Le Bois de Boulogne porte bien son nom. Ce village des hauteurs du Metn, dont le nom officiel est Wata el-Mrouj-Bolonia, est encore très vert et les pins y sont omniprésents. Une forêt y est particulièrement emblématique : elle a été citée dans un décret de 1942 la classant comme site à préserver, au même titre que le Bois des pins de Beyrouth ou que la forêt des cèdres de Bécharré. Cette forêt fait parler d'elle aujourd'hui, mais pour une autre raison : un couvent de Khenchara qui en est propriétaire a demandé un changement de zoning du terrain sur lequel se trouve la forêt en question, et l'affaire doit être débattue aujourd'hui lors d'une réunion de la Direction générale de l'urbanisme (DGU), selon les informations de L'OLJ. Inquiets des perspectives qu'ouvre un éventuel changement de zoning de G (5 %) à E1 (15 %), près de 80 habitants du village ont déjà signé une pétition (dont L'OLJ a obtenu une copie) demandant que le zoning reste inchangé.
Le terrain 983 dont il est question fait en effet partie du périmètre du village de Khenchara, mais relève de la municipalité du Bois de Boulogne. Le terrain est boisé en grande partie, principalement de pins. Selon des sources bien informées, la forêt a fait l'objet d'une première décision de la DGU en 2008, limitant le coefficient de construction à 5 %, ce qui risque de changer aujourd'hui.
Qu'en est-il du ministère de l'Agriculture, qui est l'administration de tutelle pour les questions relatives aux terrains boisés, notamment de résineux? Selon les informations obtenues par L'OLJ, le précédent ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, avait envoyé une lettre à la DGU, en date du 17 novembre 2016, demandant de « faire en sorte que le terrain conserve son caractère », plaidant en faveur de la préservation de la biodiversité et du maintien du zoning tel quel. Nous n'avons pu obtenir une confirmation d'un quelconque changement apporté par l'actuel ministre, Ghazi Zeaïter, mais celui-ci aurait-il communiqué son approbation à la DGU, la poussant à examiner la demande de changement ?
« Nous voulons tous préserver la forêt »
Qu'en dit le conseil municipal du Bois de Boulogne ? Interrogé sur cette affaire par L'OLJ, Georges Kfoury, président du conseil municipal, souligne d'emblée que le conseil n'a pas objecté à la demande parce que « le changement de zoning ne signifie pas nécessairement que le terrain va être bâti ni que les arbres vont disparaître ». « Le terrain a une superficie de 20 000 mètres carrés, dit-il. Avec 5 %, cela signifie que le couvent propriétaire a le droit de construire sur 1 000 mètres carrés, ce qui est déjà considérable. D'ailleurs, ce terrain appartient au wakf du couvent depuis une centaine d'années ; si celui-ci voulait toucher à ses arbres, ne l'aurait-il pas fait ? »
Pourquoi avoir demandé ce changement de zoning alors ? « Ce que le propriétaire demande, c'est le retour à un zoning ancien d'un coefficient de 15 %, ce qui correspond grosso modo à ce qui est pratiqué pour la plupart des autres terrains dans le village, explique M. Kfoury. En fait, le couvent possède une ancienne bâtisse sur une superficie non boisée dont il veut changer l'usage en installant une enseigne commerciale bien connue dans le pays. Il n'y a pas de pins sur cette surface-là. »
Pourquoi un tel projet ne pourrait-il dès lors pas être mené à bien dans le cadre du zoning actuel ? « Le problème c'est que, actuellement, le propriétaire doit avoir recours à la DGU pour n'importe quel changement sur le terrain, ce qui ne sera pas le cas avec un changement de zoning, explique le président du conseil municipal. Ce n'est donc pas une simple question de coefficient. » Selon M. Kfoury, donc, pas de risque sur la forêt « que personne ne veut voir disparaître ».
Ces affirmations ne rassurent pas les contestataires pour autant, qui craignent les perspectives qu'ouvrirait un changement de zoning. Pour eux, comme ils l'expriment dans leur pétition, l'affaire ne se limite pas à la seule préservation des pins, mais à la protection de la forêt en tant que site. Le coefficient de 5 % – décidé par la DGU, rappelons-le – suffit à protéger l'endroit, selon les signataires. Pourquoi alors rendre ce terrain du wakf, véritable patrimoine aux yeux des habitants, semblable aux autres terrains du village ?
La DGU se trouve donc aujourd'hui face à un débat qui dépasse une simple demande de changement de zoning et qui, aux yeux de nombre d'habitants de ce village, a trait à la protection de leur environnement et de leur patrimoine naturel.
Pour mémoire
Un rassemblement contre « l'ablation du poumon vert » de Beyrouth
Une nouvelle fois, des empiétements légalisés en plein Beyrouth...
commentaires (5)
Parions tout ce que vous voulez que "l'enseigne commerciale bien connue" sera très bientôt construite et tous ce qui va avec, parking, route y menant etc. ! Le dieu dollar convaincra rapidement tout ce petit monde de responsables locaux qui s'enfoutent pas mal des forêts, arbres etc., tant que leurs poches se rempliront...comme partout dans ce malheureux pays ! En continuant ainsi, le Liban sera très bientôt un immense château de béton jonché de déchets...où les seuls êtres vivants seront les rats et les cafards ! Irène Saïd
Irene Said
15 h 33, le 21 juin 2017