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Nos Lecteurs ont la Parole - Marie-Claude HELOU SAADÉ

Réponse à l’article de Sylvain Thomas

Ce texte est une réponse au courrier de notre lecteur Sylvain Thomas, publié le 1er novembre. M. Thomas avait, lui-même, réagi au texte de Marie-Claude Helou Saadé, publié dans notre édition du 25 octobre dernier.

Nous ne pouvons que nous étonner de cette soudaine éruption d'humanisme et de valeurs chrétiennes en réponse à un article dont le sujet fait l'objet d'une actualité brûlante depuis déjà de nombreux mois et dont la presse se fait quotidiennement l'écho. Nous aurions aimé déguster les lignes de l'auteur de la réponse un peu plus en amont dans le temps. Nous aurions pu alors, si cela avait été le cas, nous inspirer dans nos propos de cet altruisme débordant et de cette abnégation sans bornes qui s'invitent, du jour au lendemain, dans le débat politique. N'ayant pas été aussi chanceuse, nous aimerions toutefois préciser certains points.
Pour ceux qui l'ont bien lu, nous avions pris le soin de préciser dans notre article que « les idées ne manquent pas sur ce plan et il est grand temps de commencer à les explorer tout en veillant à sauvegarder l'aspect humain inhérent à tout règlement durable de la question ». Malheureusement, il n'est pas inhabituel que certains soient davantage préoccupés par ce qu'ils ont à dire que par ce qu'ils ont à lire.
Concernant la « faculté d'oublier » prônée par l'auteur de la réponse tel un postulat de science politique, nous aimerions lui rappeler les paroles de Voltaire selon qui « la politique est le moyen pour les hommes sans principes de diriger des hommes sans mémoire », ou même celles de Ferdinand Foch, maréchal de France : «Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. » La « faculté d'oublier », n'en déplaise à notre censeur, est un non-sens absolu dans les affaires de l'État. Que fait-il, de surcroît, du « devoir de mémoire »? Quant à la « faculté de pardonner », celle-ci relève de la conscience profonde des individus et ne peut être érigée, sans frôler le ridicule, en doctrine politique. Nous invitons donc les dévots de tout acabit à rester dans les limites du débat laïc qui a été fidèlement le nôtre dans cet article et à garder le reste pour l'isoloir et les devoirs de pénitence.
Plus « patriarchiste » que le patriarche maronite ?
Toutefois, si cela démange l'auteur de la réponse de se placer sur le terrain religieux en politique, quoique cela nous horripile car nous sommes de fervents partisans d'une société laïque, nous voulons bien, pour ne pas susciter quelque part chez ce dernier une frustration potentielle, lui rappeler que le pape François, lorsqu'il a prôné une certaine approche chrétienne du problème des réfugiés, n'a pas manqué de joindre le geste à la parole. Il a effectivement accueilli à Rome des familles de réfugiés et appelé les paroisses du continent à accueillir une famille de migrants. À noter, toutefois, que son geste est resté extrêmement limité en termes de nombre de migrants. L'auteur de la réponse aurait-il effectué lui-même une démarche similaire en accueillant chez lui des déplacés ou se contente-t-il d'investir la chaire, se poser en prédicateur et nous indiquer le chemin du bénitier ?
D'ailleurs, pourquoi notre prédicateur n'a-t-il pas adressé son touchant sermon au patriarche maronite qui avait averti, dès juillet 2016, que « l'énorme afflux de réfugiés syriens au Liban menace de bouleverser l'équilibre et l'identité de la nation libanaise », ajoutant que « deux millions de déplacés syriens concurrençaient les Libanais dans leurs moyens de subsistance et qu'on ne peut, dans le but de faire du bien aux déplacés syriens, pousser nos propres concitoyens à l'exil » ? Pourquoi n'a-t-il pas semoncé le Conseil des patriarches catholiques d'Orient lorsqu'ils ont signalé « le fardeau lourd et dangereux aux niveaux