La classe politique est entrée en mode électoral et désormais, tout ce qui se passe sur la scène libanaise est lié aux prochaines législatives prévues le 6 mai. C’est en tout cas l’avis d’un politicien chevronné qui possède à son actif plusieurs batailles électorales, certaines gagnées, d’autres perdues. Pour ce politicien, les prochaines élections ne ressembleront toutefois pas aux autres, celles d’avant et celles d’après Taëf, tant les données et le contexte sont nouveaux pour le pays.
Selon lui, on peut critiquer la nouvelle loi électorale, mais elle a un avantage incontesté, celui de produire des élections qui ne sont pas jouées d’avance. Car depuis les élections de 1992, le Liban n’a connu que des législatives aux résultats pratiquement connus d’avance, puisque la bataille ne portait finalement que sur quelques sièges, notamment dans les circonscriptions ayant un électorat à majorité chrétien. C’était évidemment dû à une double combinaison entre le mode de scrutin majoritaire et le découpage des circonscriptions qui favorisait le système dit des rouleaux compresseurs, lequel était bâti sur des listes privilégiées conçues par les forces politiques omniprésentes qui étaient sûres de l’emporter grâce au mode de scrutin majoritaire.
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L’enjeu électoral se limitait en quelque sorte, pour les candidats, à leur capacité à intégrer une de ces listes. Le suspense résidait surtout dans la liberté pour l’électeur d’utiliser à profusion l’outil du panachage qui lui permettait en quelque sorte de former sa propre liste.
Dans les prochaines législatives, le système a été totalement modifié avec l’adoption du mode de scrutin proportionnel, l’élimination du panachage et l’obligation pour l’électeur de choisir « son candidat préféré », au sein de la liste pour laquelle il compte voter.
Même si la loi adoptée comporte des lacunes et si elle n’est pas totalement à la hauteur des espoirs des électeurs rêvant d’une véritable démocratie, les prochaines législatives devraient quand même assurer une meilleure représentativité de la société libanaise au sein du Parlement. D’abord à cause du mode de scrutin proportionnel, et ensuite à cause de l’impossibilité de faire élire un député grâce à de larges alliances. Pour être plus précis, si les alliances politiques peuvent permettre à une liste d’avoir un pourcentage important de voix, il y aura malgré tout une course au sein de chaque liste pour l’obtention du plus grand nombre de voix préférentielles.
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On parle par exemple d’une alliance entre les Kataëb et les Forces libanaises au Metn, face à une liste formée d’une coalition entre le Courant patriotique libre et le parti Tachnag. Quant au choix de l’ancien vice-président de la Chambre Michel Murr, qui sera probablement le candidat de la famille pour l’un des deux sièges grecs-orthodoxes de cette circonscription, il reste encore imprécis. Soit il rejoint une des listes, soit il forme la sienne avec son réseau d’alliances.
Mais en tout état de cause, lorsque les formations alliées se partagent la même base électorale sur le plan de la confession, le problème se posera au niveau des voix préférentielles. De la sorte, les Kataëb et les Forces libanaises qui s’allieraient au Metn pourraient se livrer malgré tout la bataille des voix préférentielles, si leurs candidats appartiennent à la même confession. Ce n’est qu’un exemple. Il y a des dizaines de cas identiques, qui compliquent la conclusion d’alliances entre les formations politiques ayant des bases électorales similaires sur le plan confessionnel.
Jusqu’à présent, deux alliances sont sûres et confirmées, pour les prochaines élections. La première, c’est celle des deux formations chiites, Amal et le Hezbollah. Ces deux partis ont décidé de se partager les sièges chiites et d’éviter toute bataille interne. Les détails de l’accord conclu entre eux ne sont pas encore connus, mais les deux partis ne veulent pas d’une bataille fratricide, quitte à faire des concessions réciproques.
La seconde alliance pratiquement certaine est celle du CPL et du Hezbollah dans la plupart des circonscriptions où il y a un électorat chiite et un autre chrétien. Mais cette alliance devra se heurter à deux problèmes, celui des voix chiites appartenant à l’électorat d’Amal qui ne s’inscrit pas dans cette alliance et celui du courant du Futur, dans les circonscriptions où il y a un électorat sunnite, chrétien et chiite. Jusqu’à présent, les formations politiques affirment qu’il n’y aura pas d’alliance entre le courant du Futur et le Hezbollah. Dans les circonscriptions où il y a une interférence entre les sunnites et les chiites, le siège chiite serait donc donné à Amal, pour éviter toute alliance possible entre le Hezbollah et le courant du Futur.
Mais en même temps, Amal et le CPL ne semblent pas disposés à nouer une alliance électorale. Ce qui devrait poser un problème dans certaines circonscriptions, comme celle de Saïda-Jezzine. Si le CPL et le courant du Futur forment une liste commune, ils devront faire face à une liste Amal-Oussama Saad-Ibrahim Azar. Ce qui peut ouvrir la voie à des surprises... En tout cas, à moins de quatre mois des élections, le paysage des alliances est encore flou. Mais à partir de février, la situation devrait se préciser et la campagne s’emballer !
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commentaires (4)
PS En fait...on nous promet de faire du neuf avec du vieux ! Irène Saïd
Irene Said
12 h 09, le 18 janvier 2018