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Liban - Promotion de 1994

Le veto de Berry aux réformes électorales, une réaction à l’avis de la justice ?

Aïn el-Tiné accuse à nouveau Baabda d’empiéter sur les prérogatives du Parlement.

Michel Aoun prenant la parole, hier, au couvent des pères antonins à Baabda. Photo Dalati et Nohra

En présentant une requête au département de la législation et des consultations près le ministère de la Justice, le ministre Salim Jreissati pensait pouvoir trancher la querelle opposant le président de la République Michel Aoun au chef du législatif Nabih Berry, au sujet du décret accordant une année d’ancienneté aux officiers de la promotion 1994 de l’École militaire. Selon un avis rendu récemment par cette instance, le ministre des Finances n’a pas qualité à signer ledit décret aux côtés du président de la République et du Premier ministre. Elle aurait ainsi donné gain de cause au chef de l’État.

Sauf qu’en dépit de cet avis, MM. Aoun et Berry campent sur leurs positions traditionnelles concernant le décret, même si cela suscite des craintes quant au bon fonctionnement des institutions, dont notamment le gouvernement Hariri.

S’exprimant hier devant le corps consulaire, Michel Aoun a renvoyé de nouveau la balle dans le camp du pouvoir judiciaire. « C’est à la justice de trancher tout malentendu qui s’articule autour de l’interprétation des textes de loi », a déclaré le président de la République, se disant étonné de voir cette polémique prendre un tournant négatif. « Nous présentons au peuple libanais l’exemple le plus noble, pour prouver que nos institutions judiciaires sont désormais immunisées. Elles émettent des jugements et expliquent les textes de loi à tout le monde, à commencer par la première magistrature de l’État », a encore dit M. Aoun.


(Pour mémoire : Promotion 1994 : la querelle s’envenime entre les lieutenants de Aoun et de Berry)


Se voulant encore plus clair lors de la célébration de la Saint-Antoine à Baabda, M. Aoun a déclaré : « Nous sommes arrivés à un point où l’on commence à porter atteinte à notre autorité et cela est inadmissible. »

Le président de la République répondait ainsi à Nabih Berry qui avait estimé mardi que l’avis rendu par le département de la législation et des consultations était une « demande taillée sur mesure ».
Mais dans les milieux proches du chef de l’État, on assure qu’il n’aura pas recours à l’escalade face au chef du législatif. Loin de là. « Il ne fait que réitérer sa position connue de tout le monde et qui n’a pas besoin d’être expliquée et interprétée », souligne un proche de Baabda à L’Orient-Le Jour.
Alain Aoun, député CPL de Baabda, va plus loin. Contacté par L’OLJ, il ne cache pas ses craintes quant à des retombées négatives de la querelle entre Baabda et Aïn el-Tiné sur la productivité du gouvernement. Faisant état d’un immobilisme à ce sujet, M. Aoun déclare sans détour : « Pas de solution à l’horizon. » Cela fait dire à certains observateurs politiques que le CPL semble déterminé à ne pas alimenter la polémique qui l’oppose à Nabih Berry. D’autant que selon Nabil Nicolas, député CPL du Metn, « l’avis rendu par l’instance judiciaire a tranché la question une fois pour toutes ».


(Lire aussi : L'enjeu caché de la bataille du décret d'ancienneté)


Mais dans les milieux de Aïn el-Tiné, tout prête à croire que Nabih Berry s’apprête à lancer une nouvelle phase d’escalade politique face à Michel Aoun. C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrivent des propos tenus hier par Kassem Hachem, membre du bloc parlementaire du président de la Chambre. Dans une déclaration radiodiffusée, M. Hachem a souligné que « l’avis du département de la législation au sein du ministère de la Justice n’aura aucune influence », indiquant que l’interprétation de la Constitution relève de la compétence du Parlement uniquement.

Des sources proches de Nabih Berry, quant à elles, expliquent à L’OLJ que « le ministre de la Justice a eu recours à des gens qui n’ont pas qualité pour interpréter la Constitution. D’autant qu’une telle démarche est proche d’un amendement du texte constitutionnel, qui relève de la compétence de la Chambre ». Expliquant cette prise de position, on ajoute de même source : « Nous ne voulons que l’article 54 de la Constitution. Mais M. Jreissati a recouru à une instance juridique pour interpréter le texte au lieu de l’appliquer. » Le proche de M. Berry aurait ainsi accusé, une nouvelle fois, le camp Aoun d’empiéter sur les prérogatives du Parlement.


(Lire aussi  : Le décret d'ancienneté pose le problème de l'application de Taëf...)



Les réformes électorales
Outre l’escalade verbale, certains milieux politiques n’écartent pas une possible réaction berryiste à la démarche de Salim Jreissati au sein des institutions. Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a d’ailleurs clairement fait savoir, dans une déclaration à la MTV, qu’un éventuel amendement de la loi électorale ne passera pas en Conseil des ministres (prévu ce matin). D’autant que c’est le ministre des Affaires étrangères et chef du CPL, Gebran Bassil, qui avait présenté une proposition pour prolonger le délai d’enregistrement des émigrés pour prendre part aux législatives.


(Lire aussi : Le casse-tête des alliances électorales... par Scarlett Haddad)


À l’heure où M. Khalil a indiqué que les ministres du 8 Mars s’opposeront à toute modification du code électoral, dans la mesure où cela paverait la voie à un chantier de réformes qui risquerait de torpiller le scrutin, le ministre de l’Éducation Marwan Hamadé (joumblattiste) a invité M. Bassil à « cesser de sortir des lapins de son chapeau ». « La loi est déjà assez compliquée », rappelle-t-il à L’OLJ, stigmatisant par ailleurs la démarche de Salim Jreissati.

