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Moyen Orient et Monde - Espagne

Comprendre le bras de fer entre Madrid et la Catalogne en quatre points

Le gouvernement central se retrouve en position de force avec l'application de l'article 155 pour mettre Barcelone sous tutelle.

Des supporters en faveur de l’unité manifestent dans le centre de Barcelone, le 29 octobre. Jon Nazca/Reuters

La telenovela sur la bataille entre Madrid et Barcelone se poursuit depuis la tenue du référendum d'indépendance de la Catalogne le 1er octobre. L'ensemble du gouvernement catalan destitué vendredi dernier a été poursuivi hier en justice par le procureur José Manuel Masa, estimant que les « principaux responsables politiques de la Généralité de Catalogne ont entraîné, avec leurs décisions et leurs agissements, une crise institutionnelle qui a débouché sur la déclaration unilatérale d'indépendance » du 27 octobre. L'ex-président de la Catalogne, Carles Puigdemont, et les membres de l'exécutif, à l'exception d'un seul, ne sont pas allés travailler hier, affaiblissant ainsi leurs déclarations rejetant la destitution. Les enjeux de la situation en quatre points.

 

La Catalogne mise au pas
Face à l'ampleur de la crise espagnole, Madrid a décidé de montrer les muscles. Pour l'instant, le gouvernement central a gagné son pari de s'imposer face aux revendications indépendantistes de Barcelone. Le gouvernement du Premier ministre, Mariano Rajoy, a déclenché la procédure de l'article 155 pour mettre la Catalogne et ses institutions sous la tutelle du gouvernement central. Une décision qualifiée par Carles Puigdemont de « plus forte attaque » contre la Catalogne depuis 1934 et le retrait de l'autonomie des Pays basque par le dictateur Francisco Franco. Mariano Rajoy, qui ne peut appliquer l'article unilatéralement, a été appuyé vendredi dernier par le Sénat qui a approuvé son choix politique à l'issue de six heures de débats. Le gouvernement central a tenté ainsi de réaffirmer son autorité en Catalogne face à la crise qui secoue le pays depuis le début du mois.

L'opposition au pouvoir s'est donc retrouvée asphyxiée. M. Puigdemont a été depuis destitué de son poste avec l'ensemble du gouvernement catalan, laissant la place à la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria. En reprenant le contrôle, « Madrid a redonné confiance aux non-indépendantistes et à une bonne partie de l'opinion publique espagnole dans le système démocratique moderne », observe Barbara Loyer, politologue spécialiste de l'Espagne, et enseignante et chercheuse en géopolitique à l'Université Paris VIII.

 

(Lire aussi : A Santa Coloma, près de Barcelone, "on est toujours en Espagne")

 

Puigdemont cherche-t-il l'asile ?
Après une montée en puissance fulgurante sur la scène politique espagnole, Carles Puigdemont et ses conseillers pourraient désormais devoir rendre des comptes à la justice. Le procureur général de l'État espagnol a requis des poursuites contre les membres de l'ex-gouvernement catalan pour « rébellion », et des faits de « sédition, malversation et prévarication ». Si la juge en charge du dossier, Carmen Lamela, décide de retenir la « rébellion » parmi les charges, les individus concernés pourraient être condamnés à 15 ans, voire 30 ans de prison.

Face à ces déboires judiciaires, le secrétaire d'État belge à l'Asile et à la Migration Theo Francken, du parti nationaliste flamand N-VA, a remis en cause publiquement dimanche la tenue d'un procès équitable pour M. Puigdemont tout en laissant entendre que la Belgique pourrait lui offrir l'asile. Ces propos ont aussitôt été démentis par le Premier ministre belge, Charles Michel, demandant à M. Francken de « ne pas jeter de l'huile sur le feu ». Carles Puigdemont s'est pourtant rendu hier à Bruxelles avec cinq ex-conseillers de son gouvernement pour rencontrer des « dirigeants flamands », ont rapporté les médias espagnols. Il ne s'y trouve « certainement pas sur invitation de la N-VA », a déclaré le porte-parole du parti, Joachim Pohlmann. L'ex-président catalan « n'a aucune réunion avec notre ministre-président » Geert Bourgeois, ont assuré des sources du parti N-VA à l'agence de presse espagnole EFE. Malgré de nombreuses incertitudes quant au contenu de la visite de M. Puigdemont, cela montre cependant « une prise au sérieux des menaces de la justice espagnole », note Mme Loyer.

