Le leader druze libanais Walid Joumblatt est revenu samedi dans une série de tweets sur l'interview du prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane publiée jeudi par le New York Times. "Je vais commenter certains points de l'entretien et je vais me permettre de donner quelques conseils (au prince héritier) afin qu'il réussisse et arrive à sortir le royaume du repli sur soi et de l’extrémisme".
M. Joumblatt se félicite d'abord des réformes religieuses entreprises par MBS qui avait récemment affirmé vouloir retourner à un islam "tolérant et plus ouvert sur le monde". Dans son interview, MBS dit à Thomas L. Friedman, journaliste du New York Times : "N'écrivez pas que +nous réinterprétons l'islam. Nous sommes en train de ramener l'islam à ses origines, et nos moyens les plus importants sont les pratiques du Prophète et la vie quotidienne en Arabie saoudite avant 1979".
"Ce point est très important pour créer un nouveau courant d'islam modéré loin de l’extrémisme et pour s'ouvrir à toutes les autres religions, estime Walid Joumblatt, saluant dans ce contexte la visite historique du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, le 14 novembre à Riyad, une visite qui, selon lui, sert de meilleur exemple.
"Mais attention à ne pas brûler les étapes sur ce plan", met en garde le leader druze, rappelant la révolution culturelle ratée en Chine dans les années soixante. "Mais bien sûr chaque pays a ses spécificités", ajoute-t-il cependant.
Évoquant les tensions entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite, M. Joumblatt estime qu'un "compromis a minima avec l'Iran nous renforcera au Liban dans notre volonté de coopérer pour appliquer la politique de distanciation (à l’égard des conflits régionaux) et sortir le pays de ce piège".
Dans l'entretien, le prince héritier d'Arabie saoudite a qualifié le guide suprême de la révolution iranienne, l'ayatollah Ali Khamenei, de "nouvel Hitler du Moyen-Orient". La réponse iranienne n'a pas tardé : "Le comportement et les remarques immatures, imprévisibles et insensées du prince héritier saoudien ont pour conséquence que personne dans le monde n'accorde le moindre crédit à des remarques de ce genre lorsqu'elles sont de son fait", a réagi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Bahram Ghassemi, dans un communiqué.
Ces déclarations surviennent alors que les tensions sont déjà vives entre Saoudiens et Iraniens qui s'affrontent indirectement dans les conflits en Syrie et au Yémen. Cette lutte d'influence régionale s'est cristallisée dans la crise politique ouverte par le Premier ministre libanais, Saad Hariri, qui avait annoncé, à la surprise générale, sa démission depuis Riyad, le 4 novembre, avant de décider d'y surseoir, au lendemain son retour mardi à Beyrouth. Lors de l'annonce de ce sursis, M. Hariri a mis en avant la nécessité de mettre en place une politique de distanciation à l'égard des conflits de la région et "de tout ce qui pourrait perturber les relations avec les pays arabes", en référence au Hezbollah, très actif en Syrie et en Irak.
Commentant enfin les purges anti-corruption lancées par le prince héritier le 4 novembre, lors desquelles plus de 200 personnes, dont de nombreux princes et hommes d'affaires saoudiens, ont été arrêtées et apparemment retenues dans le luxueux palace Ritz-Carlton de Riyad, Walid Joumblatt en profite pour ironiser sur le niveau de la corruption au Liban. "Si les autorités libanaises décidaient de suivre (les pas de MBS), nous pourrions avoir besoin d'un espace double que le Ritz-Carlton", écrit-il.
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10 h 37, le 26 novembre 2017