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À La Une - Dans la presse

Trois entreprises belges poursuivies pour l'envoi de produits chimiques au Liban et en Syrie

Le scandale a été découvert par l'hebdomadaire belge Knack après avoir constaté dans la banque de données Comtrade de l'ONU que la Belgique est le seul pays de l'UE à exporter de l'isopropanol en Syrie depuis 2013.

Un adolescent syrien tenant un masque à gaz sur le visage d'un bébé après une attaque chimique, imputée au régime, sur la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, fin janvier 2018. AFP/Hasan Mohamed

Trois entreprises belges sont assignées en justice par les douanes du pays pour avoir omis de signaler aux autorités l'exportation vers le Liban et la Syrie, entre 2014 et 2016, d'un produit chimique pouvant servir à confectionner du gaz sarin. Une information rapportée mercredi dans la presse belge, soit une dizaine de jours après une attaque chimique présumée sur la ville de Douma, dans la Ghouta orientale en Syrie.

D'après le texte de la citation en justice, rapporté par l'hebdomadaire Le Vif, 168 tonnes d'isopropanol, 219 tonnes d'acétone, 77 tonnes de méthanol et 21 tonnes de dichlorométhane ont été exportées. Le premier de ces composants, l'isopropanol, peut servir à la fabrication d'armes chimiques, dont le gaz sarin. "Il faudra encore prouver qu'a été exporté l'isopropanol dosé à 95% soumis à autorisation", a indiqué à l'AFP Florence Angelici, une porte-parole du ministère des Finances, confirmant les informations de presse.

Mardi soir, la porte-parole du département d'Etat américain Heather Nauert a indiqué que les Etats-Unis disposent de renseignements selon lesquels à la fois du chlore et du gaz sarin ont été utilisés dans l'attaque chimique du 7 avril à Douma. L'Occident accuse le régime de Bachar el-Assad d'être à l'origine de cette attaque chimique, ce que Damas et Moscou démentent catégoriquement. Etats-Unis, Grande-Bretagne et France ont mené dans la nuit du 13 au 14 avril des frappes coordonnées contre des installations du régime syrien. Une enquête de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) est, par ailleurs, en cours depuis dimanche dernier afin de déterminer si des produits chimiques ont bien été utilisés, mais l'équipe d'enquêteurs n'a pas encore pu pénétrer à Douma, malgré des informations contraires par les médias syriens. Du gaz sarin à base d'isopropanol, banni par l'OIAC, aurait aussi été utilisé en avril 2017 à Khan Cheikhoun, dans le nord-ouest de la Syrie, faisant plus de 80 morts.        


(Lire aussi : L’OIAC à Douma : un pari perdu d’avance ?)


Enquête et procès
Le procès, qui doit commencer le mois prochain devant le tribunal correctionnel d'Anvers (nord de la Belgique), oppose les douanes belges à trois entreprises anversoises des secteurs de la chimie et des transports : A.A.E. Chemie Trading, qui fait du commerce de gros en produits chimiques; Annex Customs, un bureau d'affaires qui fournissait des services administratifs jusqu'à ce qu'il fasse faillite en 2017; et Danmar Logistics, une entreprise logistique. C'est après avoir été mise en cause dans cette affaire par une enquête menée par le magazine hebdomadaire belge Knack, en partenariat avec l'ONG allemande Syrian Archive, que les douanes se sont retournées contre les trois entreprises. 

Selon les douanes, citées par les médias belges, ces entreprises n'ont pas présenté les demandes d'autorisations pour l'exportation de grandes quantités de substances chimiques vers la Syrie et le Liban, des autorisations pourtant rendues obligatoires par l'OIAC depuis 2013. 
L'enquête de Knack, qui avait découvert le scandale après avoir constaté, dans la banque de données Comtrade des Nations-Unies sur les échanges commerciaux dans le monde entier, que la Belgique est le seul pays de l'UE à exporter de l'isopropanol en Syrie depuis 2013, relève 24 livraisons litigieuses de produits chimiques à destination de Damas et Beyrouth en deux ans et demi. 


Capture d'écran de la base de données Comtrade des Nations-Unies reprenant les quantités d'exports d'isopropanol et de propanol vers la Syrie pour la période 2013-2017. Source Bellingcat


Les entreprises incriminées ont assuré ignorer que la réglementation portant sur certains produits exportés avait changé en 2013 et déclaré avoir fait commerce avec des firmes privées syriennes et libanaises qui produisent notamment des peintures, des vernis et des liquides de refroidissement. "Les clients syriens auxquels nous livrons nos produits depuis plus de dix ans n’ont pas de lien avec le régime", a affirmé la direction de l'entreprise A.A.E. Chemie au Knack. Elle ajoute que "la Douane était parfaitement au courant des exportations et tous les documents étaient en ordre". 
"On ne nous a jamais fait la moindre remarque ni refusé la moindre exportation. Après le scanning et les contrôles (de la douane), tous les conteneurs ont pu être exportés vers la Syrie", explique pour sa part un représentant d’Anex Customs. 


(Pour mémoire : Des entités basées au Liban démentent être liées au programme chimique syrien)


"Le gouvernement ferme les yeux"
Le ministre belge des Finances, Johan Van Overtveldt, qui s'occupe également des questions de douanes, s'est dit étonné de cette affaire, soulignant que les entreprises incriminées "ont des années d'expérience dans le secteur". Il a annoncé lors d'une interview sur Radio 1 que, lors d'une enquête interne, des "irrégularités" ont été constatées, sans donner plus de précisions.

Des députés d'opposition des partis écolo wallon (Ecolo) et flamand (Groen) ont déclaré mercredi, rapporte l'agence de presse Belga, que cette affaire "montre à quel point le gouvernement fédéral ferme les yeux sur les activités économiques de certaines entreprises en relation commerciale avec des pays en guerre ou instables politiquement". "Ce nouveau dossier d'exportations de produits chimiques vers la Syrie, un pays dirigé par un régime qui utilise des armes chimiques contre sa propre population, montre une nouvelle fois le manque de volonté du gouvernement Michel à faire primer la sécurité et les droits humains sur les enjeux économiques. C'est inadmissible", dénonce le député écolo Benoit Hellings.

Le cabinet du ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a pour sa part refusé de commenter cette affaire, invitant la presse à contacter la douane belge. 


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BIZARRE ! CONNIVENCE ?

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 28, le 20 avril 2018

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Commentaires (5)

  • BIZARRE ! CONNIVENCE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 28, le 20 avril 2018

  • Le "dieu-dollar" est malheureusement tout-puissant au Liban et ailleurs dans le monde, et ce n'est plus une question d'appartenance religieuse ou communautaire ! Il efface les consciences, la morale, et surtout le patriotisme envers son propre pays, et permet de magnifier les criminels qui sont transformés en héros... Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 08, le 19 avril 2018

  • j'attend avec anxiete la reaction PUBLIQUE/OFFICIELLE de GB,notre ministre des AE

    Gaby SIOUFI

    14 h 01, le 19 avril 2018

  • Évidemment c'est des libanais chiites qui sont à l'origine de l'importation de ces produits hahahahaha....sinon le tableau serait incomplet hahahahahaha...

    FRIK-A-FRAK

    23 h 27, le 18 avril 2018

  • Qui soont les importateurs Libanais de ces produits chimiques belges???

    Bibette

    18 h 16, le 18 avril 2018

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