Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Focus

Les déclarations de Macron sur la Syrie le « décrédibilisent aux yeux d’une grande partie de ceux qui croyaient à son rôle »

Le politologue Ziad Majed analyse pour « L'Orient-Le Jour » les propos du président français sur sa politique syrienne.

De la fumée s’échappait hier d’immeubles touchés par les raids du régime syrien hier à Jobar, un quartier limitrophe de Damas. Mohammad Eyad/AFP

L'interview accordée par le président français Emmanuel Macron à huit journaux européens, dans laquelle il définit sa politique en Syrie, est tombé comme une douche froide pour l'opposition syrienne qui dénonce un revirement de la part de Paris concernant le régime syrien.
Ses propos semblent être en rupture avec la politique de son prédécesseur François Hollande. Reste que, dans les faits, peut-être que rien n'a effectivement changé.
Le politologue Ziad Majed, spécialiste de la Syrie, décrypte pour L'Orient-Le Jour les propos du président Macron.

 

M. Macron affirme que « Bachar n'est pas l'ennemi de la France, mais l'ennemi du peuple syrien ». Comment expliquer d'abord cette dichotomie ?
Cette déclaration fait écho aux positions déjà exprimées l'année dernière par l'actuel ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lorsqu'il était ministre de la Défense. Elle justifie l'intervention militaire contre Daech (acronyme arabe de l'État islamique), et l'inaction face à Bachar el-Assad, même s'il est responsable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité qui dépassent largement ceux de Daech.
La déclaration exclut les Syriens de la communauté internationale et de l'humanité, car même s'ils meurent sous la torture dans les geôles d'Assad et sous les bombardements aériens de son armée, cela ne fait pas de leur tueur de masse un ennemi de la France. C'est du mépris affiché vis-à-vis de tout un peuple et une approche qui dessaisit la France des valeurs universelles et du droit international qu'elle prétend souvent défendre.
Pire encore, ce message sera interprété par le dictateur syrien comme un permis de tuer, comme une totale immunité, du moment que les dizaines de milliers de victimes ne sont que des enfants, des femmes et des hommes syriens (et palestiniens de Syrie).

 

(Lire aussi : Virage ? Mirage ? L'édito de Issa Goraieb)

 

« Je n'ai pas énoncé que la destitution de Bachar était un préalable à tout. Car personne ne m'a présenté son successeur légitime », ajoute-t-il. Est-ce pour dire que l'opposition actuelle n'est pas légitime ?
M. Macron avait lui-même déclaré en réponse à des associations franco-syriennes qui l'avaient interpellé sur sa position par rapport à la Syrie durant sa campagne présidentielle que « Bachar el-Assad a commis des crimes de guerre contre son peuple. Son maintien au pouvoir ne peut en aucun cas être une solution pour la Syrie. Il n'y aura pas non plus de paix sans justice et donc les responsables des crimes commis, notamment les attaques chimiques, devront en répondre. La France continuera d'agir au Conseil de sécurité en ce sens, malgré l'obstruction systématique d'un des membres permanents ».
Aujourd'hui, M. Macron semble revenir sur sa position. En outre, considérer que l'absence présumée d'alternatives est une raison suffisante pour maintenir un tueur de masse en place est en soi une injure à l'intelligence du peuple syrien. M. Macron nie le potentiel de milliers de Syriens, d'intellectuels, de technocrates, de juristes, de militants de la société civile qui ressemblent à ceux dont il est tellement fier au sein de son mouvement « En Marche ». En tout état de cause, après la destruction massive de la Syrie par Bachar el-Assad et ses alliés, il est impossible de renaître sans une gestion politique collective. L'alternative ne tient pas à un seul leader, mais à un collège (dont plusieurs membres éventuels sont en ce moment emprisonnés ou exilés) qui pourrait remplacer le dictateur et son État meurtrier.

 

