« Réveil chiite » pour certains, « axe ou croissant irano-chiite » pour d'autres, les conflits meurtriers qui secouent le Moyen-Orient depuis presque cinquante ans ont mis en lumière les rivalités millénaires entre sunnites et chiites. Derrière cette querelle communautaire se cache toutefois le combat d'émancipation d'une frange de la population, minoritaire dans le monde arabe, longtemps réprimée, d'une part, et combinée, d'autre part, à la quête hégémonique de l'Iran après la révolution islamique de Khomeyni en 1979.
Tour d'horizon de la situation des minorités chiites dans le monde arabe et de la pertinence géographique du concept de conflit sunnito-chiite.
L'Irak et la Syrie
C'est le cœur géographique de cette tension entre les communautés représentant les deux grandes branches de l'islam. La chute de Saddam Hussein en Irak et la mise en place d'un système politique confessionnel ont offert aux chiites, majoritaires, mais longtemps opprimés sous le régime du dictateur baassiste, de larges prérogatives. Mais la politique discriminatoire envers les sunnites menée par Nouri el-Maliki, Premier ministre irakien chiite et pro-iranien, ont été la cause du déclenchement d'une guerre confessionnelle dont les répercussions se font sentir jusqu'à présent, notamment avec la naissance du groupe sunnite radical État islamique. La guerre contre l'EI, avec l'aide de milices chiites pro-iraniennes (Hachd el-Chaabi), ne laisse augurer aucun répit dans cet affrontement.
Parallèlement, la révolte populaire en Syrie, déclenchée en 2011, s'est vite transformée en un conflit communautaire entre le régime de Bachar el-Assad, alaouite (une branche du chiisme) et qui représente 15 % de la population syrienne, et la majorité sunnite, dont une large partie s'est radicalisée au fil des mois. Une guerre alimentée par les intérêts des puissances régionales comme l'Iran, la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite.
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Les monarchies du Golfe
Sur la rive ouest du golfe Arabo-Persique, à savoir le Koweït, l'Arabie saoudite et Bahreïn, les tensions entre sunnites et chiites sont palpables à plus d'un niveau. Les chiites représentent plus du quart de la population koweïtienne, alors qu'ils sont de l'ordre de 70 % à Bahreïn. En outre, une importante minorité se trouve concentrée dans la partie orientale de l'Arabie saoudite. Ces tensions, qui ont souvent des causes locales, sont interprétées dans un cadre géopolitique régional, le pouvoir sunnite en place accusant les chiites d'être à la solde de Téhéran.
À Bahreïn, le conflit entre la famille al-Khalifa, une tribu sunnite qui a conquis l'île, et la population chiite majoritaire est fort ancienne. Les tribus venant d'Arabie sont considérées comme des étrangers pour les autochtones, alors que les chiites sont vus comme des Iraniens par les sunnites. Le clivage religieux se superpose à cette différence sociale et politique au Bahreïn, où la relation entre les deux clans prend la forme d'un rapport de force entre conquérants et conquis. Les revendications chiites ne sont pas nouvelles. De fortes tensions sont apparues lors d'une vague d'émeutes entre 1994 et 1998 – sans oublier les événements de 1981, durant lesquels le pouvoir a déjoué un complot apparemment fomenté par l'Iran pour renverser le régime avec la complicité de chiites locaux. Enfin, la révolution de la Perle, lancée en février 2011 dans le sillage du printemps arabe, a été violemment réprimée par le pouvoir soutenu par Riyad.
Néanmoins, sur le plan religieux, la communauté chiite pratique librement ses coutumes, contrairement à ce qui prévaut en Arabie saoudite, où les chiites souffrent de beaucoup d'entraves. Dans le royaume wahhabite, en effet, la situation est différente. Les chiites sont minoritaires. Même dans les régions orientales où ils sont concentrés, ils ne représentent pas plus de 20 % de la population locale. Leurs revendications se limitent ainsi au niveau socio-économique : malgré le fait qu'ils sont établis dans une région riche en pétrole, les chiites n'ont pas pu bénéficier des ressources et de l'essor économique qui en a été la conséquence naturelle. Le pouvoir sunnite aux mains des Saoud réprime violemment toutefois toute forme de contestation venant des chiites, accusés de connivence avec l'Iran.
