Le patriarche maronite, Béchara Raï, a estimé hier qu'il est « du devoir de l'État de soutenir financièrement l'école privée ». C'est à l'occasion de la cérémonie d'ouverture du 24e congrès annuel des écoles catholiques que le chef de l'Église maronite a lancé cet appel aux autorités. « Nos écoles catholiques refusent d'être mises en confrontation avec les enseignants et les parents d'élèves par les responsables politiques », a-t-il martelé devant un parterre de personnalités politiques et religieuses, parmi lesquelles le ministre de l'Éducation, Marwan Hamadé, le cardinal Giuseppe Versaldi, préfet de la congrégation pour l'éducation catholique au Vatican, et le secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar. Et de préciser que les écoles catholiques ne sont pas contre les augmentations de salaires des enseignants, pas plus qu'elles ne veulent éreinter les parents par la hausse des scolarités. Alors, « pour protéger à la fois les enseignants et les parents, elles réclament que l'État assume les augmentations de salaires des enseignants ».
Les propos du patriarche maronite viennent en réponse à l'adoption par les autorités de la nouvelle échelle des salaires, qui englobe non seulement les enseignants et l'ensemble des fonctionnaires du secteur public, mais aussi les enseignants du privé. Une nouvelle échelle qui fera grimper les salaires des enseignants, bloqués depuis 2008, et qui menace de se répercuter sur les scolarités de l'ensemble du secteur privé.
Une aide annuelle de 400 milliards de LL
La réponse des autorités se fait donc attendre, alors que de nombreux élèves ont déjà pris le chemin de l'école. Contacté par L'Orient-Le Jour, le ministre de l'Éducation refuse pour l'instant de se prononcer. « Il est encore trop tôt », dit-il. Mais il affirme que la répercussion de la grille des salaires sur les scolarités de l'enseignement privé est à l'étude par un comité d'urgence qu'il a formé, regroupant des représentants de la Fédération des associations scolaires privées du Liban, du syndicat des enseignants de l'école privée et d'associations de parents d'élèves. Avec pour objectif de se pencher sur les comptes des écoles privées, grâce à l'assistance du syndicat des contrôleurs assermentés. Marwan Hamadé estime aussi que « la demande du patriarche maronite, telle quelle, de but en blanc, paraît assez peu réaliste, étant donné les moyens de l'État ». En même temps, « si la requête des écoles catholiques était ultérieurement acceptée, ce serait abolir l'indépendance et le prestige du secteur privé », observe-t-il, partageant ainsi la conception du patriarche sur ce point.
Alors, les deux parties tentent de « chercher ensemble une solution », mais, entre-temps, l'État a « demandé au secteur privé de ne pas hausser les scolarités ». « Il ne s'agit pas d'un bras de fer, mais d'un dialogue », rassure M. Hamadé. « Beaucoup d'idées ont germé », insiste le ministre de l'Éducation, refusant d'en dire plus avant que ces idées soient acceptées par le Conseil des ministres et par toutes les parties concernées. Il rappelle surtout que « l'État subventionne l'école privée gratuite et indirectement l'école privée (par des allocations scolaires à ses fonctionnaires et juges), à hauteur de 400 milliards de LL par an ». « Couvrir la différence de salaires des enseignants du privé coûterait au Trésor près de 600 milliards de LL supplémentaires, autrement dit la moitié du coût de l'échelle des salaires, ce qui est impensable », note encore le ministre. Il invite toutefois « à ne pas diaboliser l'école privée », « ne pas non plus mépriser l'école publique, dont les résultats sont aujourd'hui très performants ».
La subvention ou la législation
Pour les écoles catholiques, deux idées maîtresses font leur chemin. « Que l'État assume donc le salaire des enseignants du privé, ou du moins une partie de ce salaire, voire les augmentations, dit à L'OLJ le secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar. Car, la crise économique aidant, les parents d'élèves ne peuvent aujourd'hui supporter les hausses de scolarité inévitables, liées à l'adoption de la grille des salaires avec ses effets rétroactifs jusqu'à 2008. » C'est dans ce cadre que les écoles privées, de la voix du coordonnateur de la Fédération des associations scolaires privées, réclament « des mesures courageuses, pour une année académique saine, et par la voie du dialogue ». Autre alternative envisagée, à plus long terme, « séparer les grilles de salaires des deux secteurs public et privé ». « Les enseignants du privé auront alors leur propre grille de salaires et tous leurs droits », promet le père Azar. Des propositions de loi dans ce sens sont en préparation au Parlement, qui risquent de priver les enseignants de l'école privée de la nouvelle grille de salaires.
« Ce sera donc la solution par le dialogue, ou alors la possibilité de recourir à une nouvelle législation », affirme le père Azar. Il soutient toutefois qu'il « ne peut y avoir de grille de salaires sans budget. De même, il ne peut y avoir de budget sans réformes ».
Les regards sont aujourd'hui tournés vers le Conseil constitutionnel qui examine le recours en invalidation présenté par le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel. En cas d'invalidation des nouvelles mesures fiscales, comment les autorités envisagent-elles de financer la grille des salaires ?
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