Dans une campagne électorale terne, axée en grande partie sur des questions personnelles et secondaires, sans véritables titres politiques, le programme présenté par le secrétaire général du Hezbollah fait la différence. Dans un long discours prononcé mercredi soir, Hassan Nasrallah a annoncé un programme en 34 points qui a surpris les milieux politiques et diplomatiques. En effet, le plus souvent, dans les discours du leader chiite et même dans ceux des membres du bloc parlementaire de la résistance, les thèmes internes n’occupent pas généralement une grande place. Même à partir de 2005, lorsque le Hezbollah a décidé de participer aux gouvernements successifs et de s’impliquer un peu plus dans la politique intérieure libanaise, il a préféré garder son aura de mouvement de résistance et donner la priorité aux questions régionales, internationales, et au conflit avec Israël.
Le discours prononcé mercredi montre, pour la première fois, un véritable intérêt de la part du Hezbollah aux questions internes. Il montre aussi, par sa précision, sa globalité et le fait qu’il ne s’est pas contenté d’énumérer des titres, proposant au contraire des mesures concrètes, que, tout en ne s’impliquant pas dans les dossiers locaux, le parti chiite les suit attentivement.
La question qui se pose est toutefois la suivante : pourquoi le Hezbollah et son chef, en personne, ont-ils choisi maintenant de proposer un plan global pour renforcer les institutions de l’État dans toute leur diversité (de la justice aux services de sécurité et à l’armée, en passant par l’éducation et surtout la lutte contre la corruption) ? Pour de simples raisons électorales ? Parce qu’ils sentent que leur base populaire en a un peu assez des questions stratégiques alors que son quotidien est truffé de problèmes sociaux et économiques ? Ou encore parce que le Hezbollah veut désormais s’impliquer davantage dans la politique intérieure, en accentuant son côté libanais au détriment de sa dimension régionale ? À moins qu’il ne s’agisse plus simplement d’une volonté de montrer à son allié le CPL, qui lui a adressé récemment des reproches précis, qu’il est prêt à s’impliquer dans les dossiers locaux...
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On se souvient, en effet, qu’il y a moins d’un mois, dans un entretien accordé au mensuel Magazine, le ministre des Affaires étrangères et chef du CPL Gebran Bassil avait critiqué ouvertement le Hezbollah en précisant que les tentatives du CPL d’édifier un État se heurtent d’une façon ou d’une autre à l’attitude du Hezbollah. À cette époque-là, le ministre Bassil, qui était en conflit ouvert avec le président de la Chambre Nabih Berry et son camp sur plus d’un dossier, dont celui des réformes électorales, reprochait au Hezbollah de couvrir ce dernier, en donnant constamment la priorité à l’unité de la communauté chiite. Il avait même déclaré dans cet entretien que le document d’entente signé entre le CPL et le Hezbollah le 6 février 2006 comportait un point sur l’édification de l’État, sous-entendant ainsi que le Hezbollah ne serait pas en train d’en tenir compte. Et à ceux qui lui ont reproché d’évoquer ce point dans une période aussi délicate, Gebran Bassil avait rétorqué qu’on ne peut pas non plus, sous le couvert de l’unité, paralyser toutes les initiatives de réforme.
C’est dans ce contexte que le secrétaire général du Hezbollah a présenté le programme électoral des candidats du parti. À travers ce programme électoral, Hassan Nasrallah a été plus loin que toutes les autres parties, affirmant son intention de créer une cellule spéciale pour lutter contre la corruption et annonçant son intention de prendre personnellement en charge ce dossier. Cette décision et le fait de soulever cette question en particulier sont-ils liés aux critiques du ministre Bassil ? Des milieux proches du parti chiite confirment le fait qu’une rencontre a eu lieu entre Hassan Nasrallah et le chef du CPL la semaine dernière, au cours de laquelle le dossier électoral a été évoqué ainsi que la décision du Hezbollah de faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille pour la prochaine étape.
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En même temps, les sources proches du Hezbollah affirment aussi que l’une des raisons de la volonté du parti d’annoncer un programme de réformes administratives et économiques est la situation financière grave dans laquelle se trouve le Liban. Le Hezbollah est conscient du fait que l’État est au bord de la faillite financière et il craint que certaines parties ne lui en fassent assumer la responsabilité, en prétextant que les sanctions économiques imposées par les États-Unis touchent l’ensemble du pays. Il a donc pris les devants, en se proposant de lutter concrètement contre la corruption pour montrer que les causes de la situation économique catastrophique sont plus à rechercher dans la dilapidation et la mauvaise gestion des fonds publics. De même, le Hezbollah veut agir efficacement pour éviter de jeter le Liban dans les bras de la communauté internationale qui n’offre pas son aide sans poser des conditions économiques. Justement, les nouveaux crédits escomptés à travers les conférences internationales de Paris (Cedre) et de Bruxelles (sur les réfugiés syriens) pourraient augmenter encore la dépendance de l’État libanais à l’égard des instances internationales. Ce qui pourrait avoir des répercussions sur le Hezbollah, puisqu’une des raisons des pressions économiques et financières internationales sur le Liban vise à le pousser à affaiblir l’influence de ce parti. Enfin, à travers son programme électoral, Hassan Nasrallah a voulu aussi montrer qu’il a entendu les plaintes de ses partisans qui subissent le contrecoup de l’inefficacité des institutions publiques, qu’il s’agisse du courant électrique distribué au compte-gouttes ou de la pollution du Litani, ou encore de l’absence d’offres d’emploi, etc.
Pour toutes ces raisons, il a donc décidé de présenter aux électeurs un programme musclé, global et cohérent de réformes économiques et institutionnelles, annonçant en quelque sorte que les députés de son bloc parlementaire devront se consacrer à l’exécuter. Mais, les milieux proches du Hezbollah s’empressent d’ajouter que ce souci interne ne le détourne pas de ses objectifs stratégiques.
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Question à notre ami HN: expliquez-nous comment votre mini-État du Sud et de la Békaa arrive à survivre économiquement, sans aucune industrie, ni tourisme, un peu d’agriculture, sanctions économiques majeures et j’en passe... Vous me direz argent des émigrés et transferts du Golfe: tellement filtrés et limités! Argent de l’Iran! Oui, pour financer la machine de guerre et autres programmes, donc dépendance Supra-nationaliste majeure... Et alors, c’est d’où que viennent le reste de vos ressources? trafiquants de drogues notables, contrebande de tous produits via les ports de Beyrouth et du Sud, accaparement des 2/3 des postes de l’état par des employés qui ne foutent rien et à la corruption légendaire, piratage et non-paiement de l’électricité par le mini-État etc... Alors, de grâce, Mme. Haddad , épargnez-nous les petites leçons de morale de lutte contre la corruption du Hezbollah car, qui se sent morveux se mouche!
16 h 19, le 24 mars 2018