C'est dans l'incertitude la plus totale que se déroule la rentrée scolaire du secteur privé. Les enseignants ne savent toujours pas s'ils obtiendront les augmentations de salaires et d'échelons auxquelles ils ont droit, sur base de la loi nouvellement adoptée. Les parents d'élèves ne savent pas non plus de combien seront majorés les frais de scolarité, cette année. Pour sa part, le ministre de l'Éducation, Marwan Hamadé, vient de s'envoler pour New York, où il assistera à l'Assemblée générale des Nations unies. L'initiative de dialogue qu'il a enclenchée entre les écoles privées, les parents d'élèves et les enseignants des écoles privées devra donc attendre son retour. Il avait proposé que, dans l'attente des conclusions de la commission d'urgence, les écoles ne perçoivent comme premier versement des écolages que 30 % de la facture scolaire de l'année dernière. Les hausses de salaires des enseignants seraient donc gelées, alors que rien pour l'instant ne présage une issue rapide à la crise.
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Dos à dos
Entre-temps, la guerre des chiffres bat son plein. De part et d'autre, le ton monte. Les écoles crient haut et fort qu'elles ne peuvent assumer les coûts de l'échelle des salaires accordée aux enseignants et qu'elles n'ont d'autre choix que de faire assumer ces hausses de salaires aux parents d'élèves. Elles menacent alors de hausser les frais de scolarité de près de 27, de 30 ou de 35 % pour certaines. Provoquant l'ire des parents dont les revenus n'ont pas augmenté d'une livre. Le père Boutros Azar, secrétaire général des écoles catholiques, mais aussi coordinateur de la Fédération des associations privées, avait expliqué ces chiffres à plusieurs reprises, affirmant que les écoles catholiques, notamment, gèrent nombre de petites écoles, d'établissements gratuits ou à but non lucratif, destinés aux élèves défavorisés. De leur côté, les enseignants dévoilent des études comparatives et accusent les écoles privées d'avoir abusivement augmenté les scolarités durant les vingt dernières années, alors qu'eux n'ont reçu que des broutilles.
Pour une syndicaliste avertie, Siham Antoun, les écoles privées « mènent une véritable campagne de sape du droit des enseignants ». Se basant sur une étude menée par le chercheur-économiste Rida Hamdane, cette enseignante et mère de famille révèle que, de 1996 à 2016, « les budgets des écoles privées (et donc les scolarités) ont augmenté de 400 % ». « Parallèlement, observe-t-elle, les enseignants n'ont obtenu que trois améliorations de salaires, une augmentation de 200 000 LL en 2008, une autre de 300 000 LL en 2012, suivie de l'octroi de 6 à 10 échelons équivalant à un maximum de 400 000 LL. Le tout ne dépassant pas 900 000 LL. »
Quant à « la répercussion réelle de la grille des salaires sur le budget des écoles privées, elle oscille entre 8 et 14 % selon l'établissement », assure la syndicaliste, évoquant une étude menée par une experte comptable du ministère de l'Éducation, Kawthar Dara. À eux seuls, les « revenus hors budget des écoles privées autorisés par la loi 515, générés par le transport scolaire, les fournitures et les uniformes, pourraient financer la grille des salaires », estime Mme Antoun, précisant que » ces revenus sont estimés à environ 10 % du budget des écoles ».
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L'attente jusqu'à fin octobre
Quelle option ont aujourd'hui les enseignants pour faire valoir leurs droits ? « Nous attendons jusqu'à fin octobre », rétorque Rodolphe Abboud, président du syndicat des enseignants des écoles privées, contacté par L'Orient-Le Jour. Car il est important « d'identifier » les établissements qui appliqueront la loi, mais aussi ceux qui refusent de se plier à la nouvelle législation. « Nous dresserons d'abord des listes. C'est alors que nous déciderons de recourir ou non à la grève », dit-il. Si le président de l'ordre refuse d'entamer l'année scolaire par une grève, c'est parce qu'il a été informé que « certaines grandes écoles laïques et mêmes catholiques envisagent déjà de donner leurs droits aux enseignants », rubis sur l'ongle. Il indique s'être rendu « chez le patriarche maronite, Béchara Raï », pour inviter les écoles catholiques à respecter les droits des enseignants.
Les parents d'élèves, eux, persistent et signent. « Nous refusons d'entamer l'année scolaire sans connaître le montant de la hausse des écolages, martèle Raymond Féghali, membre du comité des parents au Collège Notre-Dame de Jamhour. Cette augmentation doit être quantifiée dès à présent. Car nombre de parents ne pourront pas l'assumer, n'ayant pas obtenu d'augmentation de salaire. » La solution, selon lui, devrait venir de l'initiative initiée par le ministre de l'Éducation, car la crise se fait pressante. « Nous espérions une réunion cette semaine, qui n'aura visiblement pas lieu », déplore-t-il.
Mais au-delà de ce dialogue qui est dans « l'obligation de réussir », « toutes les parties étant partenaires dans le processus éducatif », il ne voit qu'une solution viable à long terme : « Séparer les législations des secteurs éducatifs public et privé. » Autrement dit, écarter les enseignants du privé de l'échelle des salaires et leur concocter une convention collective, avec « toutes les garanties nécessaires ».
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18 h 07, le 21 septembre 2017