« La lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie. » C'est la nouvelle realpolitik de la France ?
La déclaration peut être une forme de repositionnement par rapport au dialogue avec la Russie dans un moment de flou et d'imprévisibilité américaine. M. Macron croit pouvoir jouer un rôle plus important en retournant sa veste et en abandonnant les positions de principe de son prédécesseur, M. Hollande.
Il se trompe lourdement car sa position dénote une naïveté et une absence de stratégie. Toutes les expériences passées montrent bien que la guerre contre le terrorisme ne se gagne pas par la simple coopération militaire avec les Américains ou les Russes (qui font par ailleurs des centaines de victimes civiles en Syrie comme en Irak).
Le terrorisme se développe dans un contexte d'humiliation, d'absence de perspectives et d'occupation. Le nihilisme guerrier prospère sur les ruines du champ politique que les Assad, père et fils, ont détruit en Syrie par la répression, les massacres, les arrestations, l'impunité et parfois la complicité des acteurs internationaux... Tout le monde en paye le prix aujourd'hui. Nous le paierons encore plus cher dans quelques années à force de répéter les mêmes politiques. Une autre forme du daechisme pourrait émerger.
M. Macron sait pertinemment qu'Assad se maintient aujourd'hui grâce à l'occupation militaire russe et iranienne d'une partie de la Syrie. Il n'ignore pas également que cette occupation est en soi une raison suffisante pour alimenter les frustrations et la colère, voire la résistance, qui sont loin de mener à une quelconque stabilité.
Plus Assad reste au pouvoir, plus Daech, al-Nosra (Fateh al-Cham, ex-Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda), ou d'autres qui leur succéderaient augmenteront leur capacité de recrutement. Bien entendu, un départ d'Assad ne résoudrait pas d'emblée tous les problèmes. Il ne faut pas oublier que nous sommes à la sixième année d'un conflit précédé par 41 ans d'une dictature barbare. Sans une solution politique assurant une transition, sans justice et respect des droits humains, la solution militaire ne peut être que très temporaire face à l'extrémisme et à la terreur.

 

M. Macron répète ses « lignes rouges » : « les armes chimiques et l'accès humanitaire », sur lesquelles il affirme qu'il sera « intraitable ». Quelle est sa marge de manœuvre ? Et que veulent dire ces lignes rouges après tout ce qu'il vient de dire ?
Macron reprend les propos de Barack Obama dont nous connaissons hélas les conséquences néfastes. La ligne rouge sur les armes chimiques n'a été rien d'autre qu'un feu vert donné pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité avec toutes sortes d'armes sauf les armes chimiques. Macron promettait de jouer un rôle de leadership politique et éthique au niveau européen et international. Cette déclaration l'a d'emblée décrédibilisé aux yeux d'une grande partie de ceux qui y croyaient.

 

Lire aussi

Emmanuel Macron, ou la politique autrement

Macron officialise la nouvelle realpolitik française sur la Syrie

La lutte antiterroriste, "priorité absolue" de la politique étrangère française

 

Pour mémoire

Macron rencontre à Paris une délégation de l'opposition

Macron et Poutine montrent les muscles à Versailles

L'interview accordée par le président français Emmanuel Macron à huit journaux européens, dans laquelle il définit sa politique en Syrie, est tombé comme une douche froide pour l'opposition syrienne qui dénonce un revirement de la part de Paris concernant le régime syrien.Ses propos semblent être en rupture avec la politique de son prédécesseur François Hollande. Reste que, dans les...

commentaires (20)

La France est une puissance militaire de poids...mais ne saurait "jouer seule dans la cour des grands" Macron, réaliste, connaît cela...et Macron historien sait quels bourbiers attendent les "justiciers auto proclames" Alors il se tient à l'écart des va t en guerre...en paroles...dont certains sont "bien au chaud à Istabul" On ne saurait ignorer la "compassion" de Macron pour toutes les victimes des Assad...mais realpolitik exige de ne supporter, même pour les causes justes, que ceux qui ont les convictions solides et les moyens humains fiables...il semble convaincu que l'opposition syrienne actuelle ne remplit pas ces conditions

Chammas frederico

20 h 41, le 25 juin 2017

Tous les commentaires

Commentaires (20)

  • La France est une puissance militaire de poids...mais ne saurait "jouer seule dans la cour des grands" Macron, réaliste, connaît cela...et Macron historien sait quels bourbiers attendent les "justiciers auto proclames" Alors il se tient à l'écart des va t en guerre...en paroles...dont certains sont "bien au chaud à Istabul" On ne saurait ignorer la "compassion" de Macron pour toutes les victimes des Assad...mais realpolitik exige de ne supporter, même pour les causes justes, que ceux qui ont les convictions solides et les moyens humains fiables...il semble convaincu que l'opposition syrienne actuelle ne remplit pas ces conditions

