Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d'un discours télévisé retransmis en direct le 13 avril 2018. REUTERS/Aziz Taher
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé vendredi que le parti chiite ne voulait pas de guerre civile au Liban, à l'occasion du 43e anniversaire du début de la guerre de 1975-1990. Le leader chiite a en outre abordé les récents développements en Syrie, adressant des mises en garde contre le président américain Donald Trump et affirmant qu'Israël est désormais en "confrontation directe" avec l'Iran.
"Aujourd’hui, en commémorant le 13 avril 1975, il ne faut pas prêter oreille aux projets qui veulent la guerre civile au Liban. Ces projets étaient sur la table en 2006" lors de la guerre de juillet avec Israël, a prévenu Hassan Nasrallah, lors d'un discours télévisé retransmis en direct à l'occasion d'un meeting électoral dans la banlieue-sud de Beyrouth, alors que les élections législatives, les premières depuis 2009, sont prévues le 6 mai.
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Sabhane et la guerre civile
"Ce que Al-Sabhane (le ministre d’État saoudien pour les Affaires du Golfe Thamer Sabhane, ndlr) préparait pour le Liban, notamment en retenant en Arabie saoudite le Premier ministre Saad Hariri, c'était une guerre civile. Malheureusement, certains au Liban étaient prêts à souscrire à ce projet", a affirmé Hassan Nasrallah.
Une crise avait été déclenchée en novembre 2017 lorsque Saad Hariri avait annoncé sa démission depuis Riyad. L'Arabie saoudite avait alors été accusée d'avoir forcé M. Hariri à quitter ses fonctions et de l'avoir retenu contre son gré. L'affaire avait été dénouée à la suite d'une intervention de la France et M. Hariri avait finalement renoncé à démissionner.
"Nous ne voulons pas de guerre civile au Liban. Nous voulons la paix civile dans le pays. C’est comme cela que nous isolons le pays des conflits qui l’entourent", a martelé le leader chiite.
"Les voitures piégées qui explosaient dans la banlieue-sud de Beyrouth et les tentatives dans la capitale, ou les attentats dans la Békaa, sont le résultat des tentatives de ceux qui voulaient une guerre civile au Liban."
(Pour mémoire : Nasrallah reprend ses attaques contre l’Arabie saoudite)
Législatives à Beyrouth et Baabda
Le chef du Hezbollah a également abordé la question des élections législatives, en se concentrant sur les circonscriptions de Beyrouth II et Baabda.
"Notre liste à Beyrouth II a pour objectif de représenter notre assise populaire. La liste +l’Unité de Beyrouth+ ne veut pas monopoliser la décision de Beyrouth, comme le prétend le Courant du Futur", s'est défendu le chef du Hezbollah.
"Beyrouth est la capitale du Liban, elle accueille tous les Libanais, et de par sa composition populaire, elle est représentative du pays. Aucun parti ou groupe ou chef ne doit monopoliser la capitale et prétendre la représenter", a-t-il insisté.
"Oui, il y a une bataille pour l’identité de Beyrouth. On a dit qu’il s’agit d’une bataille pour l’identité arabe de la capitale, contre l’empire perse. Mais de quelle arabité parlez-vous ? Est-ce celle du suivisme envers les Etats-unis ? (…) Ou du silence face aux dizaines de morts en Palestine et à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale éternelle d’Israël par les Etats-Unis ?", s'est-il interrogé.
"D’aucuns ont dit il y a quelques jours aux Beyrouthins : «+Ne votez pas pour ceux qui ont détruit la Syrie et l’Irak+. Je suis d'accord avec cette affirmation. Mais qui est-ce qui a détruit l’Irak et la Syrie ? Qui a créé Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique) ? Est-ce ça l’arabité ?
L’une des premières responsabilités est de préserver le tissu populaire de Beyrouth. Personne ne doit adopter un discours sectaire qui incite à la discorde. La compétition doit se faire au service de la population", a poursuivi Hassan Nasrallah.
(Pour mémoire : Législatives : Nasrallah appelle ses alliés et amis à faire des concessions)
La liste "L’Unité de Beyrouth", soutenue par le parti chiite dans la circonscription électorale de Beyrouth II, est composée de : Adnane Traboulsi (sunnite), Amine Cherri (chiite, Hezbollah), Edgar Traboulsi (Protestant, Courant patriotique libre), Mohammad Baassiri (Sunnite), Mohammad Khawaja (chiite) et Omar Ghandour (sunnite).
Concernant Baabda, le leader chiite est revenu sur son alliance avec le Courant patriotique libre fondé par le président de la République, Michel Aoun, en évoquant les désaccords politiques avec cette formation.
"Aujourd’hui, en tant que Libanais, nous avons besoin de retrouvailles entre les partis politiques qui ne sont pas en désaccord sur les questions stratégiques, notamment entre le CPL, le mouvement Marada et le mouvement Amal. Après les élections, nous devons mettre de côté les divergences politiques", a plaidé Hassan Nasrallah.
"L’entente et l’alliance ne veut pas dire que nous sommes un seul parti. Nous ne le sommes pas, c’est pour cela que nous ne sommes pas d’accord sur tout et que nous ne prenons pas nos décisions en commun. Entre le CPL et le Hezbollah, nous pouvons diverger sur de nombreux dossiers", a expliqué Hassan Nasrallah.