 

Risques de débordements ?
Suite à ces évènements, la Catalogne n'est pas à l'abri de nouvelles violences. Déjà durant la tenue du référendum et au lendemain de la déclaration d'indépendance, des débordements ont eu lieu entre les forces de sécurité, les indépendantistes et les manifestants contre l'indépendance. Les Mossos d'Esquadra, la police catalane, se sont retrouvés au cœur de la tourmente, pris entre le marteau et l'enclume, alors que des divergences politiques ressortent entre les policiers. L'homme à la tête de 16 000 hommes, José Lluis Trapero, a été remplacé, étant visé par une enquête pour sédition et considéré trop proche des indépendantistes. Les Mossos sont désormais sous le contrôle du ministère de l'Intérieur espagnol. Le choix du camp que les forces catalanes décideront de soutenir reste incertain. Selon le journal en ligne El Independiente, les Mossos ont reçu l'instruction de Madrid dimanche d'enlever les portraits de l'ex-président Puigdemont. Et selon un document interne obtenu par EFE, les policiers catalans ont reçu l'ordre de respecter le « principe de neutralité ». « Dans toutes et chacune de nos interventions, nous agissons en représentation de l'institution à laquelle nous appartenons et non à titre individuel, et par conséquent, le principe de neutralité opère à tout moment », rapporte le texte. « La médiation doit être une nouvelle fois notre meilleur outil de résolution des conflits », souligne-t-il.

Peu avant l'application de l'article 155, M. Puigdemont a appelé les Catalans au pacifisme, leur demandant de « respecter les personnes, symboles, opinions et protestations des Catalans qui ne sont pas d'accord avec la décision de la majorité ».

 

(Lire aussi : Catalogne : une déclaration d'indépendance "vide" sans aucune conséquence au plan international)

 

 

Nouvelles élections en décembre
Dans l'objectif d'aller de l'avant, le gouvernement de Madrid a décidé samedi dernier de convoquer des élections régionales le 21 décembre prochain. La date a été choisie conformément à la loi 5/1985, du 19 juin, qui impose un délai de 54 jours entre la convocation et la tenue des élections. Différents partis indépendantistes dont le Parti démocrate catalan (PDeCAT) de Carles Puigdemont ont fait savoir hier qu'ils comptaient participer aux élections régionales. « Le 21, nous irons aux urnes, nous irons avec conviction et nous sommes très attachés à ce que la société catalane puisse s'exprimer », a déclaré la porte-parole du parti, Marta Pascal. Et le parti Gauche républicaine de Catalogne (ERC) du vice-président de l'exécutif catalan destitué, Oriol Junqueras, a dénoncé ces élections comme « illégitimes » mais a cependant affirmé les considérer comme « une opportunité supplémentaire pour consolider la république » catalane. Les forces indépendantistes peuvent-elles s'imposer à nouveau en décembre ? Pessimiste, Barbara Loyer estime qu'elles « risquent de perdre, selon les estimations des sondages ». Si la coalition indépendantiste « Ensemble pour le oui » (JxSi) a obtenu la majorité des voix en 2015, le taux d'abstention s'est élevé à 22 %. « Il faudra attendre de voir l'ampleur de la mobilisation lors du vote, il serait surprenant qu'il y ait beaucoup de réserve de voix en faveur des mouvements indépendantistes », estime la spécialiste. Autre élément de taille, la répartition des voix du parti de gauche radicale Podemos qui prônait une troisième voie entre Madrid et Barcelone pour tenter de les ramener autour de la même table avant la tenue du référendum. La direction du parti a par ailleurs approuvé dimanche la convocation d'un référendum pour ses inscrits afin de décider de se rallier ou non à la coalition indépendantiste lors des élections.

 

 

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