    Chammas frederico

    20 h 41, le 25 juin 2017

  • C est quand meme incroyable sinon ahurissant de voir tant de gens se tromper a ce point. Aucun dirigeant n a jamais dit il faut se debarasser de Bashar. Je ne sais pas ou les libanais vont chercher cela. Aucune attaque occidentale contre les forces du regime. Par contre tous sont d accord sur un point Bashar ne peut pas faire partie de la solution et Macron l a confirme aussi quand il a precise que Bachar el Assad ne represente PAS pour autant l avenir pour la Syrie. Donc Le depart de Bashar n est pas un prealable a toute negociation. Si l une des personnes qui se plaint de Macron peut trouver une declaration d un dirigeant occidental disant le contraire, je serais ravi. Meme l opposition syrienne qui negocie a Damas n en fait pas un prealable du moment qu ils negocient avec ses representants. Je ne comprends vraiment pas la position des libanais qui sont plus royalistes que le roi et plus que tous les dirigeants occidentaux Faire tomber Bashar sans processus politique n a jamais ete une priorite

    Jihad Mouracadeh

    11 h 42, le 25 juin 2017

  • Notre soutien à la candidature d'Emmanuel Macron était motivée par trois critères: 1 - Sa position anti-identitaire qui révélait une vision anthropologique saine de ce qu'est la personne humaine. 2 - Son adhésion claire et nette au projet européen qui se traduit pas une prise de distance suffisante vis à vis de la politique de Vladimir Poutine mais aussi de Donald Trump, rappelant en cela la politique d'un Charles De Gaulle 3 - Mais le critère le plus important pour nous était sa position à l'égard d'un chef d'Etat assassin de son propre peuple: Bachar el Assad. Les derniers propos du Président Macron non seulement déçoivent mais décrédibilisent leur auteur comme le signale Ziad Majed. Par ailleurs, cette position confirme ce qu'on savait depuis plusieurs années et ce qu'a révélé la crise syrienne en ce qui concerne l'imaginaire occidental, notamment français. L'imaginaire occidental demeure prisonnier de ses propres fantasmes hérités des Croisades et de sa prétention à l'universalité de ses propres catégories mentales forgées par les Lumières. Nous rappelons au Président Macron que l'humanité est une, peuple syrien y compris. Ignorer cette vérité élémentaire n'est pas digne d'un Jupiter ou d'un De Gaulle.

    COURBAN Antoine

    08 h 20, le 25 juin 2017

  • Que voulez vous il se prend pour Jupiter, il vit à l'Elysee ( le mont Olympe)!!!!!

    Eleni Caridopoulou

    20 h 55, le 24 juin 2017

  • C'est dommage qu'une nouvelle stare de la politique internationale, référence à son jeune age et à sa grande réussite malgré son peu d'expérience, soit l'objet d'une si grande déception.

    Raminagrobis

    19 h 44, le 24 juin 2017

  • Ce Président, parle beaucoup sans aucune action ni réalité de la situation au MO Il continue la même politique que Holland 1er, des mots, des paroles sans suite Ue politique étrangère minable Un oubli des crimes de la famille Assad depuis 40 ans, des mots pour épater la galerie En attendant il attire l'attention des terroristes sur la France et il passera son temps à se recueillir sur les tombes des victimes les chrysanthèmes à la main pour fleurir leurs tombes c'est tout ce qu'il a à offrir Du côtés des graves problèmes qui secouent la France , il nous met la bave aux lèvres en promulguant des feuilles de routes sans dates d'application ce n'est plus le parti communiste mais c'est tout comme. attention à la feuille d'impôts

    FAKHOURI

    14 h 56, le 24 juin 2017

  • "Bachar el-Assad n'est pas l'ennemi de la France" ni son père Hafez non plus ! L'assassinat de Louis Delamare, ambassadeur de France à Beyrouth le 4 septembre 1981 dans sa voiture au temps de la sinistre occupation syrienne. L'attantat du poste du Drakkar à Ramlet-el-Baïda le 23 octobre 1983 où 58 parachutistes français avaient été tués par un camion piégé, toujours au temps de la sinistre occupation syrienne. Tout cela est l'oeuvre de qui. ? cher Emmanuel Macron !

    Un Libanais

    14 h 15, le 24 juin 2017

  • MACRON PAR SA DÉCLARATION SUR ASSAD, A MULTIPLIÉ LE RISQUE DU TERRORISME SUR LA FRANCE PAR 100 FOIS.

    Gebran Eid

    14 h 14, le 24 juin 2017

  • C'EST PARFAIT, TRÈS BIEN EXPLIQUER. MERCI ZIAD MAJED.

