Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane a accusé l’Iran d’« agression militaire directe » contre son pays. Hamad Mohammed/Reuters
Le dauphin est décidement sur tous les fronts. Et il semble résolument prêt à en découdre avec l'Iran. Alors qu'il a lancé une purge anticorruption inédite depuis samedi en Arabie saoudite, le prince héritier Mohammad ben Salmane, dit MBS, est en effet monté au créneau hier contre Téhéran, s'invitant dans cette guerre des mots contre son adversaire chiite. « L'implication de l'Iran dans la fourniture de missiles aux houthis est une agression militaire directe par le régime iranien et pourrait être considérée comme un acte de guerre contre le royaume », a déclaré hier Mohammad ben Salmane, cité par l'agence officielle saoudienne SPA. Lundi, les autorités saoudiennes avaient accusé l'Iran d'être derrière un tir de missile de rebelles yéménites intercepté au-dessus de l'aéroport international de Riyad, qui pourrait, selon elles, « équivaloir à un acte de guerre ».
Depuis mars 2015, Riyad est à la tête d'une coalition de pays sunnites aidant les forces gouvernementales yéménites dans leur guerre contre les houthis et leurs alliés, maîtres de la capitale Sanaa depuis septembre 2014. Le prince Mohammad, également ministre de la Défense, est considéré comme l'instigateur de l'intervention saoudienne au Yémen. Sa prise de parole, hier, reflète sa détermination à vouloir poursuivre une diplomatie agressive, notamment depuis qu'il a obtenu « carte blanche » pour gérer les affaires du pays, lors de sa nomination comme prince héritier en juin dernier. Et il n'hésite pas à asseoir son pouvoir en gérant tous les fronts, internes comme externes.
Lundi, Riyad avait en outre estimé que le Liban lui avait déclaré la guerre en raison de ce qu'il considère comme des agressions commises contre le royaume par le Hezbollah, soutenu par l'Iran. Le gouvernement libanais sera « traité comme un gouvernement qui a déclaré la guerre à l'Arabie saoudite », a affirmé le ministre saoudien des Affaires du Golfe, Thamer al-Sabhane, dans un entretien à la chaîne de télévision al-Arabiya. Dans le communiqué annonçant sa démission, Saad Hariri faisait état d'un complot en vue de l'assassiner et accusait l'Iran et le Hezbollah d'entretenir les tensions dans le monde arabe.
(Lire aussi : Qui sont les hommes visés par la purge en Arabie ?)
Tweet de soutien de Trump
Le Pentagone a salué lundi l'initiative saoudienne qui a « révélé » le rôle de l'Iran au Yémen et la fourniture de systèmes de défense aérienne aux milices chiites houthies par Téhéran. Hier, c'est le président américain lui-même qui est allé jusqu'à apporter un soutien appuyé à l'action anticorruption du roi Salmane et de son fils. « J'ai entière confiance dans le roi Salmane et le prince héritier d'Arabie saoudite, ils savent exactement ce qu'ils font », a-t-il écrit sur Twitter. « Certains de ceux qu'ils traitent durement "saignent" leur pays depuis des années ! » a-t-il ajouté. L'Arabie saoudite et les États-Unis partagent la même politique agressive contre l'Iran. Pour l'un comme pour l'autre, la priorité est de contrer l'influence iranienne dans la région. Donald Trump avait réaffirmé ces liens en choisissant de se rendre à Riyad pour son premier voyage présidentiel à l'étranger, en mai. Il y avait d'ailleurs accusé Téhéran de « soutenir le terrorisme » et appelé à l'« isoler ».
La signature de l'accord sur le nucléaire le 14 juillet 2015 entre l'Iran et les 5+1 avait déjà irrité Riyad. Mais c'est bien davantage l'interventionnisme iranien sur la scène régionale, en Syrie ou au Yémen, qui a accéléré la montée des tensions. Une escalade qui a provoqué une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays le 4 janvier 2016, suite à l'incendie et au sac partiel de l'ambassade saoudienne à Téhéran en janvier 2016, survenus au lendemain de l'exécution d'un dignitaire chiite saoudien à Riyad. Mais l'escalade est encore montée d'un cran ces derniers jours, après ce qui s'apparente de plus en plus à de véritables déclarations de guerre. Mais pour l'heure, nous ne sommes confrontés qu'à une guerre des mots. Un affrontement direct entre les deux puissances ennemies semble peu probable, au vu des conséquences désastreuses pour l'un comme pour l'autre. En mai déjà, MBS avait déjà menacé l'Iran de manière extrêmement virulente. « Nous savons que nous sommes la cible principale du régime iranien. Nous n'attendrons pas que la bataille se passe en Arabie saoudite, mais nous travaillerons pour que cette bataille puisse se dérouler en Iran, et pas en Arabie saoudite », avait déclaré le prince. Ce à quoi le ministère iranien des Affaires étrangères avait répondu : « Nous conseillons aux Saoudiens de ne pas prendre une décision ignorante. Mais, s'ils le font, nous ne laisserons rien intact à part La Mecque et Médine », avait-il prévenu. En revanche, les deux puissances auraient davantage l'opportunité de mener une guerre par procuration sur tous les terrains au Moyen-Orient, en Syrie, au Yémen ou au Liban. Riyad peut renforcer son engagement sur le terrain yéménite. Mais après deux ans et demi, il se montre incapable de venir à bout des houthis ou de proposer une solution politique permettant une sortie de crise. Les houthis ont d'ailleurs menacé hier de riposter au durcissement du blocus contre le Yémen par des tirs de missiles contre les aéroports et les ports saoudiens et émiratis. « Nous ne resterons pas les bras croisés et étudierons des options plus importantes et plus radicales pour empêcher le renforcement du blocus contre le peuple yéménite et (les mesures) visant à l'affamer et à l'humilier », ont souligné les rebelles dans un long communiqué.
La confrontation entre les deux mastodontes chiite et sunnite pourrait se faire au Liban. Riyad serait-il prêt à appuyer une attaque contre le Hezbollah, profitant de la convergence d'intérêts avec Israël et les États-Unis? « Lorsque les Israéliens et les Arabes sont d'accord sur une chose, il faut que le monde soit attentif », a rappelé dimanche Benjamin Netanyahu. Une telle offensive ne ressemblera pas à la guerre de 2006, puisque l'État hébreu se dit prêt à engager le plus de forces possible dans la bataille terrestre qui s'inscrira probablement dans la durée. La guerre contre la République islamique a clairement été déclarée par Mohammad ben Salmane. Mais on ignore encore comment elle se fera, où, et surtout, avec qui.
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commentaires (7)
Nicolas Machiavel a dit...“On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut.”
DAMMOUS Hanna
15 h 42, le 08 novembre 2017