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Liban - législatives

Loi électorale : pour ses détracteurs, un texte qui porte toutes les causes de son échec

Les Marada comptent formuler leurs réserves en Conseil des ministres.

Alain Hakim. Photo d’archives

Si de grands efforts ont été déployés durant les derniers mois pour que la loi électorale tant attendue bénéficie de l'aval de l'écrasante majorité des protagonistes, il reste que certaines formations ne cachent pas leurs réserves quant à certains détails de la mouture dont le principe a été avalisé hier, notamment en ce qui concerne le vote préférentiel et son mode d'emploi. C'est le cas, bien entendu, des Marada (de Sleiman Frangié), des Kataëb et du Parti socialiste progressiste.

Alors que le ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos (Marada), s'est ouvertement opposé à l'application du vote préférentiel au niveau du caza, l'ancien ministre de la Culture Rony Arayji se contente de faire valoir que sa formation « aurait préféré que ce vote soit appliqué au niveau de la circonscription ». « Cela permettrait à la proportionnelle de s'appliquer d'une façon plus appropriée », explique-t-il à L'Orient-Le Jour, avant d'assurer que les Marada formuleront ces réserves en Conseil des ministres aujourd'hui.

En dépit de ce tableau, M. Arayji ne manque pas de se poser une question qu'il qualifie de « légitime », à la lumière des longues tractations en vue de l'adoption d'une nouvelle législation électorale : « Pourquoi avoir perdu tout ce temps et avoir attisé toutes les tensions politiques et confessionnelles, avant de retourner à l'accord initial ? » Allusion à l'entente conclue entre les quatre pôles chrétiens (Michel Aoun, Samir Geagea, Amine Gemayel et Sleiman Frangié) sur la proportionnelle, sous la houlette de Bkerké.
Concernant le scrutin qui se tiendra conformément à la nouvelle loi, M. Arayji déclare sans détour : « Politiquement, nous n'avons aucun problème quant au mode de scrutin proportionnel. »

Du côté de Moukhtara, et en dépit du fait que les demandes du chef du PSP, Walid Joumblatt, ont été satisfaites, les milieux de ce dernier ne se félicitent pas de l'accord politique élargi conclu hier. Un proche du leader druze indique dans ce cadre à L'OLJ que « le projet approuvé est assez confus et difficile à appliquer ». Selon cette source, « le parti n'entravera pas l'adoption du projet lors de la séance gouvernementale prévue à Baabda. Mais, il fera l'objet de longues discussions ».

À la faveur du pragmatisme politique qui a longtemps caractérisé les joumblattistes, on assure à Moukhtara que le gouvernement finira par adopter la nouvelle loi, en dépit de toutes les réserves, dans la mesure où tout le monde est pris par le temps (le mandat de la Chambre arrivant à expiration dans moins d'une semaine).

 

(Lire aussi : Législatives : ce qu’il faut savoir pour s’en sortir dans l’isoloir)

 

Les Kataëb : marché douteux
Quant aux Kataëb, ils estiment que l'entente n'est autre qu'un nouveau « bazar » conclu par les protagonistes qui font partie du pouvoir.

Si le chef du parti, Samy Gemayel, a longtemps accusé le cabinet Hariri de « manquement à ses responsabilités en matière de loi électorale, à l'heure où celle-ci devrait figurer à la tête des priorités de l'équipe ministérielle », l'entente élargie ne semble aucunement le satisfaire. Bien au contraire. Il y voit « un retour à la loi de 1960 ». Un proche de M. Gemayel se veut encore plus ferme. À L'OLJ il exprime son indignation face à ce qu'il qualifie de « tentatives de leurrer le peuple libanais, au moyen d'un retour au texte de 1960 sur lequel se sont entendus ceux qui font partie du pouvoir ».

L'opposition des Kataëb touche aussi le long processus de négociations politiques ayant mené au résultat d'hier. À l'instar de Samy Gemayel, Alain Hakim stigmatise, dans une déclaration à L'OLJ, le fait que ces tractations aient eu lieu « dans le cadre de cercles fermés, loin de toute transparence ». L'ancien ministre de l'Économie ne manque pas, d'ailleurs, d'adresser une forte critique au pouvoir en place, à l'heure où celui-ci se félicite d'un accomplissement si cher au président de la République, Michel Aoun, et à ses alliés. « Arriver à une telle formule électorale, après de si longues négociations, et alors que le pays vit dans une atmosphère d'entente politique dictée par le dernier compromis (conclu avant la présidentielle), est un échec », estime-t-il, avant de critiquer le vote préférentiel appliqué au caza. « Comment cela pourrait-il être bénéfique aux chrétiens, alors que certains ne pourront pas voter ? » s'interroge-t-il.

Face à ce tableau, un responsable ayant requis l'anonymat ne cache pas son mécontentement quant à la nouvelle mouture. « D'autant qu'il s'agit d'un projet compliqué et semé d'embûches », selon lui. « Ce texte porte en lui toutes les causes de son propre échec », dit-il. Il en veut pour preuve les modifications dont aura besoin le texte à chaque scrutin, ainsi que les difficultés qu'il crée au niveau de l'application, notamment en ce qui concerne la carte d'électeur magnétique. Ce qui a été fait hier n'est aucunement un acquis à l'actif du mandat Aoun, dans la mesure où le nouveau texte se heurte à l'opposition de plusieurs protagonistes et reste très loin de l'ambition des Libanais, estime ce responsable.

 

(Pour mémoire : Législatives libanaises : l'informatisation du scrutin, une fausse promesse ?)

 

Pas de quota féminin
Il n'y a pas que des formations politiques qui critiquent certains aspects de la nouvelle proposition. La société civile s'indigne, elle aussi, de l'absence de réformes jugées cruciales pour « rectifier la représentativité de certaines catégories », un thème de campagne longtemps brandi par le courant aouniste. Le texte adopté hier ne prévoit pas de quota féminin, en dépit de la pression effectuée par plusieurs associations féministes.
« La seule chose sur laquelle ils ne se sont pas entendus, c'est d'encourager les femmes à prendre part à la vie publique », s'insurge Joëlle Abou Farhat Rizkallah, cofondatrice de l'association Women in Front, contactée par L'OLJ. Selon l'activiste, « les partis politiques ont peur de la présence des femmes au Parlement. Ils font actuellement leurs petits calculs et ont peur de certains risques imprévus, liés au nombre de voix que pourraient obtenir les candidates ». « Nous ne céderons pas, et nous préparons un plan d'action pour s'opposer à la nouvelle loi », ajoute-t-elle, avant d'expliquer qu'il s'agit d'une campagne pour inciter les femmes à se porter candidates, ou encore ne pas voter pour des listes ne comportant pas de femmes.

 

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Staline est mort, Hitler aussi. Mais leurs disciples sont encore là au Liban. La décision prise par le CPL, les FL, Amal et le Hezbollah d'écarter le PSP, les Marada et les Kataéb est un bazar du souk des poissons... Ces trois formations en ajoutant les Indépendants forment 60% des Libanais.

Un Libanais

15 h 27, le 14 juin 2017

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Commentaires (1)

  • Staline est mort, Hitler aussi. Mais leurs disciples sont encore là au Liban. La décision prise par le CPL, les FL, Amal et le Hezbollah d'écarter le PSP, les Marada et les Kataéb est un bazar du souk des poissons... Ces trois formations en ajoutant les Indépendants forment 60% des Libanais.

    Un Libanais

    15 h 27, le 14 juin 2017

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