mi-2014 dans la ville de Derna, la branche libyenne de l’EI est actuellement dirigée par Abdel Kader el-Najdi, après que son prédécesseur a été tué dans une frappe de drone américain en novembre 2015. À son apogée, l’État islamique avait pour fief Syrte, la ville natale de l’ancien homme fort libyen Mouammar Kadhafi. Pendant plus d’un an, il a contrôlé plusieurs dizaines de kilomètres de la côte libyenne. Il a fallu un an aux forces libyennes pour chasser l’EI de Derna, et un an et demi de plus pour l’évincer de manière définitive à Syrte, avec l’aide des brigades de Misrata et des États-Unis, qui ont mené plus de 490 frappes aériennes. Affaibli, le groupe comprendrait quand même, selon les estimations de certains observateurs, quelque 500 cellules à travers le pays.

– Frères musulmans : soutenus par la Turquie et le Qatar, les Frères musulmans de Libye ont pour fief la ville de Misrata. La branche libyenne de la confrérie, fondée en 1949 mais réellement opérationnelle depuis mars 2012, s’appelle le Parti de la justice et de la construction (PJC). Le PJC a brièvement fait partie du gouvernement jusqu’en 2014, avant de s’en retirer pour différences idéologiques. Depuis juin 2017, de nombreux membres haut placés de la confrérie sont considérés comme « terroristes » par le gouvernement de Tobrouk qui les place alors sur une liste de personnes ayant des liens avec le Qatar.


(Lire aussi : Le maréchal Haftar, émule de Kadhafi ?)


Sur le plan régional et international

Les ingérences étrangères continues en Libye semblent contribuer au chaos ambiant au lieu d’y remédier. Les voisins frontaliers de la Libye, comme l’Égypte, l’Algérie et la Tunisie, craignent des débordements et tentent de repousser tout risque sécuritaire loin de leurs frontières.

Depuis 2014, l’Égypte, qui connaît une insurrection islamiste dans le Sinaï, fournit au général Khalifa Haftar des armes et des équipements, parce qu’elle le perçoit comme le seul interlocuteur viable. Le Caire est allé jusqu’à appeler l’ONU à exempter l’ANL de Haftar de l’embargo sur les armes en Libye afin de faciliter l’envoi d’armes au général. En février 2017, le gouvernement de Abdel Fattah el-Sissi a également organisé une rencontre entre Fayez el-Sarraj et Khalifa Haftar – sans résultat – ainsi que des pourparlers interlibyens.

De concert avec l’Égypte, les Émirats arabes unis fournissent également des armes à Haftar depuis 2014. Abou Dhabi a réussi le tour de force de réunir Sarraj et Haftar en mai 2017. Et comme Le Caire, Abou Dhabi a adhéré au processus diplomatique entamé par l’ONU pour une réconciliation interlibyenne.


(Lire aussi : Déçus, les déplacés libyens de Taouarga s'impatientent dans le désert)


La rencontre de Sarraj et Haftar à Paris en juillet 2017, organisée par le président Emmanuel Macron, a contribué à replacer la France sur l’échiquier libyen, et à légitimer davantage le général Haftar aux yeux de la communauté internationale, et qui venait de remporter une bataille décisive contre des groupes islamistes à Benghazi après trois ans de combats intensifs.

La Russie a très tôt tenté de se tailler une place sur l’échiquier libyen, avec succès. Le ministère des Affaires étrangères a plus d’une fois insisté sur sa volonté de tout faire pour permettre une normalisation de la situation, et une entente entre les différentes factions politiques.

Le Qatar et la Turquie sont, pour leur part, souvent accusés d’ingérence en Libye, notamment par Khalifa Haftar, qui affirme qu’ils soutiennent des groupes islamistes. Début janvier, un navire venant de Turquie et transportant un chargement d’explosifs à destination de la ville libyenne de Misrata. Le porte-parole de l’ANL de Haftar a également accusé Ankara d’avoir envoyé des armes aux Frères musulmans et à el-Qaëda.


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