    Gebran Eid

    13 h 49, le 24 juin 2017

  • Si on pouvait avoir une interview de même qualité que celle ci , mais avec le clown trump-pète sur son revirement vis à vis des bensouads , à qui il a pompé 400 milliards de usd quand même .!!!! Macron , lui n'a rien obtenu du héros Bashar pour se raviser ! Espérons être publié !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 22, le 24 juin 2017

  • Les propos de Mr Macron sur Bachar ont emu plus d un commentateur libanais, dont Mr Majed, comme nombre d internautes. Mais il a souleve l enthousiasme des medias du regime. C est dire que l emotion ne devrait pas remplacer l objectivite dans l analyse politique. Il estnotoire que la CI refuse le depart de Bashar sans solution politique dont l autorite de transition regroupant des representants de l opposition et du regime est la pierre angulaire et constitue la base des negociations de Geneve. Processus politique que tant Macron que la CI soutient. Laguerre contre Daech doit cependant preceder tant pour les US que pour Macron. Rien de nouveau. La finalite du processus politique devrait conduire a un depart de Bashar et un changement de regime. Son depart prealablea toute solution est innaceptable. Meme les russes ont souvent declare qu ils ne sont pas attaches a la personne de Bashar. Macron est droit dans ses bottes en ligne avec la CI. Jinvite ceux qui sont outrages par les propos de Macron a lire laresolution 2254 du CS ONU.

    Jihad Mouracadeh

    10 h 51, le 24 juin 2017

  • Autrement dit: les état n'ont ni ennemi ni ami, il ont des intérêts!

    DAMMOUS Hanna

    10 h 01, le 24 juin 2017

  • Macron insulte vraiment l intelligence en affirmant que le boucher de Damas n est pas l ennemi de la France si non du peuple syrien ...on pourrait lui demander alors de qui la France est elle l amie?de Bashar ou du peuple syrien? Quant au successeur legitime de AASAD,il est le meme que celui de Hitler,Franco ,Milosevic ou Pinochet...un president elu democratiquement...

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 58, le 24 juin 2017

  • pourquoi se poser encore des questions ? se rappeler que tte nation au monde ne fait QUE SON interet. SURTOUT SURTOUT visible s'agissant de la france : 2007, Kadhafi , parc hotel Marigny : une tente specialement fixee pour y loger le prince milliardaire - 4 ans + tard ,2011, Lybie , ce meme prince devient ennemi # 1 de cette meme france. 2010, B assad , invite d'honneur assiste au defile du 14 juillet(fete nationale en france), 1/2 ans + tard, ce meme invite est voue a l'hegemonie par cette meme france, accuse de bien pire que le terrorisme int'l par mr Hollande. 2017, cette meme france , sous mr. macron decide que non, pas du tout, B assad n'est pas l'ennemi de la france= on ne lui fait pas la guerre = on le dorlotte meme avec vues des $$$$/ sur la reconstruction de la syrie d'apres guerre .

    Gaby SIOUFI

    09 h 43, le 24 juin 2017

  • Quel avis voulez-vous que le président français donne autre que celui qu’il a exprimé? En politique étrangère on ne fait pas la guerre aux états qui ne pratiquent pas un politique intérieure comme vous, sauf celle qui a été interdites par les traités internationaux. Techniquement le régime dictatorial syrien ne fait pas la guerre à l’occident, mais bien contre des ennemis de l’intérieur dont une partie fait la guerre à l’occident, en constatant que tous ses ennemis sont financés par des puissances étrangères.

    DAMMOUS Hanna

    09 h 35, le 24 juin 2017

  • Il a fait pchiit le Macron.....

    Tabet Karim

    09 h 16, le 24 juin 2017

  • Ziad Majed n'a jamais intégré la dynamique du double ennemi et ses conséquences stratégiques alors que Le Drian dans son livre "Qui est l'ennemi" s'en est approché ainsi il ne voit pas que derrière le pire se cache le bien pire...

    Beauchard Jacques

    08 h 51, le 24 juin 2017

  • M. Ziad Majed comme tous les militants engages ne peut se prevaloir de la qualité de politologue objectif. Il occulte totalement le fait que l'opposition modérée a été marginalisée par les groupes terroristes islamistes soutenus par les pétromonarchies wahhabites et qu'il n'y a donc pas d'alternative crédible au maintien de Bachar el Assad au pouvoir que cela nous plaise ou non.

    Tabet Ibrahim

    08 h 50, le 24 juin 2017

  • Selon son habitude, Macron a tenté de faire plaisir aux deux extrêmes: un mot pour les anti-Bachar et un mot pour les assadophiles. Cette fois, c'est raté! Au lieu de contenter tout le monde, il s'est mis à dos les deux bords.

    Yves Prevost

    07 h 27, le 24 juin 2017

  • bien que, crédibiliser un illusionniste ,c'est déjà croire que le lapin est né dans le chapeau.....

    M.V.

    06 h 16, le 24 juin 2017

Retour en haut