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Moyen Orient et Monde - Minorités

Chrétiens de la bande de Gaza : les oubliés du conflit

Les autorités israéliennes auraient refusé à la plupart des chrétiens gazaouis la délivrance de permis pour accéder aux cérémonies pascales à Jérusalem. La petite communauté est très marginalisée et se réduit d’année en année... jusqu’à disparaître ?

Dans le salon de la famille Massad à Gaza.

Dans le salon coquet d’un appartement du centre-ville de Gaza, Nabil et Abeer Massad s’écharpent. Le couple, marié depuis 1993, ne parvient pas à se mettre d’accord sur le juste mot pour définir la situation de leur petite communauté chrétienne de Gaza. Abeer, silhouette nerveuse et regard espiègle derrière ses lunettes, est pessimiste : « Notre liberté est très limitée, comme tout le monde à Gaza, mais nous peut-être plus, car nous sommes si peu nombreux ! » Nabil fronce ses sourcils broussailleux poivre et sel avant de rembarrer sa femme d’un cinglant « mais pas du tout ! » à chaque assertion. Pour lui, l’isolement des chrétiens de Gaza est une chance, personne ne se mêle de leurs affaires.

Au-delà des querelles, quelques chiffres permettent de faire un état des lieux : il n’y aurait plus que 1 100 chrétiens dans l’enclave, alors que les registres des paroisses, dix ans auparavant, comptaient plus de 3 000 fidèles. La population de la bande de Gaza ne cessant d’augmenter, pour atteindre plus de 2 millions d’habitants sur 365 kilomètres carrés, la petite famille chrétienne locale, et sa disparition, passent inaperçues. Comme les autres Gazaouis, la plupart des chrétiens veulent fuir un quotidien particulièrement difficile sur un territoire sous blocus égyptien et israélien, et où plus des deux tiers des habitants sont dépendants de l’aide humanitaire pour leur survie quotidienne.

Cette marginalisation est d’autant plus tragique que la chrétienté a un ancrage très ancien dans la bande de Gaza. « En grandissant à Gaza, je ne me suis jamais senti appartenir à une minorité en voie de disparition : nous étions un élément de la société gazaouie », se souvient Nabil Massad. « Aujourd’hui nous continuons à célébrer toutes les fêtes et nous avons toujours des églises très anciennes et très précieuses pour nous, mais comme nous ne sommes plus très nombreux, nous n’avons plus le même sentiment d’être une véritable communauté. » 

De fait, la bande de Gaza compte plusieurs lieux de culte chrétiens, et au printemps 2016, des travaux avaient même permis de mettre au jour les vestiges d’une église du VIIe siècle, malheureusement très endommagés par la poursuite des travaux sur le terrain.


« Des dizaines de fractures... »

La fille Massad, Janet, 23 ans, est inquiète : « Nous sommes de moins en moins visibles : comme nous sommes peu nombreux, personne ne nous entend. » Récemment, alors qu’elle se promenait sur le port de Gaza avec des amies, toutes tête nue, d’autres jeunes les ont interpellées en les prenant pour des étrangères : « Je n’étais pas fâchée, mais ça m’a fait bizarre de devoir expliquer que je suis simplement une chrétienne de Gaza ! » 

Sa mère note aussi la disparition des symboles chrétiens dans la bande de Gaza : « Je me souviens très bien avoir emmené mes enfants voir l’arbre de Noël à Gaza, et même du soutien de Yasser Arafat en personne pendant les fêtes de fin d’année à Gaza. 

Aujourd’hui toutes nos décorations de Noël sont chez nous, et je n’ai pas croisé un type déguisé en père Noël depuis des années ! » Elle regrette le temps où la communauté chrétienne de Gaza était soudée : « Aujourd’hui, on rase les murs parce qu’on se sent différents.

Depuis le début du siège, c’est même pire, avec la division politique palestinienne (NDLR : en juin 2007, à l’issue d’une guerre fratricide, le mouvement islamiste du Hamas prend le pouvoir dans la bande de Gaza et reste depuis lors séparé de l’Autorité palestinienne, siégeant à Ramallah), c’est comme si des dizaines de fractures avaient émergé entre les Palestiniens, avec des oppositions qu’on n’avait jamais senties auparavant. » Et de raconter que sa famille avait l’habitude de partager des repas avec ses voisins musulmans, mais que peu à peu elle a vu la porte d’en face rester close. 