La liste soutenue à Baabda par le Hezbollah s’appelle « L’entente nationale ». Elle est composée de : Alain Aoun (maronite, Courant patriotique libre), Ali Ammar (chiite, Hezbollah), Fadi Alamé (chiite, Mouvement Amal), Hekmat Dib (maronite, Courant patriotique libre), Naji Gharios (maronite, Courant patriotique libre) et Souhail Aouar (druze).(Lire aussi : Le Hezbollah entre la mobilisation des électeurs et la préparation d’une nouvelle étape)
"Confrontation directe avec l'Iran"
Hassan Nasrallah a réservé le dernier volet de son discours au conflit en Syrie, et aux tensions entre l'Iran et Israël, tout en rejetant les menaces américaines du président Donald Trump.
"Les dernières frappes israéliennes en Syrie avaient pour but de tuer. Viser délibérément des Gardes de la révolution iraniens en Syrie est quelque chose qui ne s’était pas produit depuis sept ans", a affirmé Hassan Nasrallah. "Je veux dire aux Israéliens, avec des mots que je pèse bien et que j’ai écrit avec précision : vous devez savoir qu’avec ces frappes flagrantes, vous avez commis une erreur historique et une grande bêtise, et vous vous êtes mis dans une confrontation directe avec l’Iran. L’Iran n’est pas un pays faible et peureux. Cet incident est une étape charnière. L’avant-frappe (israélienne) est différente de l’après-frappe".
Sept militaires iraniens ont été tués dans la frappe aérienne qui a visé dans la nuit de dimanche à lundi la base aérienne de Tiyas, ou T-4, située près de la ville de Homs, selon l'agence de presse iranienne Tasnim.
Le gouvernement syrien et l'Iran accusent Israël d'être responsable de cette attaque. Israël n'a ni confirmé ni démenti.
(Lire aussi : Il n'y aura pas de guerre totale en Syrie, estime le n°2 du Hezbollah)
"Mise en scène à Douma"
Commentant les menaces du président Trump, Hassan Nasrallah a affirmé ne pas craindre la réaction américaine en Syrie.
Les Occidentaux qui continuent d'étudier leurs options militaires pour punir le régime syrien du président Bachar el-Assad qu'ils accusent d'avoir perpétré l'attaque chimique à Douma, en banlieue de Damas, sont soucieux d'éviter une escalade avec la Russie, qui brandit la menace d'une "guerre" en cas de frappes. Donald Trump a poursuivi jeudi soir les discussions avec ses alliés, semblant temporiser après avoir annoncé à plusieurs reprises en début de semaine des frappes contre le régime de Damas.
"Vous savez tous qu’il s’agit d’une mise en scène à Douma, lorsqu’on parle d’attaque chimique. Nous condamnons tous les attaques chimiques. Mais je veux vous assurer que ce qui s’est passé à Douma est une mise en scène. Il n’y a pas eu d’usage d’armes chimiques là-bas, selon nos informations", a assuré Hassan Nasrallah. "Pourquoi avoir recours à une telle attaque si la victoire était à portée de main là-bas ? Avec chaque grande victoire en Syrie, nous assistons à des mises en scène. Et c’est là que Trump a lancé ses messages sur Twitter en menaçant de bombarder, punir et faire payer un prix fort. Nous sommes en présence de l’arrogance des Etats-Unis".
"Les peuples de la région ont le droit de s’inquiéter tant que Trump est aux commandes. Nous ne comprenons rien au comportement de Trump. L’administration US elle-même ne sait probablement pas quelles décisions le président va prendre", a tonné le chef du parti chiite. "La semaine dernière, il voulait se retirer de Syrie, aujourd’hui, il menace de lancer une guerre contre la Syrie. (…) C’est un président en crise, colérique, et qui cherche à réaliser des bénéfices en termes péuniaires. Avec un tel président et une telle administration, vous pouvez vous attendre à tout."
"Ce qui se passe actuellement fait croire aux Américains que l’Iran, la résistance, la Syrie, ont peur. Je veux vous dire aujourd’hui, et tout le monde doit le savoir, les menaces de Trump n’effraient pas la résistance, ni l’Iran, ni la Syrie, ni tous les peuples résistants de la région. L’administration américaine doit savoir que sa guerre dans la région ne sera pas contre les régimes et les armées des pays de cette région, ce sera une guerre contre les populations de ces pays", a conclu Hassan Nasrallah.
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"Nous ne voulons pas de guerre civile au Liban". On n'est pas obligé de le croire sur parole, comme lorsqu'il avait, juste avant de déclencher la guerre avec Israël en 2006, annoncé que l'été serait calme. Ou encore, lorsqu'il avait déclaré que ses armes visaient exclusivement Israël, qu'elles ne seraient jamais dirigées contre des libanais, et ce, avant de lancer son opération contre Beyrouth-Ouest et d'autres régions, en 2008. Toutefois, comme une guerre, civile ou étrangère, ne peu être déclenchée que par lui, et qu'il semble qu'il ne soit pas dans son intérêt de le faire actuellement, nous pouvons, pour quelque temps au moins,dormir sur nos deux oreilles.
07 h 06, le 14 avril 2018