Israël poursuivait jeudi la construction d'un mur en béton dans une zone frontalière contestée avec le Liban, alors que sur le plan diplomatique, les tentatives de désescalade se poursuivaient.
Selon l'Agence nationale d'information, les travaux israéliens s'effectuaient aujourd'hui en face de Ras al-Naqoura et sur le littoral face à la zone contestée. Les militaires libanais et israéliens dans la zone étaient en état d'alerte de part et d'autre, alors que les soldats de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) surveillaient les développements, d'après l'agence. Mercredi en soirée, le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, avait déjà annoncé qu'Israël "a débuté des travaux au sud de la Ligne bleue". "Nous suivons ce qui se passe et nous sommes en contact avec les deux parties de part et d'autre de la frontière et nous tenons à résoudre cette question et prévenir toute tension ou escalade", avait indiqué le responsable onusien.
Parallèlement, le secrétaire d’Etat adjoint américain par intérim aux Affaires proche-orientales, David Satterfield, qui se trouve depuis mardi à Beyrouth, a tenté de rassurer les autorités libanaises sur le projet israélien de construire ce mur, selon une source gouvernementale libanaise citée par l'agence Reuters. David Satterfield mène depuis plusieurs jours une médiation entre Israël et le Liban, qui, outre sur le dossier du mur frontalier, s'opposent sur l'exploitation d'un gisement de gaz naturel en Méditerranée orientale. "Il (Satterfield) a eu des entretiens à propos du mur (frontalier) avec Israël. Il a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter ni de craindre une escalade", a dit à Reuters un responsable du gouvernement libanais. "Il a assuré aux Libanais qu'Israël ne voulait pas une escalade."
Un responsable israélien, qui a également requis l'anonymat, a précisé que David Satterfield "relayait des messages" aux autorités libanaises à propos des sujets de désaccord entre les deux pays. Ce responsable israélien a ajouté que deux pays européens étaient également engagés dans cette médiation.
"Couper court aux convoitises israéliennes"
Jeudi, le responsable américain a été reçu par le président libanais, Michel Aoun, à qui il a présenté différentes propositions de résolution du litige, permettant de protéger la stabilité et le calme dans la région frontalière. Il a en outre assuré au président libanais que les Etats-Unis continueront de soutenir le Liban, notamment en ce qui concerne le développement de l'armée et des forces de sécurité.
Le chef de l'Etat a de son côté clarifié la position du Liban par rapport à la construction du mur frontalier, telle qu'il l'avait déjà exprimée lors du Conseil des ministres qui a eu lieu plus tôt dans la journée. "Nous poursuivons nos contacts afin de couper court aux convoitises israéliennes sur le territoire et les eaux (libanais), et nous ferons face à toute agression", avait alors affirmé M. Aoun.
Plus tôt dans la journée, M. Satterfield et le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, s'étaient rendus au siège de la Finul à Naqoura, où une réunion s'est tenue avec le chef de la force onusienne, le général Michael Beary, durant laquelle les derniers développements ont été abordés. MM. Satterfield et Ibrahim ont également effectué une visite de terrain afin d'inspecter la zone en face de laquelle les travaux israéliens sont effectués. Lundi, les représentants des armées libanaise et israélienne avaient tenu, sous la houlette de la Finul, une réunion tripartite mensuelle à Nakoura pour évoquer ce dossier. M. Satterfield a également abordé le dossier avec le commandant en chef de l'armée Joseph Aoun.
Les autorités libanaises ont exprimé à plusieurs reprises leur opposition aux travaux israéliens et estimé que 13 points litigieux, sur lesquels Israël compte édifier ce mur, se trouvent en territoire libanais. Les 13 points frontaliers sont historiquement revendiqués par le Liban. La délimitation de la frontière entre le Liban et la Palestine avait été effectuée par le comité Paulet-Newcombe en 1923. L’État hébreu a déjà édifié un mur en 2012 au niveau du village de Kfar Kila.
Mercredi, le conseil supérieur de la défense avait dans ce cadre donné ses directives de contrer l'"agression" israélienne. "Ce mur, s'il est érigé, sera considéré comme étant une agression en territoire libanais et constituera une violation claire de la résolution 1701 du conseil de sécurité de l'ONU (mettant fin à la guerre de 2006, ndlr), avait indiqué le CSD à l'issue de sa réunion. Il a donc été décidé de continuer à agir au niveau régional et international pour préserver les droits du Liban".
Les tensions entre Israël et le Liban se sont également accrues depuis l'apparition d'un contentieux concernant l'exploitation d'un gisement de gaz offshore. Tel-Aviv insiste à revendiquer sa souveraineté territoriale sur le bloc 9 de la zone économique exclusive libanaise en Méditerranée, alors que le Liban vient de signer un accord avec un consortium mené par le géant français Total, et composé de l’italien ENI et du russe Novatek pour l’exploration d’hydrocarbures offshore, au niveau des blocs 4 (au centre) et 9 (au sud) de sa ZEE.
Dans ce contexte tendu, une source ministérielle a indiqué mercredi que le secrétaire d’Etat Rex Tillerson est attendu au Liban le 15 février dans le cadre d’une tournée englobant plusieurs pays de la région.
M. Tillerson est le premier haut responsable de l’administration Trump à visiter le Liban, ce qui tend à signifier que le Liban est redevenu un centre d’intérêt pour Washington, aux yeux des responsables.
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commentaires (7)
Bon sens populaire: Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées.
Christine KHALIL
22 h 50, le 08 février 2018