La famille Massad refuse de parler de la conversion de certains chrétiens de Gaza à l’islam. Le phénomène est minoritaire et pour eux : « Qu’ils partent du territoire ou de l’Église, ça revient au même : ils ne sont plus là pour nous », assènent-ils.

De l’avis de tous, la coexistence entre chrétiens et musulmans est néanmoins sereine, comme l’illustre l’importante scolarisation d’enfants musulmans dans les écoles chrétiennes de Gaza. Il y a certes eu quelques attaques sur des chrétiens – notamment une explosion dans une église en 2014, revendiquée par un groupe liée à l’organisation État islamique, mais le mouvement islamiste du Hamas les a toujours condamnées. Le chef du Hamas lui-même, Ismaïl Haniyé, n’hésite pas à saluer l’implication des chrétiens de Gaza dans la résistance palestinienne à l’occupation israélienne dans ces discours. En décembre, lors de la commémoration des 30 ans de la création de son mouvement, il remerciait la communauté pour son soutien à la défense de Jérusalem, tandis que l’archevêque grec-orthodoxe Alexios de Gaza l’écoutait depuis les premiers rangs de l’assemblée.



Nouvelles restrictions

Même blocus, même division palestinienne, même misère… Les chrétiens de Gaza partagent le destin de tous les Gazaouis. Dernière preuve en date : le patriarcat latin de Jérusalem a affirmé avoir demandé aux autorités israéliennes environ 600 permis pour que les chrétiens de Gaza puissent accéder aux lieux saints de Jérusalem pour les fêtes de Pâques ; mais ces dernières ont mis en place de nouvelles restrictions : seules les personnes de plus de 55 ans ou de moins de 16 ans pouvaient demander un permis. Aussi, la plupart des fidèles de la bande de Gaza ont renoncé à chercher à se rendre au Saint-Sépulcre.

Auteur de Chrétiens de Gaza, Christophe Oberlin a documenté la vie de cette communauté discrète et qu’il juge « riche et méconnue ». Selon le médecin et professeur d’université, « des histoires de mariages mixtes, à la représentation politique, en passant par la richesse des différentes églises : les chrétiens de Gaza sont à l’opposé de ce que beaucoup imaginent : bien loin d’être attaqués, ils sont protégés, mais restent vacillants, simplement parce qu’ils vivent à Gaza ! »

Dans le salon coquet d’un appartement du centre-ville de Gaza, Nabil et Abeer Massad s’écharpent. Le couple, marié depuis 1993, ne parvient pas à se mettre d’accord sur le juste mot pour définir la situation de leur petite communauté chrétienne de Gaza. Abeer, silhouette nerveuse et regard espiègle derrière ses lunettes, est pessimiste : « Notre liberté est très limitée, comme...

commentaires (3)

Ça se serait su , en tout cas . Au Liban les chiites n'ont pas permis qu'on leur vole leur pays . Le coup de pied au cul en 2000 et 2006 est mémorable.

FRIK-A-FRAK

13 h 34, le 06 avril 2018

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Commentaires (3)

  • Ça se serait su , en tout cas . Au Liban les chiites n'ont pas permis qu'on leur vole leur pays . Le coup de pied au cul en 2000 et 2006 est mémorable.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 34, le 06 avril 2018

  • LES CHRETIENS, COMME LES SUNNITES ET LES CHIITES, ONT MALHEUREUSEMENT ABANDONNE LEURS CORELIGIONNAIRES DE PALESTINE

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 53, le 06 avril 2018

  • Que ne dis je pas depuis que j'interviens dans L'OLJ. Abandonné de leurs sponsors occidentaux avant tout . Pardon vendus par eux . Comme le sont les sunnites . Dieu merci , Il n'existe pas de chiite palestinien, SINON ILS AURAIENT CONDUIT LA RÉSISTANCE COMME LE FAIT LE HEZB LIBANAIS AU LIBAN ... .NON .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 31, le 06 avril 2018

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