Le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, lors de la cérémonie officielle en honneur aux militaires tués, à Yarzé. REUTERS/Jamal Saidi
Le Liban officiel a fait aujourd'hui ses adieux aux dix militaires qui étaient détenus par les jihadistes du groupe État islamique depuis août 2014 et dont les dépouilles mortelles avaient été retrouvées il y a quelques jours dans les hauteurs de la Békaa, à la frontière syrienne.
Le convoi funéraire est parti tôt ce matin de l'hôpital militaire situé rue Badaro et s'est dirigé vers le siège du ministère de la Défense à Yarzé, dans la banlieue sud-est de Beyrouth, où des funérailles nationales leur ont été réservées. Cette cérémonie officielle a été organisée en l'honneur des dix militaires, en présence de leurs familles et de plusieurs responsables, notamment le président de la République Michel Aoun, le Premier ministre Saad Hariri, le président du Parlement Nabih Berry, et le commandant en chef de l'armée, Joseph Aoun.
Les dix soldats tués sont : Mohammad Hussein Youssef, Ibrahim Samir Mghayt, Hussein Mahmoud Ammar, Khaled Mokbel Hassan, Seïf Zebiane, Ali al-Hajj Hassan, Ali Zayd al-Masri, Moustapha Wehbé, Abbas Medlej et Yehia Khodr.
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A 10h, une minute de silence a été observée en hommage aux soldats tombés. "Avec votre martyre, la nation grandit", a écrit le président Aoun sur sa page Twitter.
Vingt-et-un coups fusils ont par la suite été tirés par la garde militaire, avant qu'une brève biographie de chaque soldat ne soit lue. Les soldats tombés ont tous été promus à titre posthume. L'orchestre militaire a ensuite joué l'hymne national. "Nous ne les oublierons jamais", ont aussitôt crié d'une seule voix les soldats qui rendaient hommage à leurs camarades. Un peu plus tard, le président Aoun a décoré les cercueils de chaque militaire tombé sur le champ d'honneur.
"La patrie vous salue"
Vers 10h30, le général Joseph Aoun, a pris la parole et s'est d'abord adressé au chef de l'État : "Monsieur le président, votre présence dès l'aube dans la salle d'opérations lors du lancement de la bataille "L'Aube des jurds" a eu un impact indiscutable sur la troupe".
Le général Aoun a ensuite poursuivi, devant les cercueils des militaires alignés dans la cour du ministère : "Chers martyrs, notre bonheur après la victoire reste incomplet, car nous avions l'espoir de vous voir rentrer sains et saufs. La patrie vous salue, et nous serons toujours fiers de vous et de vos sacrifices. Soldats héroïques, vous êtes allés sur le front sans attendre. Nous n'oublierons pas les cellules terroristes sur notre territoire. Nous allons y faire face. Familles des militaires otages, soyez fiers car grâce au sacrifice de vos enfants, nous avons mené l'opération contre les jihadistes. Les années d'attente ont été difficiles pour vous, mais vous n'avez jamais douté de l'armée. Désormais, la troupe sera déployée sur notre frontière-est. Mais nous n'oublions pas pour autant l'ennemi israélien au Sud".
AFP / ANWAR AMRO
"Martyrs tombés au champ d'honneur"
Le chef de l'État, Michel Aoun, est ensuite monté à la tribune. "Cette étape se caractérise par la tristesse et la douleur, mais aussi par la victoire. Nos soldats sont tombés entre les mains des terroristes après des divisions au sein du pouvoir. Aujourd'hui, leur martyre fait qu'ils sont présents dans l'esprit de toute la nation. Je vous promets que le sang de vos fils n'aura pas été versé en vain, et nous chercherons la vérité", a déclaré le président de la République aux familles des militaires.
M. Aoun s'est par la suite adressé aux militaires tués, en les nommant un à un : "Je vous nomme martyrs tombés au champ d'honneur. Les médailles qui vous ont été remises symbolisent la reconnaissance du peuple libanais envers vous. Vive l'armée, vive le Liban."
A la fin de la cérémonie, les responsables ont présenté leurs condoléances aux familles des militaires et les dépouilles mortelles ont quitté le ministère de la Défense. Dernière étape avant l'inhumation de chaque soldat dans son village natal : la place Riad Solh, dans le centre-ville de Beyrouth, où les proches des soldats avaient tenu un sit-in durant plus de trois ans, jusqu'à ce qu'ils apprennent leur sort. Les voitures transportant les corps des militaires ont été accueillies par des youyous, des cris, des pleurs et des lancers de riz et de fleurs, dans une ambiance mêlant tristesse et fierté. Des dizaines de personnes, militants ou simples citoyens, sont venues soutenir les familles. Certains ont déploré une faible présence sur place.
Les corps de ces dix militaires avaient été localisés à la frontière syrienne, à l'issue d'une semaine de combats que l'armée a livrés aux jihadistes du groupe État islamique, lors de la bataille baptisée "L'Aube des jurds". Le Hezbollah et l'armée syrienne avaient eux aussi participé aux combats à partir du territoire syrien. Un accord avait été conclu entre le Hezbollah chiite et les jihadistes sunnites, en vertu duquel les terroristes ont été évacués vers la Syrie, après avoir indiqué le lieu où ils avaient enterré les soldats qu'ils avaient kidnappés.
(Repère : Tués ou libérés, qui sont les militaires libanais ex-otages des jihadistes)
Au total, une quarantaine de militaires libanais avaient été kidnappés le 2 août 2014 lors de la bataille de Ersal (Békaa) par les jihadistes du Front Fateh el-Cham (à l'époque Front al-Nosra) et ceux du groupe État islamique. Quelques uns avaient été libérés peu après leur enlèvement. Puis le 1er décembre 2015, al-Nosra avait libéré les 16 otages qu'il retenait, après avoir assassiné deux d'entre eux l'année précédente. L'EI, lui, n'a relâché aucun de ses otages. Deux d'entre eux avaient été exécutés en 2014. Les corps des huit autres, vraisemblablement tués début 2015, ont donc été récupérés dans le cadre de l'accord conclu à l'issue de la bataille des jurds menée au mois d'août 2017.
AFP / STRINGER
Une journée de deuil national a été décrétée aujourd'hui vendredi. Elle s'accompagne d'une polémique douloureuse et tardive sur les responsabilités du drame. Les parents d'otages accusent les autorités civiles et militaires en place au moment du drame d'avoir manqué à leur devoir d'aller au secours des militaires capturés. Une commission militaire a été chargée d'éclaircir la question. Elle dispose d'indications sur le déroulement de l'attaque lancée contre Ersal, fournies par une dizaine de suspects qui sont aujourd'hui derrière les barreaux.
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commentaires (5)
Adieu ou au revoir, mais que leur mort serve à cimenter les diverses communautés libanaises et seulement LIBANAISES, et empêche ce petit pays si convoité de tomber dans les griffes des prédateurs qui l'entourent. RIP our soldiers.
Christine KHALIL
15 h 52, le 08 septembre 2017