Au Koweït, les chiites font partie intégrante de l'État. Historiquement, ils ont participé à sa création. Des tribus d'Arabie, fuyant la sécheresse, sont venues s'installer dans cette région et ont investi dans le commerce. Par ailleurs, des familles de Chiraz (Iran) sont également venues s'installer au Koweït pour des raisons économiques. C'est donc ensemble que ces deux communautés ont travaillé pour faire fonctionner les institutions publiques qu'elles ont érigées. Les chiites sont néanmoins sous-représentés politiquement, notamment au Parlement. Ils sont en outre la cible préférée des islamistes, qui estiment que les chiites ne sont pas arabes, mais iraniens, d'autant plus que les chiites koweïtiens n'ont pas une classe religieuse autochtone et sont liés à l'Irak ou à l'Iran.
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Le Yémen
De l'autre côté de la péninsule Arabique, le Yémen a été pendant longtemps épargné par le conflit sunnito-chiite. Le clivage sunnite (chaféite) et chiite (zaydite) est beaucoup plus clanique que religieux. Les zaydites, dont sont issus les houthis qui représentent près du tiers de la population yéménite, ne sont toutefois pas assimilés au chiisme duodécimain, majoritaire en Iran. Cependant, la guerre entamée en 2014 avec l'invasion des houthis de la capitale Sanaa a transformé la guerre en conflit par procuration entre l'Iran, qui appuie ces houthis, et l'Arabie saoudite, qui soutient le président yéménite.
Afrique du Nord et Maghreb
La présence chiite en Afrique du Nord et au Maghreb est très ancienne, datant de l'époque du règne fatimide (chiites ismaéliens) sur la région, mais également des Idrissides (chiites zaydite) dans l'actuel Maroc.
Aujourd'hui, les chiites sont très minoritaires dans ces pays. Ils sont souvent persécutés, emprisonnés et même tués, comme cela a été le cas en 2013 en Égypte, où plusieurs chiites ont été lynchés. Ailleurs au Maghreb, l'État combat vigoureusement sur un pied d'égalité le prosélytisme chiite et chrétien. Toute conversion vers le chiisme ou le christianisme est considérée comme de l'apostasie.
Sur le plan politique, par contre, la situation est plus nuancée. Ainsi, le régime de Bachar el-Assad est considéré par beaucoup de Magrébins comme un rempart laïc contre le terrorisme et l'Iran n'est pas perçu comme une menace. Il convient de préciser que l'un des piliers de la politique iranienne reste son opposition à l'État hébreu et que celui qui lui permet d'obtenir un soutien important auprès des populations de ces pays.
Le Liban
Au pays du Cèdre, enfin, longtemps marginalisés depuis la création de l'État libanais, les chiites qui sont installés à la périphérie (la Békaa et le Sud), n'ont pas profité de l'essor du pays dans les années 1960. C'est dans ce contexte qu'est né le mouvement de Moussa el-Sadr, qui visait à défendre les droits des déshérités. Avec l'occupation israélienne du Liban, à partir de 1982, l'Iran a soutenu idéologiquement, financièrement et militairement le Hezbollah, lié par le principe du Wilayet el-Faqih au guide suprême iranien. Après le retrait israélien en 2000, le parti chiite a réussi à obtenir une reconnaissance régionale, une sorte de revanche pour les chiites libanais. Mais ensuite, de plus en plus controversé à l'intérieur, le Hezbollah a vu sa popularité dans le monde arabe se réduire considérablement une fois qu'il a officiellement commencé à soutenir, sur le terrain syrien et avec des milliers d'hommes, le régime de Bachar el-Assad.
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Sunnites, chiites, chrétien ou juif, je m'en balance de qui est qui ou il est quoi. Je suis libanais, chiite et tous mes compatriotes libanais de qu'elle confession qu'il soit sont mes frères. Et cette image que je véhicule est sincère et partagée par tous les libanais en général et en particulier ceux de ma communauté. N'en déplaise à certains racistes et fossoyeurs, le Liban restera multiconfessionnel, démocrate et surtout libre à chaque citoyen de choisir le camp qui lui convient. Mais gare à ceux qui profitant de cette liberté pour se trouver des amitiés au détriment d'une autre confession. La coexistence actuelle n'est que le fruit de nos liaisons du jour contrairement à certaines collaborations qui ont mené le Liban dans une guerre civile des plus meurtrière de la fin du 20em siècle. les massacres de Damour, Sabra, Chatilla etc en sont les conséquences. De grâce préservons notre patrie et sans démagogie posons nous la question de savoir qui est l'ami et qui ne l'est pas???????
15 h 14, le 20 novembre 2017