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Autopsie (libanaise) d’un meurtre

Le 4 novembre dernier, le Yémen s'est pour ainsi dire invité dans l'équation politique libanaise. Avant cette date, peu de personnes au Liban pouvaient se targuer de savoir placer ce pays sur une carte avec exactitude, et encore moins de s'intéresser aux développements politico-militaires dans cette contrée au destin des plus tragiques. À peine se souvenait-on de ce qu'on apprenait – plutôt vaguement – sur les bancs de l'école, à savoir qu'une partie non négligeable de la population libanaise, toutes confessions confondues, trouverait ses lointaines origines dans ce qui fut le cœur de l'antique royaume de Saba et dont « l'Arabie heureuse » est l'autre nom.

Avant le 4 novembre, les Libanais savaient combien le sort de leur pays était lié à l'empoignade généralisée qui se déroule depuis 2011 en Syrie, aux aspérités traditionnelles des politiques israéliennes, à la mésentente chronique entre Arabes et, bien sûr, à la guerre froide qui sévit entre Riyad et Téhéran. Le 4 novembre, ils ont découvert avec consternation que le conflit yéménite, théâtre indirect actuellement le plus « chaud » de cette guerre froide, pouvait trouver aussi au Liban des tenants et (hélas) des aboutissants.

Ce samedi-là, Saad Hariri annonçait en catastrophe de Riyad sa démission de ses fonctions de Premier ministre, la police de MBS, homme fort du royaume, raflait des dizaines de princes et les plaçait en détention au Ritz, dans cette même ville, et les rebelles yéménites pro-iraniens tiraient un missile balistique intercepté in extremis par un Patriot au-dessus de l'aéroport de la capitale saoudienne.

Très rapidement, la teneur du discours de démission de M. Hariri et les accusations saoudiennes visant le Hezbollah ont jeté un nouvel éclairage sur les liens qui pouvaient exister entre la situation au Yémen et l'ire de MBS contre un gouvernement libanais à qui il a été reproché de fermer les yeux sur les agissements de la formation de Hassan Nasrallah dans plusieurs pays arabes, et notamment dans la péninsule Arabique.

Depuis, les milieux du Hezbollah ont réfuté les allégations de Riyad. Sauf que le démenti a été formulé en deux temps, d'abord pour nier toute présence d'éléments combattant aux côtés des houthis, puis ultérieurement pour affirmer que le parti chiite n'a pas non plus envoyé de conseillers civils au Yémen. Ces dénégations successives ont d'ailleurs été interprétées par certains analystes comme exprimant une déclaration d'intention sur un désengagement de la part du Hezbollah dans le conflit yéménite, ce qui serait de nature à faciliter le scénario destiné à permettre à Saad Hariri de revenir définitivement sur sa démission et à redonner quelque lustre à la politique dite de distanciation du Liban à l'égard des axes régionaux.

On en était là lorsqu'est survenue hier la nouvelle de l'assassinat de l'ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh. Ce meurtre va-t-il influer sur le jeu régional de façon à remettre en question ou, à tout le moins, perturber le processus de détente en cours au Liban ? Il est encore trop tôt pour le savoir. Il est d'ailleurs, à ce stade, tout aussi prématuré de tirer des leçons au sujet de l'évolution du conflit yéménite lui-même. Saleh, dont le nom est inséparable du Yémen de ces trente dernières années, était-il un homme d'État sur la touche ? Son récent revirement contre les houthis et son rapprochement avec les Saoudiens – qui lui ont valu la mort – pouvaient-ils, au contraire, constituer un appoint décisif permettant à l'Arabie saoudite de sortir victorieuse de l'épreuve face à l'Iran ? Et de ce fait, dans quelle mesure sa disparition brutale va-t-elle être un coup dur pour MBS ?...

Autant de questions qui restent pour l'instant sans réponses. Mais il y a une certitude et elle est terrifiante : le conflit saoudo-iranien, et par extension – n'ayons pas peur des mots – arabo-perse, n'est pas près de s'éteindre. Le Liban, davantage encore que tous les autres États de la région, devrait apprendre à naviguer en tenant compte de cette réalité.

Et puis, tout de même, cela donne froid dans le dos de savoir ce qui peut arriver à l'allié d'une milice pro-iranienne lorsqu'il décide de retourner sa veste...

Le 4 novembre dernier, le Yémen s'est pour ainsi dire invité dans l'équation politique libanaise. Avant cette date, peu de personnes au Liban pouvaient se targuer de savoir placer ce pays sur une carte avec exactitude, et encore moins de s'intéresser aux développements politico-militaires dans cette contrée au destin des plus tragiques. À peine se souvenait-on de ce qu'on apprenait –...

commentaires (3)

DEPUIS RAFIC HARIRI, LES MARTYRS DE LA REVOLUTION DU CEDRE A L,ASSASSINAT DE SALEH AU YEMEN MEME TACTIQUE CRIMINELLE MEMES MAINS TIRANT LES FICELLES !

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 01, le 05 décembre 2017

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Commentaires (3)

  • DEPUIS RAFIC HARIRI, LES MARTYRS DE LA REVOLUTION DU CEDRE A L,ASSASSINAT DE SALEH AU YEMEN MEME TACTIQUE CRIMINELLE MEMES MAINS TIRANT LES FICELLES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 01, le 05 décembre 2017

  • Morale de l’histoire pour nos dirigeants alliés ou opposants de qui l’on sait : faites gaffe, pas de faux pas, sinon les conséquences seraient graves: éliminations physiques garanties... Mais, en tous cas, depuis la révolution du cèdre, c’est la méthode de choix de qui l’on sait : meilleur moyen de terroriser et museler vos adversaires !

    Saliba Nouhad

    14 h 48, le 05 décembre 2017

  • La chute de l'article est magnifique!

    Yves Prevost

    07 h 35, le 05 décembre 2017

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