politique, économique, sécuritaire et social des déplacés et réfugiés » et ont appelé à « leur retour au plus vite, de sorte qu'ils recouvrent leurs droits et leur culture » ? Pourquoi ne s'est-il pas fendu de cette émouvante homélie lorsque les évêques maronites, en août 2017, se sont déclarés favorables à ce que « les institutions civiles libanaises adoptent rapidement un plan global de rapatriement des Syriens réfugiés au Liban » ? Notre prédicateur serait-il plus attaché aux principes de l'Église que le patriarche maronite, le Conseil des patriarches catholiques d'Orient et le Conseil des évêques réunis ?
De plus, nous aurions aimé entendre la voix de notre prédicateur lorsqu'une jeune fille de 26 ans a été cruellement assassinée à Zghorta dans son propre domicile ou lorsque des crimes similaires sont régulièrement commis dans les localités libanaises, plongeant des familles entières dans le désespoir. Nous aurions aussi aimé l'entendre s'émouvoir lorsque des accusations de détournement de dons destinés aux réfugiés ont été portées publiquement à la connaissance des responsables et de l'opinion publique. Pense-t-il pouvoir traiter ces exactions inacceptables par ses effluves « d'amour, de pardon, de charité, de paix, de conciliation, de miséricorde, d'acceptation du prochain, de prière » et par toute la littérature du bréviaire ?
Aussi, curieusement, comment expliquer la fixation soudaine de notre prédicateur sur notre article en particulier alors que la presse regorge de publications portant sur la question des réfugiés et la nécessité urgente de leur retour sécurisé dans leur pays ? Nous ne voyons pas la corrélation entre son exhortation pastorale et notre billet spécifiquement alors que les écrits sur le même thème se chiffrent par milliers dans les médias? Drôle d'inspiration ! Aurait-il repéré dans notre article une plate-forme idéale pour célébrer sa messe ?
Nous ajouterons aussi qu'étant, jusqu'à nouvel ordre, un pays confessionnel, nous savons tous que nous ne pouvons pas, sans porter atteinte à l'équilibre déjà bien précaire entre communautés libanaises, accueillir à bras ouverts toute la misère du monde pour les besoins de la miséricorde. Enfin, à l'heure où la question des chrétiens d'Orient se pose avec une acuité particulière et préoccupe de nombreux dirigeants de la planète, à l'heure où les coptes d'Égypte sont soumis à une persécution permanente et où les chaldéens et autres chrétiens d'Irak ont été expulsés de la manière que l'on sait et cherchent refuge dans le monde entier, les chrétiens du Liban, deuxième plus importante communauté chrétienne du Moyen-Orient après les coptes d'Égypte, ne peuvent en aucune façon accepter de subir le même sort. Charité bien ordonnée, selon le dicton bien connu, commence par soi-même !
Nous estimons avoir tout dit et pour nous le sujet est bien clos. Nous ne perdrons plus davantage de temps dans des polémiques stériles.

Docteur en droit des affaires de Paris I

Ce texte est une réponse au courrier de notre lecteur Sylvain Thomas, publié le 1er novembre. M. Thomas avait, lui-même, réagi au texte de Marie-Claude Helou Saadé, publié dans notre édition du 25 octobre dernier.
Nous ne pouvons que nous étonner de cette soudaine éruption d'humanisme et de valeurs chrétiennes en réponse à un article dont le sujet fait l'objet d'une actualité...

commentaires (2)

Cette polémique est une tempête dans un verre d'eau.

Marionet

22 h 25, le 10 novembre 2017

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Commentaires (2)

  • Cette polémique est une tempête dans un verre d'eau.

    Marionet

    22 h 25, le 10 novembre 2017

  • loin de tout faux humanisme , philosophique ou pas, il faut avouer - non pardon il faut se rappeler que : charite bien ordonnee commence par soi-meme.

    Gaby SIOUFI

    10 h 00, le 09 novembre 2017

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