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Campus - RENCONTRE

Le but de Dina el-Maoula ? « Bâtir une université au service de la cohésion nationale »

Il y a beaucoup de fierté dans le regard de cette professeure de droit, présidente de l’Université islamique du Liban (IUL) depuis septembre 2016, lorsqu’elle revient sur son parcours, ses projets et son combat à la tête de cette université qu’elle considère déjà comme faisant partie de sa vie depuis longtemps.

La présidente de l’Université islamique du Liban (IUL), Dina el-Maoula.

Que retenez-vous de votre première année à la tête de l’Université islamique du Liban ?
Avant tout, un grand changement, que j’ai instauré depuis mon arrivée, tant au niveau de la gestion que du système d’enseignement. Malgré des succès indéniables depuis sa création il y a 20 ans, notre université se devait de renforcer son attractivité dans un monde universitaire de plus en plus concurrentiel. Clairement, la modernisation de notre offre académique et pédagogique, ainsi que la nécessité de promouvoir davantage encore l’ouverture d’esprit et les projets avant-gardistes étaient devenues inévitables. Aujourd’hui, les nouveaux doyens que je choisis doivent répondre à certains critères bien précis : avoir entre 35 et 50 ans maximum, et avoir suivi leurs études à l’étranger. Ils doivent également avoir déjà occupé des postes administratifs en plus de postes académiques, et posséder au moins deux langues étrangères. Idem pour les nouveaux professeurs que je recrute petit à petit et qui doivent obligatoirement posséder deux langues étrangères et être titulaires d’un doctorat.

Concernant le système d’enseignement, j’ai instauré le système LMD (licence, master, doctorat) dans toutes nos facultés, et exigé l’enseignement des langues étrangères tout au long des 5 années d’études avec une matière de mise à niveau linguistique obligatoire. J’ai également introduit des matières de spécialisation enseignées en français et en anglais dans nos facultés. Et aujourd’hui, grâce à l’appui sans faille de l’ambassade de France et de l’AUF, j’ai monté un consortium d’appui pédagogique réunissant 5 universités françaises, qui s’ajoute ainsi à la vingtaine d’accords-cadres et de partenariats conclus avec des universités arabes.

Quels sont les plus grands projets réalisés depuis votre nomination ?
Sur le plan académique, mon action a essentiellement porté sur trois axes : la recherche scientifique, l’assurance qualité et la professionnalisation de nos formations. C’est ainsi que nous mettons actuellement en place un Centre de l’innovation et de la culture entrepreneuriale, avec ces trois composantes : le département Job Fair, censé permettre aux étudiants de réaliser des stages au cours de leur parcours académique et leur donner une idée du monde du travail qui les attend ; le département relatif à l’insertion professionnelle, qui va les préparer à leur premier entretien d’embauche, mais également aux grands concours de la magistrature, du barreau, de la fonction publique ; et le département sur l’entrepreneuriat en tant que tel, avec un projet d’incubateur de start-up que nous pensons développer. Je tiens à préciser à cet égard que l’Université islamique est la seule université au Liban à avoir introduit dans ses programmes de licence au sein de toutes ses facultés une matière obligatoire sur l’entrepreneuriat. Parallèlement, le deuxième centre que j’ai également créé est un Centre de recherche scientifique avec ses deux entités : l’une concernant le domaine des sciences humaines et sociales, et l’autre toutes les sciences dures et appliquées.


(Pour mémoire : Dina el-Maoula, présidente de l’Université islamique du Liban, élue à la tête de la Confremo)



Quels sont les changements que vous aspirez encore à mettre en place ?
Au-delà du monde francophone, une ouverture à l’international en direction des continents américain et asiatique, ce qui va entraîner davantage de mobilité d’enseignants et d’étudiants, d’activités scientifiques communes, et de rattachements entre les laboratoires de recherche. Je travaille actuellement pour une codiplomation avec des universités de Londres, deux du Québec, et une avec Nice sur un diplôme de journalisme euro-méditerranéen. Dans quelques jours, je me rends aux Émirats arabes unis afin de conclure une convention de coopération académique avec la Abu Dhabi University. Dans les mois qui viennent, nous prévoyons également une conférence sur la conciliation des impératifs de sécurité, de protection de l’environnement et de politique énergétique, en collaboration avec l’ambassade de France et l’armée libanaise, ainsi qu’un colloque autour de la laïcité et du pluralisme religieux. Nous recevrons aussi le septième sommet international sur la cybersécurité, avec 250 intervenants étrangers en provenance de 70 pays. Parallèlement, nous prévoyons de créer un système préventif contre les attaques cybernétiques, le CERT, que nous développerons avec des universités partenaires en attendant de le faire à une échelle nationale.

Être femme à la tête d’une telle institution a-t-il entraîné une résistance ?
Je pense que si résistance il y a eu, celle-ci a été davantage sur l’ampleur du changement que sur la personne elle-même. Je suis arrivée avec ma réputation d’être une femme à la fois juste, conviviale et stricte au travail, et cela dans une université qui, au bout de 20 ans d’existence, était à la recherche d’un nouveau souffle. Grâce à l’adhésion du conseil d’université, du corps enseignant et du personnel administratif, j’ai entrepris une réforme en profondeur tant sur le plan institutionnel que sur le plan comportemental. Cela s’est notamment traduit par l’adoption de nouveaux statuts et règlements intérieurs que je tente d’appliquer rigoureusement depuis le début de mon mandat, tout en utilisant beaucoup de diplomatie et de respect envers les équipes académiques et administratives que j’ai tenues à garder à mon arrivée. Dès les premiers jours au sein de l’université, j’ai insisté sur le fait que je voulais travailler en concertation avec eux, car ils connaissaient mieux que moi l’université, autour de valeurs communes essentielles, à savoir la responsabilité, l’intégrité et la transparence. Pour conclure sur ce point, je crois sincèrement que si c’était un homme, il aurait connu beaucoup plus de résistance.

Ce que vous souhaiteriez voir changer dans les années à venir ?
L’image de notre université. L’IUL est composée de 4 campus, 9 facultés, 45 spécialisations et plus de 5 000 étudiants, toutes religions et confessions confondues. Aujourd’hui, les gens ne font plus de différence entre islamiste et islamique, et nous en payons parfois le prix. C’est probablement le message qu’ont voulu transmettre le président Nabih Berry et l’imam Abdel Amir Kabalan en choisissant une femme, moderne et francophone, et reconnue de surcroît pour son action contre toute forme de radicalisme. Je suis fière d’avoir été choisie pour véhiculer les valeurs essentielles prônées par le fondateur de cette université, l’imam Moussa Sadr, à savoir l’abnégation, l’ouverture d’esprit et la tolérance.


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