De même, un cadre FL interrogé par L’OLJ note que son parti n’est pas favorable aux réformes électorales, faute de temps. « Une telle démarche requiert une longue procédure qui ne pourrait être achevée avant la convocation du collège électoral », précise-t-il.
Si ce tableau suscite de sérieuses craintes quant à la pérennité et « l’immunité » du cabinet Hariri, les proches de Michel Aoun sont confiants que nul n’a intérêt à torpiller le gouvernement à l’heure actuelle, en dépit des secousses qu’il pourrait subir.


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commentaires (8)

Mais personne ne semble réaliser le cynisme et les dessous de cette mascarade! Nul ne semble étonné du silence absolu du Hezbollah qui ne veut même pas jouer au médiateur entre ses deux alliés. Il est clair qu’on ne veut pas redonner au Président Chrétien toutes ses prérogatives de l’avant-Taëf côté chiite pour le garder complètement sous leur coupe et le manipuler à leur guise. Ce que les gens du CPL n’ont pas encore compris, depuis leur alliance funeste de Mar Mikhaïl: ils vont le payer cher s’ils ne se ressaisissent pas avant qu’il ne soit trop tard pour tous les chrétiens!

Saliba Nouhad

15 h 20, le 18 janvier 2018

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Commentaires (8)

  • Mais personne ne semble réaliser le cynisme et les dessous de cette mascarade! Nul ne semble étonné du silence absolu du Hezbollah qui ne veut même pas jouer au médiateur entre ses deux alliés. Il est clair qu’on ne veut pas redonner au Président Chrétien toutes ses prérogatives de l’avant-Taëf côté chiite pour le garder complètement sous leur coupe et le manipuler à leur guise. Ce que les gens du CPL n’ont pas encore compris, depuis leur alliance funeste de Mar Mikhaïl: ils vont le payer cher s’ils ne se ressaisissent pas avant qu’il ne soit trop tard pour tous les chrétiens!

    Saliba Nouhad

    15 h 20, le 18 janvier 2018

  • Celui que fait obstruction aux prochaines législatives n'est pas celui à qui vous pensez mais c'est le controversé ministre des Affaires étrangères. Chaque jour il ajoutera un nouveau bâton dans les roues de la procédure, jusqu'à aboutir l'ajournement sine die... Il est heureux là où il est, il noue et dénoue !

    Annie

    14 h 26, le 18 janvier 2018

  • " Vous ne pouvez pas serrer la main à un poing fermé. " Indira Gandhi

    FAKHOURI

    11 h 28, le 18 janvier 2018

  • Ici C'est Berry qui a tort. Dans aucune démocratie au monde le parlement explique ou interprète la constitution mais il y a un corps constitutionnel qui est en charge et qui relève du ministère de la Justice. L'article 54 de la constitution est clair stipulant que le décret présidentiel doit être contresigne par le premier ministre et le ou les ministres concernés. Si il n'y a pas d'effets financiers associés a ce décret, il n'y a donc pas de raison pour que le ministre des finances y soit mêlé et Aoun a raison. Dans le cas contraire, il aurait tort. Ce qui semble ne pas être le cas sinon il est certain que Berry n'aurait pas cherché a négocier l'acceptation du décret de la manière qu'il l'a fait. En attendant Aoun paie aujourd'hui le prix de sa trahison du 14 Mars et après la trahison de 1989-90, d’après les statistiques, les pendules vont se remettre a l'heure avec les nouvelles élections.

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 04, le 18 janvier 2018

  • Et le Conseil Constitutionnel? Pourquoi ce silence à son sujet????

    Beauchard Jacques

    11 h 02, le 18 janvier 2018

  • Mais bon sang pourquoi les libanais résidents à l étranger n ont ils pas respectés les délais d enregistrement sur liste électorale auprès des Ambassades et Consulats pour voter à partir de leur lieu de résidences ?!! La plupart ayant perdu leur temps à passer aux cribles le pourquoi et le comment arrosé de leurs critiques soit disant “Constructives” et la peur du piège .... Franchement s ils avaient fait confiance ils auraient tant épargne aujourd hui au Ministre des Affaires Étrangères le combat qu il mène afin de proroger la période d enregistrement pour que ces dames et messieurs réalisent leur devoir de citoyen en temps voulu .....

    Menassa Antoine

    10 h 48, le 18 janvier 2018

  • Monsieur Michel Aoun, quand vous avez été élu Président de la République Libanaise, vous aviez passé 80 ans, donc une grande expérience de la vie et connaissance de notre pays. Et quand vous avez accepté le parrainage du Hezbollah et de ses alliés chiites pour assurer votre élection à la tête de l'Etat Libanais, vous ne pouviez ignorer que ces gens n'agissent que sur ordres de leur commanditaire, l'Iran, sans tenir compte des intérêts du Liban. Et maintenant nous constatons chaque jour qu'ils sapent votre autorité de Chef de l'Etat Libanais dans tous les domaines... Le Liban tout entier, dirigeants et peuple, est devenu l'otage de ce parti, le Hezbollah iranien ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 12, le 18 janvier 2018

  • C,EST QUE LA LOI ESTROPIEE DES LEGISLATIVES NON LIBRES ET DEMOCRATIQUES SIED AUX DEUX FORMATIONS ARMEES D,UNE SEULE COMMUNAUTE !

    LA LIBRE EXPRESSION-LA PATRIE EN DANGER

    10 h 08, le 18 janvier 2018

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