C'est un climat d'optimisme certain, annonciateur d'une issue prochaine à la crise, qu'ont répercuté hier tour à tour le chef de l'État, Michel Aoun, de Rome où il se trouve, le président du Parlement, Nabih Berry, le Premier ministre, Saad Hariri, mais également le « numéro deux » du Hezbollah, Naïm Kassem, qui a vanté la « solidarité nationale » face à l'imbroglio de la démission du chef du gouvernement.
Si l'on devait prendre à la lettre leurs déclarations respectives placées sous le signe de la « solidarité nationale » et de « l'unanimité », l'on croirait que « la crise est effectivement derrière nous » comme l'a déclaré hier M. Aoun, dans une interview accordée au quotidien italien La Stampa, publiée dès son arrivée à Rome où il entame une visite officielle de trois jours.
Le président s'est également dit « certain » que M. Hariri « continuera à diriger le gouvernement », la crise politique ouverte devant être « définitivement réglée dans les prochains jours ». M. Aoun devait justifier son optimisme par l'existence d'un « large accord » parmi les forces politiques, au sein et à l'extérieur du gouvernement.
C'est une terminologie similaire qu'a utilisée à son tour M. Berry devant ses visiteurs, en évoquant « l'unanimité libanaise » qui, a-t-il dit, « s'est manifestée dans sa plus belle version pour faire face à cette crise ». Elle aura servi de « socle pour étayer l'unanimité de la communauté internationale autour de la stabilité du Liban », a-t-il dit.
La veille, c'était au tour du Premier ministre, Saad Hariri, de se dire confiant sur un dénouement de la crise politique dans les prochains jours. Un optimisme qu'il a réitéré hier même avant son départ pour Paris, où il rejoint en soirée sa famille.
Une semaine à peine après le retour précipité, orchestré par la France, du Premier ministre au Liban, et près de trois semaines après le cataclysme provoqué par l'annonce de sa démission-surprise depuis Riyad, le Liban officiel s'évertue à donner l'impression que tout semble rentrer dans l'ordre, comme si de rien n'était.
Dans cette optique, la déclaration d'intention attendue dans les prochains jours autour de la « distanciation » du Liban par rapport aux crises régionales ne serait donc plus qu'une affaire de forme à finaliser.
Si le débat autour de la sémantique et des diverses acceptions de la « distanciation » continue de se poursuivre, notamment à la Maison du Centre et dans divers milieux politiques, en attendant le retour du chef de l'État, à qui revient la charge de parrainer la nouvelle déclaration, rien ne semble inquiéter la classe politique concernant un dénouement prochain de la crise.
C'est ce qui fera dire au secrétaire général adjoint aux Affaires politiques de l'ONU, Jeffrey Feltman, qu'une « unité miraculeuse » s'est mise en place au Liban, prise en étau depuis des années dans l'engrenage des tensions sunnito-chiites.
« Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé avec Saad Hariri en Arabie saoudite. Mais l'unité miraculeuse entre chiites et sunnites libanais qui s'ensuivit n'est certainement pas de l'intérêt de Riyad », devait déclarer, mardi, le diplomate onusien.
S'exprimant devant le Council on Foreign Relations, un think tank non partisan américain ayant pour but d'analyser la politique étrangère des États-Unis et la situation politique mondiale, M. Feltman, rompu aux méandres de la politique libanaise et à ses ramifications régionales, n'a cependant pas évoqué les scénarios possibles que présagerait un éventuel mécontentement saoudien.
« Riyad, qui a opéré un retrait tactique pour le moment, attend de voir quelle sera la formule trouvée », commente une source informée, proche des milieux haririens, qui tient à souligner que l'Arabie saoudite n'a pas encore dit son dernier mot dans cette affaire.
« Il ne faut pas prendre à la légère le communiqué publié il y a une semaine par la Ligue arabe dans lequel vingt États de la région ont qualifié le Hezbollah, intégré au gouvernement libanais, de terroriste », poursuit la source pour qui les relations du Liban avec les pays arabes sont aujourd'hui sérieusement menacées, une situation qui tranche avec « la désinvolture dont fait montre une large partie de la classe politique ».
L'Arabie saoudite donnera-t-elle suite aux mises en garde adressées au Liban en maniant notamment l'arme des pressions économiques tant redoutées ?
C'est ce que craignent plusieurs observateurs qui affirment que ce cas de figure n'est certainement pas à écarter. Selon une source informée, Riyad aurait déjà demandé à une société d'audit britannique d'effectuer une étude sur « l'éventuel impact sur l'économie saoudienne d'un licenciement de près de 8 000 employés libanais (et leurs familles) qui travaillent dans des compagnies saoudiennes ». « Même si la décision n'est pas encore prise, le royaume se prépare d'ores et déjà à cette hypothèse », confie la source.
Faute de pouvoir contrer directement l'expansionnisme iranien dans la région, devenu une menace réelle pour une Arabie saoudite effarouchée par un encerclement tous azimuts, c'est une guerre économique par procuration que pourrait livrer Riyad à Beyrouth.
Tablant sur le mot d'ordre international donné en faveur du maintien de la stabilité du Liban, la classe politique « a tout simplement cherché à retourner la situation en sa faveur, en s'attribuant le mérite des efforts déployés par la communauté internationale pour empêcher toute dégradation de la situation et ses effets boomerang sur l'ensemble des acteurs, y compris sur l'Europe », précise le stratège et vice-président du mouvement Liban-Message, Khalil Hélou.
Placée sous le signe de « l'endiguement », cette période transitoire laisse clairement entrevoir une volonté internationale généralisée de maintenir la stabilité dans le pays. Il reste à voir comment celle-ci pourra être consacrée dans les prochains jours en évitant de réveiller les vieux démons, momentanément tapis, du côté du Golfe.
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commentaires (15)
Unité de médeult, oui !
Remy Martin
11 h 02, le 01 décembre 2017