Si le gouvernement est enfin parvenu hier à adopter un communiqué dans lequel il a affirmé son adhésion à la politique de distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes régionaux, il reste que la version finale du texte ne semble pas satisfaire les milieux de l'opposition. Loin de là.
Si le communiqué a fait l'unanimité des composantes gouvernementales, les composantes de l'opposition ne cachent pas leurs craintes quant à un manquement de la part du Hezbollah à ses engagements sur ce plan, pour des motifs liés à la politique de l'Iran dans la région, notamment en Syrie et au Yémen. Certains sont même allés jusqu'à estimer qu'à l'issue de la séance gouvernementale d'hier, Saad Hariri est « revenu à la prison du Hezbollah », après s'en être libéré en prenant la décision de jeter l'éponge.
Ce point de vue est avancé par l'ancien ministre de la Justice Achraf Rifi. Farouche opposant au compromis politique ayant donné le coup d'envoi à la présidence de Michel Aoun, et adversaire de M. Hariri dans la rue sunnite, l'ancien ministre se dit déçu de la sortie de crise adoptée hier. « En revenant sur sa démission, par le biais d'un tel communiqué, le Premier ministre est revenu à la prison du Hezbollah », souligne M. Rifi dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour. Selon lui, « Saad Hariri a raté une opportunité historique de rééquilibrer le pays, au moyen de sa démission. D'autant qu'il avait la chance de former une équipe ministérielle équilibrée, qui remplacerait le cabinet actuel, majoritairement favorable au Hezbollah ».
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Mais le déséquilibre politique en faveur du parti chiite n'est pas la seule inquiétude de M. Rifi. Il y a aussi le possible manquement du Hezbollah à ses engagements. « Du fait de sa participation à la table de dialogue de 2011, le Hezb a adhéré à la déclaration de Baabda (du 11 juin 2012, et qui stipule de "garder le Liban à l'écart des conflits des axes "), mais n'a pas tardé à prendre part à la guerre en Syrie, en contradiction flagrante avec la déclaration », a rappelé Achraf Rifi, estimant qu'« à la faveur de cette logique, le communiqué adopté hier n'est que des paroles dépourvues de toute concrétisation politique possible ».
De même, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, ne semble aucunement satisfait du dénouement de l'épisode de la démission de M. Hariri. Dans un point de presse tenu hier au siège de son parti, à Saïfi, M. Gemayel a estimé que l'issue trouvée par le Conseil des ministres à la crise politique au Liban était « inacceptable » et qu'une « opportunité historique » avait été perdue. « Toutes ces hésitations et ces tensions pour finir par réaffirmer la déclaration ministérielle adoptée il y a un an », a ainsi ironisé le député du Metn.
« Le gouvernement s'engage à respecter la politique de distanciation du Liban à l'égard des conflits régionaux comme si c'était l'armée libanaise ou le gouvernement qui s'ingéraient (dans les affaires des autres pays)... C'est de la poudre aux yeux ! » s'est écrié M. Gemayel, dans une claire allusion au fait que le problème se trouve chez le Hezbollah.
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« Plus de frontière entre le Liban et le Hezbollah »
Même son de cloche chez Farès Souhaid, président du Rassemblement de Saydet el-Jabal. « Le gouvernement est incapable de garantir le Hezbollah, celui-ci ne peut même pas garantir sa non-ingérence dans les affaires des pays arabes », déplore l'ancien député de Jbeil, via L'OLJ, avant de dresser ce constat : « Le communiqué du gouvernement est caduc, dans la mesure où il n'a aucune force matérielle d'application. »
Mais pour Farès Souhaid, il y a un problème beaucoup plus grave : « Saad Hariri est revenu dans la prison du Hezbollah. Le parti chiite a annulé l'État, en ce sens qu'il n'y a plus de frontière entre le Hezbollah et la République libanaise », dit-il. Expliquant ses propos, Farès Souhaid déclare : « Les adversaires du Hezbollah n'établiront plus de distinction entre le Liban et le parti chiite, notamment en ce qui concerne les prochaines sanctions américaines. »
Ces inquiétudes se font également sentir chez Boutros Harb, député de Batroun. Dans une déclaration à L'OLJ, il insiste sur le fait que « la solution ne commence pas par des paroles, mais par une action honnête. D'autant que nos expériences passées avec le Hezbollah ne sont pas très encourageantes, dans la mesure où le parti a violé plusieurs déclarations ministérielles et a refusé de plancher sur la question épineuse de son arsenal ».
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commentaires (9)
La souveraineté d’un état se mesure par l’indépendance de ses institutions juridiques, la force et la neutralité de ses armées , la protection de ses frontières ; la probité et l’efficacité de sa police .la puissance de sa diplomatie . Il ne peux y avoir de souveraineté dans un état ou des pans entiers de territoire sont transformées en zone de non droit livrés à la merci de chefs de guerre régnant par la terreur et l’arbitraire . Au Liban cela est valable pour la banlieue sud et autres territoires régentés par le Hezb ; et, les cités palestiniennes gérés par une mosaïque de seigneurie aux multiples visages . Dans les deux cas Israël est cet épouvantail qui inspire de vaines terreurs et sert de prétexte au maintien d’un arsenal parfois supérieur à celui de l’armée libanaise. Il est notoire qu’Israël n’a aucune velléité territoriale sur le Liban et que son existence n’est plus menacée par le Hezb ou les Palestiniens ; Les seuls qui en sont Menacés sont les Libanais ; Aoun et Hariri doivent aboutir à un consensus qui pourrait rendre à l’armée le droit exclusif de disposer des armes. Toutes les nations qui se veulent souveraines on adopté ce principe d’exclusivité.
ANDRE HALLAK
00 h 02, le 07 décembre 2017